Le débat sur l'immigration divise de plus en plus l'opinion publique en France ces dernières années. La montée de l'extrême-droite, tel le Front National, lors des récentes élections a catalysé une rhétorique anti-immigration qui semble gagner les partis conservateurs plus modérés. Les histoires les plus notoires comprennent l'affaire du “pain au chocolat“, dans laquelle le chef de l'opposition JF Copé a déclaré avoir été bouleversé en apprenant que des enfants dans certains quartiers se faisaient harceler par des gamins musulmans pour avoir mangé des pains au chocolat pendant le Ramadan.
La pression pour une politique d'immigration plus restrictive qui limiterait le nombre de candidats sans qualification à migrer vers la France a trouvé des échos au sein de l'actuel gouvernement progressiste. En effet, un livre publié par le philosophe Alain Finkelkraut intitulé “L'idendité malheureuse” tente de justifier l'application de régulations plus strictes en terme d'immigration afin de protéger l’identité française :
Les autochtones ont perdu le statut de référent culturel qui était le leur dans les périodes précédentes de l’immigration. Ils ne sont plus prescripteurs. Quand ils voient se multiplier les conversions à l’islam, ils se demandent où ils habitent. Ils n’ont pas bougé, mais tout a changé autour d’eux. […] Plus l’immigration augmente et plus le territoire se fragmente.
Frédéric Martel, directeur de l'IRIS, un institut de recherche sur les relations internationales, explique pourquoi le discours de Finkelkraut est malavisé :
Il y a, c’est certain, une forte anxiété dans la France d’aujourd’hui. Mais pourquoi caricaturer tous les «étrangers» comme s’ils ne voulaient ni s’intégrer ni accepter le passé de la France? Que sait-il des Français de deuxième et troisième génération? De leur langue, de leur culture? De l’énergie créatrice des quartiers? […] L’identité française, pourtant, n’est pas malheureuse. Elle bouge, elle change, elle se cherche, elle fait des allers-retours avec son passé. Et tous ceux qui pensent qu’exalter «l’identité nationale» permettrait de sortir des difficultés sociales et économiques que nous traversons se trompent.
Le contrepoint naturel à cette polique de l'anti-immigration est le fait qu'il y a une augmentation du nombre de citoyens français qui ont choisi de vivre à l'étranger. Christian Lemaître du groupe de réflexion Français-Étranger fait remarquer que le nombre total de citoyens français vivant en dehors de la France est plutôt important et serait supérieur au chiffre officiel donné par le Ministère des Affaires Étrangères :
En dix ans, la population française établie hors des frontières se serait accrue de 40 % soit une augmentation de 3 à 4 % par an et un total de plus de 2 millions de Français installés à l'étranger. Estimation seulement car l'inscription au registre mondial n'est pas obligatoire. Le think tank francais-etranger.org pense que ce chiffre serait beaucoup plus proche de 3 milions. Pourquoi sont-ils partis ? 65 % des expatriés affirment rechercher une nouvelle expérience professionnelle et près du tiers, une augmentation de revenus. Le désir de découvrir un nouveau pays est évoqué devant les motivations professionnelles ou linguistiques.
En fait, le point de vue sur l'immigration diffère lorsqu'il est celui de citoyens français expatriés.
En effet, malgré la croyance populaire selon laquelle les citoyens français vivant à l'étranger seraient majoritairement conservateurs, leurs votes se tournent de plus en plus vers la gauche depuis une décennie. Cécile Dehesdin explique :
Depuis 1981, elle a gagné plus de vingt points chez les Français de l'étranger, et l'écart avec son score national y était de moins d'un point en 2007 (46,01% contre 46,94%)
Joëlle Garriaud-Maylam, un analyste, ajoute :
C’est un public qui est plutôt au centre-droit qu’à droite et pas du tout à l’extrême-droite, plutôt droite humaniste que Droite populaire, et l’écart avec la gauche est de moins en moins important
En outre, l'expérience de vivre à l'étranger semble donner à de nombeux citoyens français une perspective différente. Etoile66, à Toronto, opine :
Ma France pourrait regarder vers ces pays où les habitants parlent plusieurs langues sans aucun problème et circulent à l'aise dans le monde, alors qu'elle a dressé ses habitants à avoir peur de ce qu'ils appellent la “mondialisation”. La peur ressentie par bon nombre de mes compatriotes devant “l'étranger” en général et la “mondialisation” en particulier, ne serait plus s'ils avaient confiance en eux. Celui qui a confiance n'a pas peur de l'autre ni de l'étranger, ni du monde, bien au contraire, il échange dans le respect mutuel.