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5 ressources énérgétiques méconnues en Afrique

Catégories: Afrique Sub-Saharienne, Bénin, Cameroun, Cap Vert, Côte d'Ivoire, Djibouti, Ethiopie, Madagascar, Développement, Economie et entreprises, Gouvernance, Médias citoyens, Relations internationales, Sciences, Technologie

Le problème de l'accès à l'électricité est de nouveau d'actualités dans plusieurs pays africains, avec des problèmes de délestages récurrents au Bénin, au Cameroun [1], en Côte d'Ivoire [2] et à Madagascar [3], pour ne citer que les plus récents. 

Au Bénin, une entreprise privée nigériane est responsable de l'alimentation [4] en électricité d'une grande partie du pays.

Au Cameroun [1], Kongossa.fr décrit la situation actuelle en ces termes :

Malgré des investissements réalisés ces dernières années par la firme américano-camerounaise AES-SONEL chargée de la production, du transport, de la distribution et de la commercialisation de l’énergie électrique, le problème est loin d’être résolu.[..] Si à Douala et Yaoundé, les coupures d’électricité durent en moyenne quatre à six heures, dans d’autres localités des pays, notamment dans les zones rurales, des témoignages concordants rapportent que les coupures d’électricité peuvent durer jusqu’à trois jours d’affilé

En Côte d'Ivoire, les délestages sont si fréquents qu'ils sont répertoriés sur la page facebook du super-héros Délestron [2], imaginé par les internautes ivoiriens.

Enfin, à Madagascar, de nombreuses communautés sont remontés contre la société d’électricité nationale Jirama, accusé de manquer trop souvent à ses devoirs. Par exemple dans la communauté d'Ambohibao Iavoloha [3] :

Par exemple, la coupure totale sans avertissement qui a eu lieu entre le 06 et 11 novembre dernier. A partir du 11 au 15 novembre, les habitants ont été confrontés au délestage et l’électricité ne revient que le lendemain vers 2h du matin. Tel est le cas de l’électricité mais la faible pression de l’eau de la Jirama fait aussi grogner les habitants.

En Afrique Sub-saharienne,  les populations rurales sont les plus mal loties puisque seuls 8.4 pour cent ont [5] accès à l’électricité [5]. Et pourtant, au regard de la croissance projetée, les besoins du continent vont certainement aller en crescendo. En 2007, la consommation annuelle des sources d’énergie primaire n’y a atteint que 15,4 millions d’unités thermiques britanniques (British thermal units, Btu) par personne. En comparaison, la consommation mondiale d’énergie par personne et par an était de 70,8 Btu et celle des citoyens américains de 337,1 Btu (presque 22 fois la consommation de l’Africain moyen).

Le continent africain ne manque pourtant pas de ressources naturelles qui pourraient satisfaire les besoins en énergie.  Cette problématique est mise en exergue par l'intensification mondiale de la course à l'indépendance énergétique. Pour se pourvoir en ressources énergétiques, de nombreux pays se tournent vers les ressources naturelles sur le continent africain.

Programmes de production et de transport d'électricité en Afrique en 2040 développé par le PIDA avec autorisation [6]

Programmes de production et de transport d'électricité en Afrique en 2040 développé par le PIDA avec son autorisation

Voici quatre exemples de ressources énergétiques méconnues du grand public sur le continent :

Le pétrole lourd de Madagascar

Le pétrole à Madagascar est encore assez méconnu du grand public à l'international mais il fait l'objet de nombreuses convoitises [en].  [7] Malgré la crise politique, l’intérêt pour le pétrole à Madagascar n'a jamais cessé, pour le Japon, par exemple comme l'explique Antsa [8] :

Une délégation japonaise a rencontré les responsables du ministère des Hydrocarbures, à la recherche d'information sur la situation actuelle du secteur des ressources pétrolières, ainsi que des lois et règlementations en vigueur. «Malgré la crise politique, les investisseurs sont restés et d'autres viennent encore pour l'exploration de pétrole. Même s'ils ne sont que dans la phase d'exploration, des avantages sont déjà acquis, à l'exemple de la création d'écoles, d'hôpitaux, l’amélioration et le renforcement de capacité, etc. De plus, le gouvernement ne paie rien, malgré le partage de production», a informé le DG des Hydrocarbures. Notons que trois compagnies pétrolières japonaises ICEP, Jog Meg et Mitsibushi, s'intéressent actuellement à Madagascar.

Cet interêt croissant des exploitants pétroliers n'est pourtant pas sans risque. Holly Rakotondralambo, partenaire malgache des Amis de la Terre, explique [9] :

Alors que les prix du pétrole et des métaux sont de plus en plus élevés en raison d’une demande mondiale croissante, les grandes entreprises et les investisseurs se ruent sur Madagascar. Dans un contexte politique très fragile, ce phénomène risque d'exacerber des conflits avec les populations et de dégrader, encore davantage, des écosystèmes très riches déjà en sursis.

natural ressources of Madagascar and the corporations vying for them. Graph posted by  Front Patriotique Malagasy on Facebook, with his permission [10]

Les ressources naturelles de Madagascar et les sociétés en concurrence pour leur exploitation. Carte publiée par l'agence OMNIS sur Facebook, avec permission

