Angola : courageuses et dignes, les vendeuses ambulantes des rues de Luamba

“Elle doit emmener son bébé avec elle lorsqu'elle part vendre ses produits dans les rues de la ville. À Luanda, on les appelle « zungueiras ». Photo « Lady and her baby » de Jose Carlos Costa, publiée avec la permission du photographe.

(Cet article a été publié dans Global Voices en anglais en novembre 2008) Dans les rues de Luanda on peut voir des zungueiras humbles et déterminées sillonnant la ville par n'importe quel temps. Certaines portent leur bébé sur le dos en plus du poids de leurs marchandises. Elles vendent des fruits sucrés comme des pommes cannelle, des mangues parfumées ou des avocats mûrs qu'elles persistent à préserver ; parfois du jambon ou des sandwiches au fromage. Chaussures, manuels scolaires ou poisson : elles font leur gagne-pain de tous types de marchandise. Jorge Ramos le confirme sur son blog Jorginho em Angola [en portugais comme tous les blogs cités] où il décrit les zungueiras de la belle péninsule de Mussulo  :

“As zungueiras são as milhares de angolanas que saem às ruas vendendo todo o tipo de mercadorias que carregam na cabeça mesmo. Essas zungueiras do Mussulo atendem a um público específico e oferecem produtos como roupas de praia, batas e peças inteiras de panos multicoloridos, ricamente estampados com figuras africanas e linhas geométricas, bem ao gosto do padrão daqui. Elas caminham o dia todo, sob o sol escaldante. É absolutamente incrível a capacidade das zungueiras em equilibrar sobre a cabeça balaios, sacos, cestos, bacias e sacolas onde transportam as mercadorias que vendem. Desafiando as leis da física, o frágil equilíbrio se impõe perante vários obstáculos que se interpõem ante elas nas ruas e calçadas além dos filhos pequenos, que carregam nas costas, atados por panos que amarram na frente à altura do peito. Milhares de zungueiras percorrem a cidade, o dia todo, de um ponto a outro de Luanda, arriscando-se muitas vezes em meio ao tumultuado trânsito.”

« Les zungueiras sont les milliers de femmes angolaises qui parcourent les rues pour vendre les différents produits qu'elles portent sur la tête. Les zungueiras de Mussulo ont une clientèle spécifique et vendent des maillots de bain, des peignoirs, des coupons de tissus bariolés et imprimés de riches motifs africains, comme les gens aiment ici. Elles marchent à longueur de journée, sous un soleil brûlant. La capacité qu'ont les zungueiras à maintenir en équilibre sur leur tête les paniers, sacs, cageots ou les plats dans lesquels elles transportent leurs articles est absolument incroyable. Elles défient les lois de la physique, leur équilibre fragile maîtrisé malgré la multitude d'obstacles qu'elles peuvent rencontrer sur les routes et les trottoirs, tout en portant de jeunes enfants attachés dans leur dos avec des tissus noués en travers de leurs poitrines. Des milliers de zungueiras traversent la ville d'un bout à l'autre, toute la journée, prenant souvent le risque de vendre leurs produits en pleine circulation. »

“Les femmes qui “zunga” [zunga : vendre en kimbundu [fr] ] survivent grâce à la vente ambulante. C'est une alternative à la faim dans un pays où le travail est rare. Mais en Afrique, même ceci est coloré et esthétique”. Zungueiras, photo de wilsonbentos, publiée avec la permission du photographe.

La circulation infernale qui règne sur Luanda n'est pas le plus grand mal qui afflige ces femmes. Les agents de la police économique qui patrouillent la ville à l’affût des infractions sont connus pour la sévérité avec laquelle ils s'adressent aux colporteurs. Les relations entre la police et les zungueiras sont loin d'être amicales. Beaucoup de vendeuses ambulantes se plaignent de la façon d'agir de ces individus, surtout quand on sait que la majorité leur confisque argent et marchandises, avec pour conséquence l'humiliation et la perte du budget d'une famille entière. Les autorités essaient de mettre fin à la vente ambulante et ont l'intention de construire des marchés adaptés à l'accueil des zungueiras. Si cet objectif est rempli, Luanda sera-t-elle la même ? La ville perdra de ses couleurs ainsi que le plaisir de pouvoir observer le flot de ces combattantes chargées de leurs bagages bigarrés dans lesquels elles portent leur kit de survie quotidien. Le réalisateur Marisol Kadiegi dédie une partie de son blog Angola de Todos Nós aux zungueiras :

