[Liens en espagnol sauf mention contraire] Lors de la Journée des droits humains de cette année, des dizaines, voire des centaines de personnes – y compris des rockers punks, des intellectuels, des dissidents et quelques touristes argentins – ont été arrêtées à Cuba.
Plusieurs personnes ont été arrêtées et retenues en garde à vue devant le domicile de Antonio Rodiles, assiégé pour avoir l'organisé le forum intellectuel indépendant Estado de SATS, à forte présence sur le Web. Rodiles a tenu une petite conférence de deux jours sur les droits de l'homme à son domicile de La Havane, qui est devenu une plaque tournante de l'activité militante et policière les 10 et 11 décembre.
Les utilisateurs de Twitter ont signalé que dans toute La Havane, des militants de l'opposition qui essayaient de prendre part aux événements de la Journée des droits de l'homme ont été arrêtés et placés en détention par des agents de sécurité de l'État. Des informations contradictoires ont rendu difficile la connaissance précise du nombre de personnes arrêtées. Selon des informations fournies par des amis de Rodiles, des agents de sécurité de l'Etat ont encerclé sa maison la veille du début de l'événement, arrêtant les personnes qui s'y rendaient.
Le lendemain matin, les organisateurs ont fait face à un nouvel obstacle : les adolescents. Un groupe d'élèves du secondaire est arrivé devant la maison de Rodiles et y est resté toute la journée, se livrant à différents jeux, chantant et récitant des slogans politiques.
L'artiste et blogueuse de l'opposition Lia Villares décrit une scène absurde de blogueurs, militants, amis et familles réunis à l'intérieur de la maison de Rodiles essayant de se concentrer sur leurs conversations, tandis que les élèves chantaient bruyamment et scandaient des slogans patriotiques à l'extérieur. Villares soupçonne que les élèves y ont été envoyés par la Sécurité d'Etat, dans une tentative délibérée de perturber l'événement. Elle a tweeté :
#DDHHCuba2013 Exhiben a un grupo d estudiantes secundaria al frente d la casa, tipica manipulacion, la S.E. no da la cara, usa menores
— Lia Villares (@liavillares) December 10, 2013
Ils ont fait venir un groupe d'élèves du secondaire devant la maison, manipulation typique, la SE [sécurité de l'Etat] ne montre pas son visage, elle utilise des mineurs à leur place.
Quelques heures plus tard, elle a continué :
#DDHHCuba2013 los estudiantes de secundaria declaman poesias y hacen dramatizados sobre los derechos del nino, gritan “fidel”, canta un coro
— Lia Villares (@liavillares) December 11, 2013
#DDHHCuba2013 les élèves du secondaire récitent de la poésie et jouent des sketchs sur les droits des enfants, en criant “fidel” et chantent en choeur
En sortant de la maison, plusieurs participants ont été arrêtés, y compris Rodiles. Boris Larramendi, un musicien cubain basé en Espagne qui a joué lors de l'événement, raconte sur Diario de Cuba :
Llevaban rato allá afuera, pensábamos que no iban a hacer nada (las autoridades) delante de todos esos niños, pero de pronto miro y veo que hay una molotera, que les están dando golpes y que los están arrastrando.
Ils sont restés à l'extérieur pour un peu de temps et nous avons pensé qu'ils n'allaient pas faire quoi que ce soit devant tous ces enfants, mais lorsque j'ai regardé, j'ai vu qu'il y avait tout un tas de gens, qu'ils frappaient et traînaient.
Parmi les autres personnes arrêtées il y a les blogueurs Calixto Martinez, Walfrido López et le cinéaste Kizzy Macias. De nombreuses sources ont signalé l'arrestation du musicien punk rock engagé Gorki Aguila, qui a été arrêté et emprisonné à plusieurs reprises ces dernières années. D'autres arrestations ont eu lieu à travers la ville, mais il est difficile de suivre et de vérifier les informations. Le quotidien Miami Herald [anglais] estime que plus de 150 arrestations ont eu lieu au total, et signalé le 12 Décembre que la police avait libéré tous ceux qui étaient en garde à vue le 10 et le 11 décembre.
Les arrestations ne se sont pas limitées aux Cubains – deux touristes argentins, militants actifs de Propuesta Republicana (de droite) [fr] qui avaient entendu parler de l'événement en ligne, ont été arrêtés peu de temps après leur arrivée. Un groupe d'étudiants des États-Unis, parcourant le monde grâce au programme de tourisme universitaire Semestre en mer [fr] qui avaient réussi à trouver leur chemin pour assister à l'événement, ont été épargnés de détention.
Yohandry Fontana, une mystérieuse figure en ligne, considérée par beaucoup comme la voix numérique de sécurité d'Etat, a tweeté que Rodiles a été arrêté “pour s'en être pris à des enfants” dans la rue.
Confirmo detención de Antonio Rodiles x agredir e insultar a niños que jugaban en la vía, como parte de jornada recreativa. #DDHHCuba2013
— Yohandry Fontana (@Yohandry8787) December 11, 2013
Je confirme que Antonio Rodiles a été arrêté pour avoir agressé et insulté des enfants qui jouaient dans la rue, dans le cadre de leur journée récréative
Bien que les amis de Rodiles aient enregistré des images de l'événement avec une caméra, la vidéo a été montée de façon trop orientée pour que l'authenticité de la séquence filmée à l'origine soit vérifiable.
Iroel Sanchez, un blogueur pro-gouvernemental au franc-parler, a écrit un long billet dénonçant les militants et les médias étrangers qui dépeignent le cirque à l'extérieur de la maison de Rodiles comme une injustice. Il décrit les organisateurs du forum comme “ceux qui demandent un durcissement du blocus, qui se présentent comme des terroristes et reçoivent des outils technologiques et de l'argent pour rapporter des mensonges sur Cuba “. Dans la même veine, Yohandry Fontana a tweeté plus tard :
Antonio Rodiles es un pagado por la Fundación Cubano Americana (terroristas) para provocar violencia en #Cuba #DDHHCuba
— Yohandry Fontana (@Yohandry8787) December 11, 2013
Antonio Rodiles est payé par la Fondation nationale cubaine (des terroristes) pour provoquer la violence à #Cuba # DDHHCuba
Rodiles est depuis un certain temps la cible des services de sécurité et il a été arrêté dans le passé. Il y a des preuves que Rodiles communique et partage des informations avec les organismes gouvernementaux des États-Unis qui parrainent les programmes de “développement de la démocratie” à Cuba, une activité controversée qui est interdite par le gouvernement cubain. L'allégation de Fontana qu'il est lié à la Fondation nationale cubano-américaine, basée à Miami, qui soutient et conseille, de longue date, les législateurs fédéraux conservateurs en Floride du Sud, n'est pas une affirmation sans fondement. Mais le type d'efforts et de plaidoyer de Rodiles ainsi que le ton des débats intellectuels qu'il soulève ne sont pas entièrement compatibles avec ceux de la vieille garde de la communauté en exil de Miami. Les messages de Rodiles sont souvent ancrés dans la doctrine internationale des droits de l'homme – ce sont la liberté d'expression et l'accès à l'information qui caractérisent son style.
Alors que beaucoup de personnes parmi les plus éminents défenseurs des droits humains de l'île sont maintenant connus pour recevoir le soutien du gouvernement des États-Unis, il y en a qui veulent véritablement un changement, mais ne souhaitent pas s'associer à des intérêts étrangers pour cela. C'est cette petite minorité qui peut s'avérer plus intéressante dans l'avenir politique proche de Cuba.
2 commentaires