Il n’a pas vu la lumière de la liberté depuis le 25 septembre 2013. Depuis plus de 5 mois, le jeune Abdelghani Aloui, âgé de 24 ans, est incarcéré à la célèbre prison de Serkadji à Alger, une prison qui accueille criminels et terroristes, pour un simple post (billet) sur Facebook.
Un post où il se moque du Président Algérien, Abdelaziz Bouteflika à travers des caricatures et photomontages. A ce moment-là, Abdelghani ne pouvait pas imaginer que brocarder le président Abdelaziz Bouteflika et son premier ministre Abdelmalek Sellal pouvait lui valoir un interminable séjour en prison.
On lui a fait croire, lui comme tous les autres jeunes Algériens, la composante majoritaire de la société algérienne, que son pays ne ressemblait guère à la Syrie de Bachar Al-Assad ou la Libye de Mouammar Kadhafi. Le régime algérien a fait miroiter à Abdelghani les avantages d’une liberté relative. Et lorsque ce dernier use de son droit de s’exprimer sur les réseaux sociaux, il se retrouve convoqué par la police algérienne et placé sous mandat de dépôt. Une détention préventive qui dure toujours et à laquelle on ne voit pas de fin puisque le 9 octobre 2013 la liberté provisoire lui a été refusée aussi par le juge d’instruction du tribunal de Sidi M’hamed à Alger. Poursuivi d’abord pour “atteinte à la personnalité du président de la République” et, ensuite, pour «apologie du terrorisme», le régime algérien semble avoir déployé une lourde machine judiciaire pour briser ce jeune qui utilise les réseaux sociaux et You Tube pour exprimer son opinion, comme ici:
Dès les premiers jours de son arrestation, de nombreux cyber-activistes, simples internautes et acteurs de la société civile se sont mobilisés pour réclamer sa libération. Une pétition a même été lancée en ligne pour dénoncer cet abus de pouvoir et cette arrestation intolérable :
Ces graves dérives autoritaires qui portent atteinte aux acquis démocratiques des Algériens doivent sans cesse être dénoncées et combattues, afin que les citoyens algériens accèdent à une Algérie de droit, dans laquelle les libertés individuelles et collectives sont respectées
ont ainsi souligné les signataires de cette pétition. Philip Luther, directeur du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord à Amnesty International a crié au scandale en estimant que :
Les autorités algériennes semblent essayer d’étouffer les critiques en cette période d’incertitude précédant l'élection présidentielle de l’année prochaine
Malheureusement, cette mobilisation commence à s’estomper et à connaître un regrettable ralentissement. Le sort d’Abdelghani émeut de moins en moins de personnes en Algérie et à travers le monde alors qu’il continue à croupir en prison pour avoir exprimé une opinion. Le drame de ce jeune cyber-activiste va-t-il sombrer dans l’oubli ? C’est le risque que craignent de nombreux militants des droits de l’homme en Algérie d’autant plus que le régime a orchestré une insidieuse campagne de diabolisation de ce jeune cyber-activiste en le faisant passer pour un terroriste dangereux qui appelle au Djihad. Pour transformer la victime en coupable, une vidéo a été massivement diffusée sur YouTube. Une vidéo qui montre Abdelghani Aloui en train de tenir des propos djihadistes. Des propos qui ont choqué l’opinion publique algérienne.
Mais son avocat, maître Amine Sidhoum, a rapidement réagi en dénonçant une manipulation. Selon ce dernier, certaines parties tentent de présenter Abdelghani Aloui comme un islamiste radical pour le discréditer. Me Amine Sidhoum a même contesté l’authenticité de cette vidéo djihadiste, partagée par “ Malik Liberter ”, le pseudo du cyber-activiste Abdelghani Aloui. Il affirme :
On entend trois voix différentes sur cette vidéo et le décalage entre les lèvres d’Abdelghani et le son est flagrant. De plus, mon client a arrêté sa scolarité à la 9ème, à 15 ans, il ne maîtrise donc pas assez l’arabe classique pour tenir un tel discours sans note
Quoi qu’il en soit, du point de vue du droit et de la loi, rien ne justifie une aussi si longue détention en prison d’Abdelghani Aloui alors qu’aucun procès équitable ne s’est encore tenu. Emprisonné sans même pas avoir été jugé, le cyber-activiste algérien est victime d’une incroyable dérive judiciaire. Les autorités algériennes s’activent encore à faire oublier à l’opinion publique algérienne qu’il a été arrêté pour atteinte à la personnalité du Président de la République. Ce qui n’est guère un acte terroriste. Ceci dit, en Algérie, depuis les terribles années 90 où les violences de la guerre civile plongeaient le pays dans la psychose, toute personne qui conteste la légitimité du régime devient automatiquement un «terroriste».
Et après 5 mois en prison, l’avenir d’Abdelghani Aloui est plus que jamais compromis surtout lorsqu’on sait que l’article 87-bis du Code pénal qui porte sur la condamnation d’apologie au terrorisme demeure très vague et suscite, souvent, des interprétations dangereuses. De Facebook à la prison, le destin tragique de ce cyber-activiste algérien prouve que la démocratie et liberté promises par le régime en Algérie sont de véritables mirages.
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