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Les habitants de Rio de Janeiro se mobilisent contre l'augmentation du coût de la vie

Catégories: Amérique latine, Brésil, Economie et entreprises, Médias citoyens

[tous les lien mènent vers des sites en portugais]

Les habitants de Rio de Janeiro ont commencé à se mobiliser pour combattre la hausse des prix des hôtels, des loyers, de la nourriture, des vêtements et des loisirs, qui ont fait de la Ville Olympique de 2016, et un des sites de la Coupe du Monde de 2014, une ville hors de prix.

Avec l'humour caractéristique des cariocas, la mobilisation sur les réseaux sociaux montre bien que le coût élevé de la vie dans la ville relève d'une situation qui a perdu le sens des réalités. Le terme “surreal” [“surréaliste”] s'utilise chaque jour davantage pour faire référence à ce qui se passe à Rio de Janeiro. Le Surreal est d'ailleurs le nom proposé, avec humour, par le webdesigner Toinho Castro pour la création d'une nouvelle monnaie exclusive pour la ville, en substitution au Real, la monnaie brésilienne. La proposition a été commentée dans un message publié dans un journal largement diffusé [1] :

“Tem mais a ver com a nossa realidade”, diz, citando um diálogo-que-gostaríamos-de-ouvir: “Quanto é a água, moço?” E a resposta: “Cinco surreais…” [cerca de 2 dólares americanos]

“Cela est plus en rapport avec notre réalité” dit, en citant un dialogue-que-nous-aimerions-entendre: “L'eau est à combien, garçon?” et la réponse: ” Cinq surreais…” [environ 2 dollars américains]

 

 

"Os surreais: a cara da nova moeda que andam falando por aí..." Arte por Patrícia Kalil partilhada no Facebook. [2]

“Les surreais: le visage de la nouvelle monnaie dont tout le monde parle là-bas…” Dessin de Patrícia Kalil partagé sur Facebook.

La page facebook Rio $urreal – NÃO PAGUE [3]  “révèle les prix abusifs pratiqués à Rio et appelle au boycott”. Créée le 17 janvier de cette année, en trois jours, elle est déjà suivie par plus de 95 000 personnes. 

A gente aqui não faz a apologia de “tudo tem que ser barato”. Não, não é isso. Quem quiser comer ostra, beber espumante, jantar em um lugar cujo chef estudou no Cordon Bleu… Bem, tem que arcar com este preço. E, de vez em quando, todo mundo tem direito a tomar espumante, comer uma iguaria, enxugar a boca com guardanapo de pano – se puder pagar por este luxo ocasional. Comer bem dá alegria, dá conforto, é um convite à confraternização.

Bons ingredientes custam caro. Funcionários bem treinados também. Logo, ninguém aqui acha absurdo pagar mais por aquilo que de fato custa mais. É o justo. E você merece fugir do feijão com arroz e do trivial de vez em quando. Não merece?

Duro mesmo é pagar R$ 30 reais por batata frita [cerca de 13 dólares americanos]. Ou R$ 11 por um suco [4,7 dólares americanos]. Ou R$ 8, R$ 9 ou R$ 10 por uma garrafinha de água mineral [entre 3,4 e 4,3 dólares]. Ou R$ 15 pelo aluguel de cadeira e barraca na praia [cerca de 6,4 dólares]. Estes são alguns dos absurdos.

Les gens ici ne font pas l'apologie de “il faut que tout soit bon marché”. Non, ce n'est pas ça. Qui veut manger des huîtres, boire du mousseux, dîner dans un endroit où le chef a étudié au Cordon Bleu….ok, il doit pouvoir se le payer. Et de temps en temps, tout le monde a le droit de prendre du mousseux, manger un mets raffiné, s'essuyer la bouche avec une serviette en tissu – s'il peut se payer ce luxe occasionnel. Bien manger rend joyeux, apporte du bien-être, c'est une invitation à la convivialité. Les bons ingrédients coûtent cher. Les employés bien formés aussi. Donc, personne ne trouve absurde de payer plus pour ce qui, de fait, coûte plus cher. C'est le prix juste. Et chacun mérite de fuir le riz aux haricots et de s'accorder quelque chose de plus intéressant de temps en temps. Non ? Mais c'est vraiment dur de payer R$30 pour des frites [environ 13 dollars américains]. Ou R$11 pour un jus de fruit [4,7 dollars américains]. Ou R$ 8, R$ 9 ou R$ 10 pour une petite bouteille d'eau minérale [entre 3,4 et 4,3 dollars]. Ou R$15 pour la location d'une chaise longue et d'un parasol à la plage [environ 6,4 dollars]. Ce sont quelques unes des absurdités.

