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Amazonie, une histoire de destruction

Catégories: Amérique latine, Brésil, Développement, Droits humains, Economie et entreprises, Élections, Gouvernance, Média et journalisme, Médias citoyens, Politique

Télécharger ici le livre [1]

Le livre “Amazonie Publique” est disponible en téléchargement [en portuguais] sur ce lien . [2]

Cette article a été publié initiallement  [1] [portugais] sur le site internet de l'Agência Pública le 17 décembre 2013.

Sous une tente montée spécialement pour amener l'Amazonie sur la place publique à São Paulo, des spécialistes de l'Amazonie dans les domaines de l'énergie, de l'environnement et de la communication, ainsi que des représentants de mouvements et d'organisations non gouvernementales agissant dans la région ont débattu des dilemmes qui se présentent aujourd'hui à celle-ci – entre besoin de préservation (essentiel pour la qualité de vie de la population locale) et pression pour le développement. Un public de 100 personnes a assisté au débat. Toutes les personnes présentes ont reçu un exemplaire du livre Amazônia Pública [2] [portugais]. Le livre réunit trois séries de reportages sur les impacts des grands projets dans la Forêt Nationale de Carajas et sur le Rio Tapajós (Pará) et le Rio Madeira (Rondonia). Six reporters ont enquêté sur le terrain. Les trois vidéos réalisées par ces équipes ont été projetées avant le débat. Des personnes qui sont nées ou qui vivent en Amazonie – comme l'écrivain Milton Hatoum ou le cinéaste Aurelio Michelis, tous deux de Manaos- y témoignent en parlant de leur relation avec la ville et la forêt et en exposant leurs attentes pour la région.

Débat ouvert à la place Roosevelt, São Paulo, 14 décembre 2013. [1]

Débat ouvert sur la place Roosevelt, à Sao Paulo. Photo: Agência Pública (14/12/2013).

La question énergétique

Le débat a commencé avec la question qui se pose depuis que les Brésiliens ont pris connaissance du projet de construction de la centrale hydro-électrique de Belo Monte [3] [portugais]– qui a eu une grande répercussion du fait des manifestations des riverains et des indigènes du Xingu : finalement, la construction d'une centrale hydroélectrique en Amazonie en vaut-elle la peine ? Ceux qui en profiteront réellement ne vivent pas dans le Xingu, mais plutôt sur le Rio Madeira [4] (avec les centrales hydroélectriques de Jirau [5] et Santo Antônio [6] et le lieu prévu pour le projet de centrale sur le Tapajós [7], le beau fleuve bleu des riverains et des Mundurukus dans l'ouest du Pará. Le professeur Célio Bermann, de l'Institut de l'énergie et environnement de la USP (IEE/USP) est tranchant :

É mentira a necessidade de energia elétrica para o desenvolvimento.

C'est un mensonge de dire que l'énergie électrique est nécessaire au développement.

Bermann a ajouté que la pression énergétique ne vient pas des besoins de consommation des nouvelles classes moyennes du Brésil. Selon le chercheur, 30% de l'énergie générée par le pays est consommée intégralement par ces secteurs industriels : sidérurgie, métaux non-ferreux, alliages, pétrochimie, papier et cellulose, et ciment. En parlant de la priorité donnée à la production de l'énergie au détriment des ressources naturelles, il affirme :

Nós estamos vivendo no país uma autocracia energética,

Au Brésil, nous sommes en train de vivre une autocratie énergétique

Aseguro Bermann, qui travaille depuis 20 ans sur les thèmes énergétiques en Amazonie, a mentionné des alternatives contenues dans une étude de l'IEE/USP, qui montrent la possibilité de répondre à la demande de la population brésilienne en 10 ans, avec la construction de 66 usines éoliennes de 30 mégawatts de puissance, plus propres et entraînant moins d'impact -du point de vue territorial- que les centrales hydroélectriques. En outre, ajoute le professeur, ces usines pourraient être situées près des villes pour éviter la perte de puissance lors du transport par ligne de haute tension. Sur le fait que les adjudicataires seraient les grands bénéficiaires du projet et les grands donateurs aux partis politiques, il indique :

[A usina hidrelétrica de] Belo Monte não está sendo construída para gerar energia elétrica. Está sendo construída porque em cinco anos as empresas que hoje dominam o governo vão embolsar R$ 17 bilhões

 [l'usine hydroélectrique de] Belo Monte n'est pas construite pour générer de l'énergie électrique. On la construit parce qu'en 5 ans les entreprises qui dominent le gouvernement aujourd'hui se mettront 17 milliards de R$ (réales) dans les poches.

Le professeur a critiqué également l'absence de consultation préliminaire de la part du gouvernement et des entreprises -pour discuter de la nécessité et la meilleure façon de mettre en oeuvre le projet- vers les scientifiques et les communautés traditionnelles et indigènes, qui en seront les plus affectées et n'ont toujours aucun droit de vote assuré sur ces méga projets :

As consequências sociais e ambientais são irreversíveis. Mitigação é um belo nome para dizer nada.

Les conséquences sociales et environnementales sont irréversibles. Mitigation est un beau mot pour ne rien dire.

Marcelo Salazar, de l'Institut Socio-environnemental (ISA) de Altamira, où se trouve l'usine de Belo Monte –pour lui, “le plus grand symbole d’ “infirmité éco-sociale” – raconte ce qui est en train de se passer dans la région, où il vit depuis 2007 :

O que estou vivenciando em Altamira é um verdadeiro rolo compressor. A pressão social parece não ter força.

Ce que nous vivons à Altamira est un vrai rouleau compresseur. La pression sociale ne semble pas avoir de force.

Salazar a expliqué qu'en plus des impacts dans les communautés proches des travaux des centrales, le méga-projet entraînait des conflits qui dépassent son aire d'action proprement dite. Il a signalé l'augmentation de l'extraction illégale de bois dans la région et, du côté urbain, l'augmentation du coût de la vie et la croissance alarmante de la violence urbaine. Il a également ajouté :

Uma em cada três pessoas tem um parente ou conhecido que foi assassinado.

Une personne sur trois a un parent ou une connaissance qui a été assassinée.

Salazar a critiqué également l'attitude du pouvoir vis à vis des communautés indigènes. “Le gouvernement n'attribue pas de ressources pour la Funai et utilise Eletrobrás y Eletronorte pour faire la politique indigène de la région”, a-t-il affirmé, en rapport aux compensations financières que doivent payer les entreprises pour les dégâts causés aux populations indigènes. Un sujet dont devrait s'occuper l'organisme chargé de les protéger.