Madagascar attend les résultats de l'élection présidentielle

Six jours ont passé depuis le scrutin présidentiel longtemps attendu de Madagascar, le premier depuis que le dernier président démocratiquement élu, Marc Ravalomanana, a été renversé en 2009 par un coup d'Etat appuyé par l'armée.

Les résultats arrivent au compte-goutte depuis vendredi 25 octobre 2013, et l'attente rend fébriles les médias sociaux.

La communauté internationale a qualifié l'élection de “libre et juste” :

Les observateurs ont déclaré l'élection présidentielle de Madagascar pacifique et transparente. Mais ce que fera l'armée reste une inconnue.

D'aucuns regrettent cependant la hâte de la communauté internationale à valider le scrutin, alors que de nombreux citoyens ont été dans l'incapacité de voter parce que leurs cartes d'électeurs ne leur ont pas été remises ou que leurs noms manquaient mystérieusement sur les listes électorales. Ndimby, un blogueur malgache de premier plan depuis le début de la crise politique d'après les coups de force, a décrit les opérations de la CENI-T, responsable de l'organisation des opérations électorales :

S’il est vrai que la journée du 25 octobre s’est relativement bien déroulée, le processus électoral va bien au-delà de cette date, jusqu’à la proclamation des résultats et au positionnement des vaincus. Contrairement aux éjaculateurs précoces de l’observation internationale, attendons qu’une masse critique de résultats sorte, qu’une tendance véritablement nationale se dégage, que l’étendue des problèmes et incidents recensés soit définie, et que les vaincus reconnaissent leur défaite, avant de dire que le premier tour s’est bien passé.

[…]

Au stade de dépouillement et de compilation où nous sommes, il est encore trop tôt pour crier à la fraude, et encore moins pour crier victoire. L’arrivée des 90 % de résultats restants peut faire changer les choses, augmenter certains scores et en baisser d’autres. Une fois encore, il faut tenter de garder la tête froide et ne pas se laisser embarquer par les appels à la protestation contre les tentatives de fraude, ou aux appels à célébration de victoire. Ceci étant dit, la lenteur de la CENI-T dans la publication des résultats (à commencer par ceux dont son siège est pourtant proche géographiquement) n’est pas fait pour éloigner la suspicion. Et il faudrait que la CENI-T rectifie le tir, avant que les gens ne commencent à se demander si les erreurs de listes et de cartes électorales étaient vraiment des erreurs, ou bien le résultat d’une stratégie en vue de préparer, si nécessaire, des prétextes pour annulations massives de vote dans un réservoir de voix qui serait a priori anti-Rajoelina. Quoiqu’il en soit, seul le temps permettra de déterminer si ces défaillances conjointes de la CENI-T, des fokontany et du personnel des bureaux de vote, ont été des cas isolés, et si leur fréquence et leur étendue pourraient avoir un impact significatif. On pourra en effet se poser des questions sur ce qui se passe en régions et en zones rurales, quand on sait que même dans la Capitale, avec les moyens de transports et de communication qui y existent, il y a tellement eu de ratés.

La CENI-T s'est trouvée la cible de nombreuses critiques pour ses difficultés à sortir rapidement des résultats précis. Son site web a été piraté peu après le scrutin, comme le signale cette information sur Twitter :

Un message Photoshop répond ironiquement que la CENI-T est occupée à truquer le vote et reviendra en ligne plus tard, sur ce tweet :

“ce site est occupé à truquer le vote” Hahaha

Barijaona, un des tout premiers blogueurs de Madagascar et qui se dit geek, maîtrise l'analyse de grosses banques de données dans la finance. Avec les résultats des divers bureaux de vote qui filtrent lentement, il a écrit un script qui permet à ceux qui s'intéressent à l'analyse électorale malgache de transférer les résultats officiels publiés en document PDF vers une feuille de calcul, et de vérifier par là si les chiffres officiels sont justes. Il a aussi écrit un modèle statistique pour faire une projection des résultats finaux de l'élection. Les résultats officiels de toutes les régions mettent des jours à arriver. Ainsi, avec seulement une fraction des régions officiellement reçue, Barijaona a traité les données de vote disponibles le 27 octobre, puis à nouveau le 29 octobre, avec des résultats très similaires. Il en a conclu que les deux candidats de tête seront probablement face à face pour le deuxième tour de l'élection :

Les résultats me paraissent remarquablement stables entre ces deux traitements, et si les résultats finaux s'écartent beaucoup de ces chiffres, il y aura vraiment de quoi s'étonner… 

Deux initiatives ont crowdsourcé les irrégularités lors du scrutin :

SUPER initiative : carte collaborative de données sur l'élection

En attendant, certains gardent leur sang-froid et arrivent à patienter :

Elections ou pas, la vie nocturne continue à Antananarivo, restez positifs !

1 commentaire

  • quel que soit le résultat, cette élection ne résoudra rien et les troubles recommenceront dans 2 ou 3 ans ou plus tard.
    la population est de plus en plis consciente de sa subordination et de son instrumentalisation!.
    Les vrais problèmes n’ont pas été soulevés par les candidats
    ( Iles Eparses, relations villes-campagnes,place dans la mondialisation etc..)
    En fait , les questionnements ne font que commencer et la population devient citoyenne; c’est le seul effet positif de cett longue et très pénible crise

Ajouter un commentaire

Merci de... S'identifier »

Règles de modération des commentaires

  • Tous les commentaires sont modérés. N'envoyez pas plus d'une fois votre commentaire. Il pourrait être pris pour un spam par notre anti-virus.
  • Traitez les autres avec respect. Les commentaires contenant des incitations à la haine, des obscénités et des attaques nominatives contre des personnes ne seront pas approuvés.