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Sherman Alexie : “Inquiets concernant la surveillance ? Bienvenue chez les Amérindiens”

Catégories: Amérique du Nord, Etats-Unis, Droits humains, Médias citoyens, Advox

La version originale [1] de cette publication est parue sur le site du Centre américain PEN (PEN American Center).

Cette semaine, l'auteur Sherman Alexie s'est joint au PEN American Center [2] et à l'association bibliothécaire américaine American Library Association [3] lors d'une discussion en direct sur Google [1] pour fêter la Semaine des livres interdits (Banned Books Week) aux Etats-Unis. Alexie est probablement mieux connu pour son roman de jeunesse Le premier qui pleure a perdu (titre anglais The Absolutely True Diary of a Part-Time Indian), une autobiographie qui narre la vie d'un jeune étudiant Amérindien quittant sa réserve pour intégrer une école de Blancs. Le roman récompensé par le National Book Award a le double privilège d'être l'un des livres les plus fréquemment interdits et critiqués aux Etats-Unis chaque année depuis sa publication en 2007.

credit: Tulane Public Relations

Sherman Alexie. Photo de Tulane Public Relations, rediffusée avec autorisation.

Alexie n'est pas uniquement un écrivain de fiction mais aussi un poète et scénariste de talent qui s'exprime avec éloquence —et avec humour—sur un large pan de sujets, comme la censure, la sexualité, la pauvreté, la culture amérindienne et les libertés citoyennes. Il s'est senti particulièrement concerné lors des révélations survenues en juin 2013 concernant l'étendue de la surveillance par le gouvernement américain et il a été d'autant plus troublé de l'utilisation des nos données personnelles par des firmes multinationales. D'après lui, la surveillance a toujours été ressentie par les Amérindiens et les minorités américaines aux Etats-Unis, et le programme d'espionnage de la NSA n'est que l'exposition de la majorité des citoyens du pays à ce que les autres vivent depuis longtemps :

Lorsque l'on commence à parler d'un état de surveillance, d'une façon probablement générale, je suis inquiet et suspicieux à ce sujet. Mais je pense aussi : “Bienvenue dans la réalité des Amérindiens !” Tout d'un coup, ces Blancs ressentent un léger goût de ce qu'est être Noir, de vivre là où ils sont observés et jugés et potentiellement considérés comme suspects. Mais bien sûr que le gouvernement nous a espionnés. Je n'ai pas été choqué par la révélation. En fait, j'étais surpris que cela n'ait pas été à plus grande échelle.

La culture et la technologie d'Internet rendu tellement plus facile de nous espionner et nous y contribuons volontairement. Nous souscrivons à ces lieux. Google me fait peur et je suis sur Google. Facebook me fait peur. Je m'inquiète lorsque des intérêts capitalistes contiennent toute notre expression. Ce sont d'importantes entreprises dont la motivation première est l'argent, rien de plus normal, mais quand on parle des intérêts économiques, nous parlons de personnes qui ne sont peut-être pas franches envers leurs usagers. Donc je m'inquiète de tout cela. Je regrette que le plus grand vendeur de livres au monde aille en justice pour récupérer les enregistrements en ligne de la CIA. Souhaitez-vous vraiment acheter vos livres là même où se vendent les enregistrements de la CIA ? D'après moi, cela devient un phénomène mondial qui tend à tous nous contrôler. Je suis devenu un gauchiste, théoricien paranoïaque de la conspiration et cela m'a rendu paranoïaque. Cela m'a conduit à me sentir comme un Amérindien alors que je suis déjà un Amérindien.

La vidéo de la discussion en directe sur Google avec Sherman Alexie est disponible ici sur PEN.org [4]. Vous pouvez écouter Alexie parler de la surveillance à partir la 32è minute.