[Sauf indication contraire, tous les liens renvoient à des pages en portugais. La version originale de cet article en portugais a été publiée le 19 Décembre 2013.]
À Rio de Janeiro le matin du 16 décembre, une brigade anti-émeute de la police militaire brésilienne pénètre soudain dans un bâtiment de l'ancien Musée de l’Indien Aldeia Maracanã. Tandis que les commandos délogent de force les occupants activistes, José Urutau Guajajara, chef de la tribu Guajajara, réussit à prendre la fuite. Âgé de 64 ans, Urutau – qui signifie hibou en dialecte Tupi – grimpe au sommet d'un arbre en signe de protestation contre la répression. Il y restera 26 heures.
Ce n'est que le 17 décembre 2013, en fin de matinée, que les pompiers descendent Urutau de l'arbre et l’emmènent en ambulance. Si en raison de son diabète A, la police lui donnait un accès contrôlé à l’eau pour s'hydrater, le collectif média activiste « MIDIA NINJA » a révélé que dans le même temps, les forces de l’ordre contraient toute tentative d’approvisionner Urutau en nourriture. En effet, les sympathisants des activistes, et témoins de la résistance du chef indigène, essayaient de contourner l’embargo en lui lançant des vivres. Selon les sources du groupe de média indépendent ZUMBI, Urutau fut ensuite emmené directement au commissariat.
L’homme indigène demanda à voir le mandat judiciaire à l’origine de son expulsion. Apparemment, l'arrêté d'éviction présenté par la police était périmé et donc non valide. C’est ce qu’a révélé « OLHAR INDEPENDENTE » (Independent Look), un groupe de médias indépendant. Un article publié dans le journal EXTRA confirma cette anomalie, en révélant la déclaration d’un officier de police anonyme, à savoir que les mandats n’auraient pas dû déclencher les expulsions car l’action était « illégale ».
L’Aldeia résiste et persiste
Depuis le 14 décembre, début de l'occupation, la mobilisation autour de cet événement et le combat de Urutau étaient suivis sur Facebook et sur Twitter, grâce au mot-dièse #AldeiaResiste (Aldeia résiste). Des mouvements internationaux tels que l'organisation espagnole Take the Square [anglais] et Occupy Wall Street [anglais], avaient aussi exprimé leur soutien aux Brésiliens.
Le terrain de 14000 mètres carrés que constitue Aldeia Maracanã, ou Village Maracanã, avait été légué au Service de Protection des Indiens en 1910. De 1953 à 1977, les bâtiments servaient de siège au Musée de l'Indien, mais depuis son transfert, les locaux restaient abandonnés. En 2006, des Indiens de 20 ethnies différentes revinrent occuper le site.
En août 2012, le gouvernement et la ville de Rio de Janeiro annoncèrent que la zone serait démolie pour faire place nette au chantier de la Coupe du monde 2014. En effet, le site jouxte le stade Mário Filho Stadium, plus connu sous le nom de Maracanã, qui désigne aussi le quartier des anciens musée et stade. Une pétition pour la reconnaissance de la propriété indigène du village fut lancée sur Avaaz, elle expliquait:
Neste local, indígenas de várias etnias vêm difundindo sua cultura há seis anos e em escolas particulares e públicas,exercendo direito garantido pela lei. Defendemos a criação de um centro de referência da cultura indígena.
Comme la loi les y autorise, les indigènes de diverses ethnies ont exercé leurs droits et diffusé six ans durant leur culture dans cet endroit ainsi que dans les écoles privées et publiques. Défendons la création d’un centre de référence de la culture indigène.
À cette époque des représentants indiens qui luttaient pour leur village avaient d'ailleurs témoigné dans une vidéo :
Le site fut occupé 4 fois en 2013, dont la première en mars [anglais]. En août, date de la dernière occupation, Eduardo Paes [1] signa un décret, reconnaissant d'une part, la présence de la communauté villageoise Macaranã, et accordant d'autre part, une une protection définitive au bâtiment principal - excluant de fait toute démolition au profit de constructions pour la Coupe du monde. Fin septembre, « le juge de la 7ème Cour du Trésor Public Fédéral signa un mandat contre la démolition » qui statuait qu'en l'absence de déclaration officielle du gouvernement, la zone serait donnée aux occupants, c'est-à-dire les Indiens.
Mais Demian Castro, le représentant du Comité Populaire pour la Coupe du monde et les Jeux olympiques, déclara à la presse brésilienne que le processus de privatisation du complexe Maracanã devait être annulé et que selon lui, en dépit du décret et du mandat du juge en faveur de la communauté, il n’y avait aucune garantie sur le devenir de la zone. Le consortium qui remporta l’appel d’offres pour réhabiliter et gérer le stade pour les trois prochaines décennies, était le Maracana S.A., regroupant les sociétés Odebrecht, IMX and AEG. Son nouveau plan soumis au gouverneur de Rio pour la restructuration de la zone est toujours à l’étude.
À nouveau dans l'impasse, les activistes n'eurent d'autre solution que de retourner occuper le site le samedi 14 décembre 2013. Après une première tentative d’expulsion le dimanche,150 policiers de la brigade anti-émeute encerclèrent la zone le lundi matin puis menèrent de force l'éviction ordonnée par le gouvernement. Parmi les 30 personnes qui étaient dans le bâtiment, 25 furent arrêtées, mais relâchées depuis.
Le soir du mardi 17 décembre, après avoir reçu l’interdiction de retourner dans le village, Urutau et les autres représentants du groupe chassés du bâtiment, furent rejoints par des étudiants pour occuper le rectorat de l’université de Rio de Janeiro (UERJ). Ils exigèrent la tenue d’une table ronde pour débattre du projet du Musée de l’Indien.
Enfin le 6 janvier 2014, le gouvernement de Rio publia un communiqué, annonçant la modification du contrat de la société Macarena S.A., pour exclure les bâtiments du musée de l’Indien de toute démolition.