- Global Voices en Français - https://fr.globalvoices.org -

Un système de surveillance de la pollution en Chine : trop peu, trop tard ?

Catégories: Asie de l'Est, Chine, Développement, Droits humains, Economie et entreprises, Environnement, Gouvernance, Médias citoyens, Santé

Cet article fait partie de notre dossier spécial sur le problème de la pollution en Chine [1] [certains articles ont été traduits en français].

[Les liens proposés dans cet article sont en anglais et chinois]

Screen grab from Youku, smog engulfed north China during the October National holiday

Sur cette capture d'écran tirée du site de vidéos Youku, on peut voir le smog qui a englouti le Nord de la Chine pendant les vacances nationales cet octobre

 L'épaisse brume de pollution qui a recouvert le nord de la Chine pendant la semaine de vacances nationales a provoqué la fermeture provisoire [2] de plus de trente autoroutes et de plusieurs aéroports à Pékin et ses environs.

Afin de répondre aux plaintes du public et à la frustration ambiante, les autorités chinoises ont remis sur le tapis leur projet de surveillance de la pollution, censé s'étendre sur une durée de trois à cinq ans. Ledit projet avait été dévoilé au début du mois de septembre. Mais les internautes s'impatientent : au lieu de surveiller, pourquoi ne pas plutôt s'attaquer à la racine du problème ?

Le Centre Chinois pour la Prévention et le Contrôle des Maladies a assuré [3] qu'un réseau de surveillance d'envergure nationale serait mis en place dans les trois à cinq années à venir. Ce système devra établir des corrélations entre le niveau de pollution de l'air et l'état de santé des habitants. Un certain nombre de sites de surveillance entrera en fonctionnement cette année : 43 stations au total, situées dans les provinces les plus affectées par le smog.

La population est sceptique quant à ce système de surveillance. Sur le site de microblogging Weibo, Hanlei Qiu Baoyang, qui réside à Pékin, s'interroge sur l'efficacité d'un tel réseau. [le post a depuis été supprimé]

3-5年只是建立一个监测的。是不是还得10年去控制?对中国只能说呵呵了

Nous allons passer les trois à cinq prochaines années à simplement mettre en place un système de surveillance. Et après ça, encore dix ans pour contrôler [la pollution] ? Je ne peux que rire de la Chine.

“Shenyang Jixiangzi”, qui réside à Shenyang dans le nord-est de la Chine, est lui aussi méfiant. Il écrit [post également supprimé] :

真不可思议啊,检测的数值明明都已经爆表了,却还说要等5年建立一个检测网络。请问有关部门是不是还需要10年后才考虑建立一个管理机制、15年后考虑建立一个考核机制,20年后考虑建立一个监管考核机制……,到最后都没有惩罚机制的考虑。

C'est vraiment incroyable, même avec un index de pollution qui dépasse déjà les plafonds, ils veulent passer cinq ans à construire un réseau de surveillance. Puis-je me permettre de demander aux départements en charge, vous faudra-t-il encore dix ans pour mettre en place un mécanisme de gestion, quinze ans pour une évaluation, vingt ans pour de la supervision….. et à la fin personne n'aura même pensé à des mesures punitives.

“YiZhi Xianren”, un directeur des ventes originaire de Chengdu dans le sud de la Chine, s'exclame [4]:

我国今年雾霾影响人口约6亿。自杀行为,原由在哪儿?谁该为此负责??能不能及时刹车,根本治理??

Près de 600 millions de personnes ont été victimes du smog cette année. Cela s'apparente à du suicide. Quelles en sont les causes ? Qui sera tenu pour responsable ? Ne peut-on pas arrêter tout cela et essayer d'éliminer la pollution une bonne fois pour toutes ??

Des nombreuses recherches ont déjà prouvé l'influence néfaste de la pollution sur la santé. Selon une étude [5] récemment publiée par l'Académie Nationale des Sciences, une personne habitant le nord de la Chine verrait son espérance de vie diminuer de cinq ans et demi à cause de la pollution. Xu Donggun, un membre officiel du Centre Chinois pour la Prévention et le Contrôle des Maladies, affirme que le smog a touché dix-sept provinces chinoises [6] en 2013, soit 600 million de personnes- pratiquement la moitié de la population.

Face à cette situation, le Conseil d'Etat a annoncé en juin dernier [7]le lancement d'une série d'initiatives anti-pollution, parmi lesquelles une amélioration de la qualité des carburants, une réduction du secteur industriel qui est très polluant, et la bascule progressive vers les sources d'énergie renouvelables. Ce projet a été consolidé et officialisé dans le “Programme de contrôle de la pollution atmosphérique” publié par le Conseil en septembre, et qui s'étendra de 2013 à 2017. Cet ensemble de mesures, dont le budget s'élèvera à 1700 milliards de yuans (environ 206 milliards d'euros), a pour objectif ambitieux de réduire de 25% le nombre de PM2.5 dans l'agglomération de Pékin d'ici à 2017. En effet, ces microparticules sont les plus nocives pour nos poumons.

En janvier dernier, l'ambassade américaine à Pékin avait annoncé sur Twitter que le taux de PM2.5 “dépassait le plafond de l'index”, à savoir 500. L'Agence américaine de protection de l’environnement déconseille toute activité à l'extérieur si le taux se situe entre 301 et 500. Un journaliste du New York Times a même comparé [8] ce taux de pollution record à l'espace fumeur d'un aéroport.

De nombreux internautes y sont allés de leurs commentaires ironiques face au chaos causé par le smog durant les vacances nationales. Yaochen, une actrice de Chine continentale qui a 50 millions d'abonnés sur Weibo, se moque dans ce commentaire [9] :

国庆长假期间,北京车辆稀少,市内道路畅通,呛人雾霾依旧。”主要污染源是机动车” 的谣言不攻自破,机动车终于得以沉冤昭雪…

Il y avait très peu de véhicules dans les rues de Pékin pendant les vacances, la circulation était fluide, mais l'air était tout autant embrumé et étouffant. La rumeur selon laquelle “les véhicules sont les principaux pollueurs” ne tient pas la route, voilà les voitures enfin réhabilitées après avoir été accusées de tant de maux…

Il parait clair que la pollution est liée à la poursuite de l'augmentation du PIB, comme le remarque Chai Xiaowei, [10]qui souligne la relation entre le smog et l'économie chinoise :

雾霾成常态后下的中国,汽车消费的不可阻挡,环保、医药、新能源行业趋势向好,提升行业估值。

Dans une Chine où le smog est la norme, l'achat de véhicules reste incontrôlable. La protection de l'environnement, l'industrie pharmaceutique et les nouvelles énergies sont des secteurs amenés à se développer, et ils gagneront en valeur.