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L'Afghanistan aborde une année critique tandis que le Président Karzai joue “un jeu dangereux”

Catégories: Asie Centrale et Caucase, Afghanistan, Guerre/Conflit, Médias citoyens, Politique, Relations internationales

[Liens en anglais] Alors que les forces armées des Etats-Unis se préparent à se retirer d'Afghanistan d'ici la fin de cette année, le Président Hamid Karzai remet en question l'accord bilatéral de sécurité [1] (BSA). Ce document fournit un cadre légal pour une présence limitée des troupes américaines en Afghanistan après 2014, principalement pour former les forces de sécurité du pays. 

Des complications “inutiles”

Le BSA a été négocié en 2012. Essayant apparemment de partager la responsabilité de la signature de cet accord avec les chefs tribaux, Hamid Karzai a convoqué [2] une loya jirga, une assemblée générale, en novembre 2013, pour donner un avis sur sa décision de conclure un accord avec les Etats-Unis. Les chefs tribaux ont soutenu [3] le pacte de sécurité et enjoint Karzai de signer le document rapidement. Cependant, le Président afghan a choisi d'ignorer l'avis de la loya jirga, en disant [4] aux chefs qu'il ne signera pas le BSA avant l'élection présidentielle programmée en avril 2014.

Curieusement, le président de la loya jirga a qualifié [5] les quatre jours de l'assemblée d’ “inutiles”, signifiant [6] que Karzai aurait dû signer le pacte de sécurité sans l'approbation des chefs tribaux.

Préoccupée par les controverses au sein du gouvernement afghan, Samira Hamidi écrivait sur Twitter :

 Quelle controverse !!!! Même le responsable de la Jirga du #BSA qui organise l'Assemblée dit que la Jirga est inutile.

“Jeu dangereux”

La décision de Karzai de reporter la signature de l'accord a été interprétée [3] comme étant un “jeu risqué de corde raide” avant les élections. Le “jeu” a suscité un climat d'incertitude parmi les internautes afghans. 

Hamid Karzai addressing the joint meeting of US Congress on June 15, 2004. Image by the White House, part of public domain. [10]

Hamid Karzai s'adressant à la séance commune du Congrès américain, le 15 juin 2004. Image de la Maison Blanche, faisant partie du domaine public.

L'utilisateur de Twitter Watan Dar propose une explication à la réticence der Karzai à signer le pacte :

Contrairement à la Loya Jirga & au souhait des gens, #Karzai veut que les US partent ! Il craint d'être tenu pour responsable si les Américains restent.

Une étude récente suggère [16] que la majorité des Afghans soutiennent le nouveau pacte de sécurité avec les Etats-Unis. De nombreux politiciens afghans influents sont aussi favorables à l'accord. Mahmoud Saikal, l'ancien Ministre délégué aux Affaires étrangères déclarait [17] que l'Afghanistan avait besoin du BSA. Amrullah Saleh, un ancien chef de la sécurité nationale, écrivait sur Twitter :

Le BSA devrait aboutir à une débâcle absolue de la Choura de Quetta et la fin des sanctuaires talibans au Pakistan. Le pilier central de notre juste demande.

La réticence de Karzai à signer l'accord de sécurité a rencontré le soutien des chefs talibans. Réagissant à l'approbation du BSA par la loya jirga, un responsable taliban promettait [19] que le mouvement continuerait à combattre aussi longtemps que les troupes étrangères “infidèles” resteront en Afghanistan. Il a aussi déclaré que les talibans n'avait pas perdu tout espoir de paix avec le régime actuel.

D'autres partis de l'opposition ont une opinion plus favorable du nouvel accord de sécurité. Le Conseil de coopération des partis politiques et des coalitions d'Afghanistan (CCPPCA) a proposé [20] de signer le BSA immédiatement, observant que le retard pourrait compromettre la fragile sécurité et mettre en péril l'élection de 2014.

Courtiser les pays voisins

Après avoir refuser de conclure le BSA avant la fin de 2013, Karzai a mis son énergie à visiter l'Iran, le Pakistan et l'Inde au cours des dernières semaines de 2013. Curieusement, l'Iran a enjoint [21] Karzai à ne pas rompre l'accord avec les Etats-Unis, avertissant [22] qu'une présence persistante des troupes américaines représentait une menace pour la région. 

Préoccupés par les potentielles conséquences des “jeux” de Karzai, des internautes afghans ont écrit sur Twitter :

Karzai prépare un pacte de coopération avec l’I [23]ran tandis qu'il refuse de signer le BSA avec les Etats-Unis

Susan Rice dit que la satisfaction de la longue liste des requêtes de Karzai nécessite une baguette magique, que nous n'avons pas. 

Certains internautes, néanmoins, pensent que le nouvel accord de sécurité avec les Etats-Unis n'est pas vraiment un si bonne affaire :

C'est drôle comme on veut faire croire à l'Afghanistan que s'il ne signe pas le BSA, il n'ira nulle part. Pourquoi toute cette pression ? Lâche-nous, oncle Sam !

“Jouer avec le feu”

Dans sa tentative pour convaincre Karzai de finaliser l'accord de sécurité, le Ministre irakien des Affaires étrangères Hoshyar Zebari s'est rendu [29] à Kaboul en décembre 2013. Zebari a déclaré que le pacte de sécurité était dans les meilleurs intérêts de l'Afghanistan, se référant à la détérioration de la sécurité [30] en Irak après son refus de signer un accord de sécurité avec les Etats-Unis.

Le Ministre des Affaires étrangères de l'Irak où le pacte de sécurité avec les Etats-Unis a été rejeté, conseille le gouvernement a [32]fghan sur la façon de négocier le BSA avec la super puissance, dit Pajhwok.

Le chef du Pentagone Chuck Hagel [35] et la conseillère nationale à la sécurité Susan Rise [36] ont averti Karzai que sa réticence à signer le BSA pourrait conduire à un retrait complet des troupes américaines d'Afghanistan d'ici à la fin 2014. Par ailleurs, James Dobbins (l'envoyé spécial américain mandaté pour l'Afghanistan et le Pakistan) mettait en garde [37] l'Afghanistan contre une guerre civile si l'accord n'était pas signé.

Arif Rafiq écrivait sur Twitter :

Karzai déclare que Dobbins a menacé d'entraîner l'Afghanistan dans la “guerre civile”. Aujourd'hui Dobbins dit que les Etats-Unis ont dit à Karzai qu'il “joue avec le feu”.

2014 est une année critique pour l'Afghanistan alors que les troupes des Etats-Unis et de l'OTAN quittent le pays, transmettant la responsabilité du maintien de la sécurité aux forces de sécurité nationale peu expérimentées. Hamid Karzai, qui est Président de l'Afghanistan depuis douze ans, sera remplacé au cours d'élections qui auront lieu dans moins de quatre mois. Alors qu'il refuse de conclure le pacte de sécurité avec les Etats-Unis, les autres aspirants à la présidence sont restés silencieux sur la question. Aussi, ce qui attend l'Afghanistan et son peuple dans l'avenir proche demeure un mystère.