Un “cas d'hyper-réalisme” a été rapporté [4]sur la page par une abonnée, Clarissa Biasotto :

Hoje fui à praia do leblon e me deparei com um gringo sul-americano perguntando a um vendedor ambulante se ali era a praia do leblon. O vendedor respondeu que ali era copacabana, ficou enrolando o gringo dizendo que não sabia e no fim disse que aqui no Rio tudo é pago e que, por isso, a informação também era paga.. enfim, o gringo já tava pegando a carteira e perguntando quanto o ambulante queria quando eu tive que gritar pro gringo que era sim a praia do leblon.. o gringo chegou a perguntar se aquilo foi uma pegadinha.. enfim, achei vergonhoso, surreal..

Cardápio de barraca na praia de Ipanema partilhada no Facebook de Marketing na Cozinha [5]

Menu d'un marchand ambulant sur la plage d'Ipanema partagé sur le mur Facebook de Marketing na Cozinha

Aujourd'hui je suis allée à la plage de Leblon et j'ai vu un étranger sud-américain demander à un marchand ambulant si il était bien à la plage de Leblon. Le vendeur a répondu qu'on était à Copacabana. Il a embrouillé l'étranger en disant qu'il ne savait pas et finalement lui a dit qu'à Rio tout se paie et que c'est pour ça qu'il devrait payer pour avoir l'information…enfin, l'étranger était déjà en train de sortir sa carte bleue, et de demander au marchand combien il voulait, quand j'ai dû crier en direction de l'étranger, que si, ici c'était bien Leblon.. l'étranger en est venu à se demander si c'était un gag…enfin, j'ai trouvé ça honteux, surréaliste..

Mais les accusations les plus courantes prennent la forme de photos des menus aux prix abusifs, comme un stroganoff de poulet pour 72 reais [6] (ou 30 dollars américains), un croque-monsieur pour 20 reais et une salade verte pour 43 reais [5] (respectivement, 8,50 et 18,20 dollars américains ; voir la photo à droite).

Les administrateurs de Rio $urreal indiquent [7] que la page a été créée avant tout avec “la prétention de contribuer à la réflexion des consommateurs” : 

Cabe a nós decidirmos quando queremos pagar o preço por determinada coisa – seja ela uma roupa, refeição ou um serviço. Está caro? Não compre. O prato é inviável? Mude de restaurante. Ainda assim não achou o que quer? Chame os amigos para jantar na sua casa. Foi à praia e o aluguel da cadeira tá um horror? Já pensou que ter a sua pode ser um bom custo-benefício? Consumo consciente – esta é nossa meta.

Il nous appartient de décider quand nous souhaitons payer le prix pour une chose déterminée- que ça soit un vêtement, un repas ou un service. C'est cher ? n'achète pas. Le plat est inabordable ? Change de restaurant. Et comme ça tu n'as toujours pas trouvé ce que tu veux ? Appelle tes amis pour dîner à la maison. Tu es allé à la plage et la location du transat est une horreur ? As-tu déjà pensé qu'en acheter un serait un bon investissement ? Consomme de façon responsable- c'est notre objectif.

D'autres initiatives sont également devenues populaires. La page Se Vira no Rio [8] a plus de 14 000 abonnés et révèle les endroits où l'on trouve encore des prix accessibles pour manger et s'amuser.

L'ascension de la bulle immobilière

Dans l’une des publications [9], la page encourage les abonnés à partager des solutions pour renverser ou empêcher l'inflation du coût du logement. La quasi totalité des 300 commentaires du post rapportent des faits et proposent des solutions, dont la plupart portent sur des “lois anti-spéculation [10]” ou une intervention de l'Etat ; d'autres en appellent à une transformation du comportement des consommateurs [11], comme rechercher d'autres quartiers dans la ville [12] ou de laisser tomber les agences immobilières [13].  

