L'infante Cristina Federica Victoria Antonia de la Sainte Trinité de Boubon et de Grèce, fille cadette du roi et de la reine d'Espagne, a été assignée à comparaître par le juge d'instruction en tant qu'inculpée dans l'affaire Noos.
Le juge José Castro, qui avait déjà mis en examen l'infante en avril 2013, a émis mardi 7 janvier 2014 un arrêt dense de 227 pages (1°partie, 2°partie [pdf, espagnol]) exposant les raisons qui l'ont conduit à prendre cette décision. L'insolite longueur de ce document obéit à l'intention de documenter exhaustivement les charges contre l'infante pour ne laisser aucun motif d'annulation. Sa dernière demande d'inculpation avait en effet été annulée pour “manque de motivation”.
L'infante, licenciée en Sciences politiques et titulaire d'un master en relations internationales, a été inculpée en tant que co-propriétaire de l'entreprise Aizoon, qualifiée dans l'arrêt de “société écran”, liée à l’Institut Nóos, soupçonné d'avoir été utilisé par son époux Iñaki Urdangarín pour s'enrichir illégalement.
Le juge estime que l'infante était au courant des activités délictuelles présumées de son époux, qui aurait utilisé illégalement les fonds d'Aizoon pour financer ses frais personnels [espagnol, comme les liens suivants]. Il mentionne même des anomalies dans l'embauche de son personnel domestique :
Doña Cristina de Bourbon et de Grèce est intervenue personnellement dans leur embauche [des employés du foyer familial], en annonçant aux aspirants, dont la situation irrégulière en Espagne était connue de celle-ci, que s'ils étaient engagés, leurs salaires seraient payés “au noir”.
Il critique également ouvertement le parquet, lui reprochant ses efforts pour empêcher la comparution de l'infante devant la justice il y a quelques mois, arguant un soi-disant traitement inégal, alors que les raisons alléguées étaient les mêmes que pour le reste des inculpés, pour lesquels le même parquet n'a aucunement réagi.
De la même manière, il considère fausses trois factures approuvées par le Trésor dans une tentative de réduire le montant total de la somme fraudée, évitant ainsi que l'infante puisse être accusée de fraude.
La nouvelle a provoqué une pluie de commentaires dans la presse traditionnelle et dans les réseaux sociaux. Les principaux journaux et télévisions mondiaux faisaient écho de sa mise en examen ce mardi : BBC, Time, CNN, Financial Times, Aljazeera, Paris Match ou Le Monde sont quelques-uns des médias internationaux qui ont dédié une partie de leurs espaces à la nouvelle.
Les commentaires à cette annonce ont été nombreux. A en juger par le ton pris par la majorité, les Espagnols sont satisfaits de la mise en examen de l'infante, qu'ils considèrent juste, même si les internautes sont nombreux à douter qu'elle soit finalement condamnée par la justice.
Certains mentionnent la «doctrine Botin», une interprétation de la loi appelée ainsi car elle s'est appliquée pour la première fois au banquier Emilio Botín, grâce à laquelle on peut classer une affaire s'il n'y a pas d'accusation formelle de la part du parquet.
Velociraptor montre son peu de foi en la justice sur eldiario.es :
Elle va s'en sortir. Il faut juste comparer avec les archives de la presse. Si ce n'est pas l'audience de Palma qui lui sauve les fesses, ce sera le parquet anti-corruption, le tribunal Suprême, ou le tribunal Constitutionnel. Dans le pire des cas, il restera toujours la grâce. Je suis certain qu'elle va s'en sortir; tout ce que j'espère c'est que ce soit la goutte d'eau qui fasse que le peuple espagnol se lève et récupère sa fierté.
Sur le site web du quotidien français Le Monde, Sylvain pense qu'« il y a des gens intouchables pour la justice en Espagne », ce à quoi Juan Manuel Cuesta répond :
(…) les Espagnols ont fait une confiance aveugle à la famille royale, et il faudra tout de même leur expliquer pourquoi un de ses membres échappe à la justice. La réputation de cette famille en prendra un sacré coup, ce qui pourrait, à terme, lui coûter cher.
Pacofol, dans El País, s'exprime ainsi :
Dans un pays comme le nôtre, où la corruption est aussi généralisée, il faut être reconnaissant de l'effort de certains juges pour faire prévaloir la loi et la justice. Merci. Je suis persuadé que cela restera sans succès, mais merci d'essayer de faire que le délit ne soit pas impuni.
Dans El Mundo, Guy_Fawkes_V a une certitude :
(comentario #402)
Nan, Yeserías (une prison de Madrid) n'a pas de cellule royale
Sur Twitter, les internautes ont également beaucoup à dire :
Soyez tranquilles, un chameau entrera par le chas d'une aiguille avant que l'infante n'entre dans la prison.
— Dios (@diostuitero) January 7, 2014
Soyez tranquilles, un chameau entrera par le chas d'une aiguille avant que l'infante n'entre dans la prison.
Les médias qui contribuent à sauver l'image de l'infante seront reconnaissables par les doubles pages de publicité de la banque où elle travaille.
— Almeida (@bufetalmeida) January 8, 2014
Les médias qui contribuent à sauver l'image de l'infante seront reconnaissables par les doubles pages de publicité de la banque où elle travaille.
Menu du jour à la Zarzuela…. pic.twitter.com/p4GAHkcWMk
— agapitarch (@raisaoski) January 8, 2014
Menu du jour à la Zarzuela….
Il semble que finalement l'infante Cristina ira en prison : on construit déjà une prison pour elle à Pedralbes de 666M€
— Cítrico Cínico (@CitricoCinico) January 8, 2014
Il semble que finalement l'infante Cristina ira en prison : on construit déjà une prison pour elle à Pedralbes de 666M€
l'Infante: complice et coupable? ou épouse stupide ? Si la “justice” veut maintenir son peu de crédibilité, elle doit se prononcer #infanta
— Miguel Montalvo (@WhiteMontana_DU) January 8, 2014
l'Infante: complice et coupable ? ou épouse stupide ? Si la “justice” veut maintenir son peu de crédibilité, elle doit se prononcer
Le député Aberto Garzón critique, comme de nombreux Espagnols, la conduite de certaines institutions dans cette affaire :
Ce qui est préoccupant, c'est de voir des institutions de l'Etat comme le Trésor public ou le parquet prendre le rôle de défenseur de l'infante.
— Alberto Garzón (@agarzon) January 7, 2014
Ce qui est préoccupant, c'est de voir des institutions de l'Etat comme le Trésor public ou le parquet prendre le rôle de défenseur de l'infante.
L'infante est appelée à déposer le 8 mars prochain. Si la procédure suit son cours normal, peut-être que les Espagnols verront finalement un membre de la famille royale sur le banc des accusés… ou en prison.