Les sables bitumeux de la République du Congo 

Les sables bitumeux sont difficilement exploitables et sujets à controverse pour leur impact sur l'environnement. Les gisements de sable bitumineux représentent une importante source de pétrole brut de synthèse. L'entreprise Italienne ENI est la première compagnie pétrolière à exploiter les sables bitumineux africains.  Au Congo, Eni exploite les sables bitumineux  à 70 km de Pointe-Noire, Congo-Brazzaville, dans les zones de Tchikatanga et de Tchikatanga-Makola. L'exploitation du sable bitumeux n'est pourtant pas sans risque, comme l'explique [11] Vivement la désintox :

Exploiter les sables bitumineux est la façon la plus sale, la plus chère et la plus énergivore de produire du pétrole. Extraire 1 baril de pétrole bitumineux nécessite 5 barils d'eau et émet jusqu’à 5 fois plus de gaz à effet de serre que le pétrole conventionnel. L’extraction des sables bitumineux est également synonyme de déforestation et de pollution des eaux. En effet, afin de séparer le pétrole du sable, les compagnies injectent des solvants qui polluent massivement les sols et les rivières.

 Les éoliennes du Cap Vert

Les îles du Cap Vert sont le site du plus grand projet d'énergie éolienne en l'Afrique. L'équipement de production sur quatre des îles pourrait aboutir à la production de la plus grande quantité d'électricité éolienne (proportionnellement à la taille du pays)dans le monde, comme l'explique la vidéo suivante :

Juan Cole explique les enjeux de l'énergie éolienne [12] [en anglais] pour le pays :

The lack of electricity and its high price have been serious obstacles to economic development and job creation, and thus major reasons for the population exodus. Whereas European wind power often depends on substantial subsidies, the project in Cape Verde is based on strong winds. Electricity generated from wind power is distinctly cheaper than the power sources used hitherto in the islands.

Le manque d'électricité et son prix élevé sont un obstacle important au développement économique et à la création d'emplois. C'est aussi l'une des principales raisons de l'exode de la population. Si on considére que l'énergie éolienne européenne dépend souvent de subventions importantes, le projet du Cap-Vert lui est basé uniquement sur le potentiel fort d'énergie éolienne. En effet, l'électricité produite à partir d'énergie éolienne est nettement moins cher que les sources d'énergie utilisées jusqu'à présent sur toutes les îles.

Le potentiel de l'énergie solaire photovoltaïque au Bénin

Avec une consommation en pleine croissance au Bénin, (la Société d’Énergie Électrique estime à 11 % l’évolution pour les années futures), le manque d’investissement dans le secteur de l’énergie accentué par les pertes en ligne lors de la distribution et du transport (de l’ordre de 18-30 %) sont les principales causes de l’état actuel des nécessités de délestage. Léomick Sinsin, blogueur béninois, décrit les avantages potentiels d'investir dans l’ énergie photovoltaïque [13] dans son pays :

Avec un rayonnement variant de 3 à 6 kWh par m² selon la position géographique, le principal atout d’une installation solaire en Afrique est sa capacité à fournir suffisamment de puissance pour répondre aux besoins quotidiens. D’autre part, l’avantage d’un système solaire est la décentralisation du système de production. Quand l’on connait la vétusté des infrastructures existantes, nul ne saurait contredire le bien fondé d’un système où le site de production juxtaposerait le point de consommation. Le bon exemple est la maison isolée avec des modules surplombant la toiture. [..] Le dernier argument et pas des moindres est le travail d’efficacité énergétique qu’ impose une installation solaire. Un système solaire est une énergie intermittente qui dépend de plusieurs paramètres comme la météo, la qualité de l’installation etc. De ce fait, la consommation implique un recours vers des appareils sobres et peu énergivores. Nous réduisons ainsi le niveau de consommation tout en préservant le même niveau d’utilité.

L’énergie géothermique dans la vallée du Rift 
Plusieurs agences de l'énergie ont mis l’accent récemment sur l'importance de l'énergie géothermique en tant que moyen de répondre aux besoins énergétiques des pays de la Corne de l'Afrique et de la Vallée du Rift, mais également comme partie intégrante du programme de “croissance verte”. SciDev.Net rapporte que Djibouti va devenir un acteur important [14] dans l'énergie géothermique :  

Le potentiel d'énergie géothermique de la région du Lac Assal de ce pays, qui se trouve dans la vallée du Rift, est à l'étude [..] La production d'énergie sur le lac Assal pourrait commencer en 2018 pour un coût de US$ 240 millions, générant 40 à 60 mégawatts. La BAD recommande que les partenariats entre les secteurs public et privé développent ces projets d'énergie en raison de leurs coûts élevés.

G. Pourtier ajoute que l'Ethiopie aussi se lance [15] dans l'exploration de l'énergie thermique:

Située à 200 km au sud d'Addis-Abeba, la capitale éthiopienne, la nouvelle centrale produira d'abord 20 MW à partir de 2015, puis 500 MW en 2018 et enfin 1 GW quelques années plus tard [..]. La surface acquise par Reykjavik Geothermal en Éthiopie couvre 6500 km2, dont 200 km2 ont déjà été identifiés et où la température s'élève à 350°C.