“Elas saíram do Uíge, Malange, Benguela, enfim! De todas as províncias de Angola para na capital do país, tentarem uma vida melhor e em busca de sonhos, tentar ver seus filhos “doutores”. Castigadas pela guerra, herdaram da mamã quitandeira a arte de vender, da palavra “zunga” originária do kimbundo, ela se tornou andarilha, andante ou vagante. Essa dita senhora é a nossa zungueira, mulher batalhadora que muito antes do sol, se levanta para tratar da vida e conseguir alimento para o seu sustento. Assim como uma leoa, caça comida para seus filhos enquanto o “rei” leão descansa. A nossa vendedora que de porta em porta e nas ruas da cidade sai oferecendo o seu produto, fazendo do lamento um grito. Na maioria das vezes, levando o filho caçula nas costas, dá um kilape (crédito) às freguesas habituais e carrega no rosto um sorriso na esperança de um dia ver-se totalmente liberta da sua condição.

Vítima de violência da polícia e muitas vezes por parte dos próprios companheiros, a mulher zungueira é exemplo de dignidade.”

« Elles arrivent de partout en Angola : Uíge, Malange ou Benguela. Elles viennent de toutes les provinces à la capitale pour y chercher une vie meilleure, en suivant leurs rêves, dans l'espoir de voir leurs enfants devenir “docteurs”. Punies par la guerre, elles ont hérité l'art de la vente de leurs mères épicières. Elles sont devenues randonneuses, marcheuses et vagabondes. Ces femmes sont nos zungueiras, les combattantes qui affrontent le jour bien avant l'aube pour partir en quête de revenus. Comme les lionnes, elles chassent pour nourrir leurs enfants pendant que le “roi” lion sommeille. Nos vendeuses de rue, qui vont de porte en porte dans toute la ville pour vendre leurs marchandises, transforment la complainte en cri. Le plus souvent, elles portent leur cadet sur le dos, font crédit à leurs clients réguliers et gardent le sourire dans l'espoir d'être un jour complètement libres de cette condition.

Victimes de violence policière et souvent conjugale, les femmes zungueira sont un exemple de dignité. »

« Femmes au travail », photo de Jose Carlos Costa, publiée avec la permission du photographe.

Courage et dignité sont les mots justes pour décrire ces femmes. Du fait de la pauvreté et un accès difficile à l'éducation, les femmes angolaises se voient souvent forcées à mener une vie ambulante. Jorge Ramos nous décrit un peu le quotidien des zungueiras :

“Quando cansam, param e se sentam nas calçadas onde amamentam seus bebés e tiram alguma fruta dos seus alforjes para se alimentarem. Às vezes é numa esquina movimentada, mas já vi uma zungueira em pleno centro da cidade parar num calçadão, baixar seu balaio de peixe salgado e ressequido e dar meio abacate para o filho pequeno que se lambuzava, bem na porta de uma moderna agência de um banco europeu, num belo contraste cultural. Idiossincrasias da globalização, que não comporta vertentes antropológicas nem aspectos humanistas em sua inexorável marcha, por isso nessa minha breve leitura contento-me em apenas analisar o episódio sob o prisma da plasticidade da cena e seu significado. Com as elevadas taxas de desemprego e o escasso acesso a uma formação escolar ou profissional ser zungueira é a actividade que mais absorve jovens angolanas pobres, geralmente mães solteiras, algumas recém saídas da adolescência.”

« Quand elles sont fatiguées elles s'arrêtent et s'assoient sur le trottoir, c'est là qu'elles nourrissent leurs bébés et mangent quelques fruits de leur panier. Au coin d'une rue encombrée, juste devant la porte d'une banque européenne, j'ai déjà pu voir une zungueira s'arrêter pour tirer de sa corbeille de poisson séché une moitié d'avocat pour que son fils la dévore ; un beau contraste culturel. Ce sont là les idiosyncrasies de la mondialisation. Une mondialisation qui ne s'embarrasse ni de détails d'anthropologie, ni d'humanisme dans son inexorable progression, c'est pourquoi dans ma courte lecture de ce scénario et de son sens, je me contente d'analyser les faits sous un prisme plastique. Face à un fort taux de chômage et aux conditions d'accès difficiles à la scolarisation ou aux formations professionnelles, devenir zungueira est le choix le plus fréquent des jeunes démunies, souvent mères célibataires, qui parfois viennent juste de sortir de l'adolescence. »

Les photos ci-dessus ont été prises par Marcelo Frota et sont publiées ici avec la permission du photographe. Vous les trouverez sur son photostream Flickr  et son album Angola sur Picasa.

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