Beaucoup parient également que la bulle du marcher immobilier est prête à éclater. Vinicius Bito Trindade, de l'Université Fédérale de Rio de Janeiro, a commenté [14] :

há quem diga que o que encarece os imóveis aqui é o excesso de crédito para o financiamento… inflaciona o mercado e tal, assim que a política econômica mudar, a tendência é cair e ferrar quem estiver preso a uma prestação irreal…

il y en a qui disent que ce qui renchérit le coût de l'immobilier ici c'est l'excès de crédit…ça crée de l'inflation etc…quand la politique économique changera, la tendance sera à la chute des prix et ceux qui se seront engagés dans des remboursements surréalistes vont se faire avoir…

Une autre initiative qui donne de la visibilité à l'augmentation critique du coût de la vie au Brésil est le site : “Tem algo errado ou estamos ricos?? [15]” [“on est riches ou je me trompe ??”] qui compare les petites annonces des locations et de ventes de biens immobiliers au Brésil et à l'étranger. De cette manière, il expose les prix élevés, au Brésil, pour des biens anciens et mal entretenus, et les compare avec de très beaux biens, dans de bons quartiers en Europe ou dans les pays en développement, dont la valeur est similaire ou inférieure.

Le site montre, par exemple, un appartament de 600m2, à Rio, annoncé à 66 millions de reais [16] (ou presque 30 millions de dollars américains). Avec quelques millions de moins, il serait possible d'acheter la demeure où John Lennon composait les musiques de Sergent Pepper's ou un immeuble entier dans le très huppé Upper West Side à New York. Dans un autre cas, des studios [17] (des appartements où salon et chambre sont dans la même pièce) sont en vente pour plus d'un million de reais (environ 430 000 dollars). Avec les publications du site, on peut remarquer que l'envolée des prix n'est pas réservée à Rio de Janeiro. [18]

Une petite maison dans une résidence privée à Valence-Alicante (Torremendo) [Espagne]. Maison toute neuve, près de la plage, à proximité d'un club de golf, dans une résidence privée avec de nombreux services (solarium etc…), garage pour deux voitures…belle vue…etc etc

 

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(…)

Immeuble neuf, résidence privée proposant de nombreux services, à proximité de la plage, beau etc…combien ?? environ US$88.952 (aux alentours de R$ 200 000- 210 000 reais… ça dépend de ce stupide dollar qui fluctue).

Mais ne sois pas triste mon cher petit Brésilien…tu as un large choix ici dans notre cher Brésil…dans la très chic ville de Lajeado dans le Rio Grande do Sul…dans le quartier Planalto on trouve une jolie maison pour le même prix!! Incroyable non ???

Jette un oeil…

 

casalajeado

C'est une version +root (la rue n'est pas pavée…il n'y a pas de piscine dans la résidence, de club de golf…pas de plage…pas de vue…mais c'est le reflet de notre proximité avec les pays d'Europe, non ?? que peut-on y faire??

Pour la période de la Coupe du Monde, le Gouvernement Fédéral a annoncé des mesures pour contenir le prix des billets d'avion et des hôtels [19], telle que l’intervention du Procon [20] (organisme de défense des droits du consommateurs) et les contrôles de l'Agence Nationale de l'Aviation, l'ANAC [21]. Ainsi 1 973 nouveaux vols ont été autorisés [22] pour augmenter la concurrence dans le secteur aérien durant les mois de juin et de juillet, lorsque que la Coupe aura lieu.

Opter pour une intervention de l'Etat pour contenir les prix est toujours une décision délicate dans les Etats où le marché est libre. Pour le secteur aérien, qui est régulé et considéré comme stratégique pour les intérêts nationaux, cette politique interventionniste est déjà une réalité dans le Brésil de la Coupe. Mais la maîtrise des prix des biens de consommation est encore un grand défi pour les Brésiliens et pour les secteurs traditionnellement dynamiques [23]. Au moins sur les réseaux sociaux, la mobilisation a commencé.