Ukrainiens et Russes sur les réseaux sociaux : ‘S'il y a une guerre, chacun perdra !’

30,000 rally against Russian troops introduction to Ukraine on Independence Square in Kiev, March 2, 2014. Photo by Danil Prikhodko, copyright © Demotix, March 2, 2014.

30.000 personnes se sont rassemblées le 2 mars 2014 sur la Place de l'Indépendance à Kiev contre l'entrée des troupes russes en Ukraine. Photo Danil Prikhodko, copyright © Demotix.

Près d'une semaine après sa destitution, l'ex-président ukrainien Viktor Ianoukovitch est réapparu en Russie, pendant que les forces armées russes envahissaient la Crimée, la région autonome d'Ukraine localisée sur une péninsule de la Mer Noire.

Les troupes russes ont d'abord refusé de s'identifier. La Russie a ensuite reconnu sa présence militaire. Samedi 1er mars, le Conseil de la Fédération de Russie a officiellement avalisé la décision du Président russe Vladimir Poutine de déployer des troupes en Ukraine, une déclaration de guerre de facto contre son voisin. Le gouvernement de Poutine a utilisé pour prétexte la défense de la vie des Russes de souche en Ukraine, prétendument en danger immédiat. Toutes les informations de Russes malmenés en Crimée ont pourtant été infirmées [russe] par la suite par les défenseurs des droits humains.

Les réactions des utilisateurs ukrainiens et russes des médias sociaux ne se sont pas fait attendre.

Sur Facebook, le Russe Yevgueni Youriev a mis en garde [russe] ses compatriotes qu'une guerre avec l'Ukraine ferait perdre à la Russie sa réputation au niveau mondial :

Пройдет совсем немного времени, и большинство поймет, что Путин безумен. Но проблема в другом. Его просто не станет, и все. Куда потом встроить человечеству миллионы людей, которые поддержали безумие. И смерти чужих детей, и смерти своих детей. Никогда уже у России не будет прежнего места в мире. И детям нашим. Все, о чем так красиво и благородно недавно вспоминали, ничего этого больше никогда не будет. Ни медалей Олимпиады, ни Пушкина, ни Толстого, ни балов, ни супрематистов. Ни загадочной и красивой русской души. Ни победы в Великой Войне с фашистами. Все это станет скотство и ложь. По красной площади 9 Мая уже никогда не пройдут победители.
Россия не проживет долго за новым железным занавесом, это понятно. И вот когда он рассыплется снова, мир будет смотреть молча на нас. Всегда. Это будет вечный позор.

Il se passera très peu de temps avant que la majorité comprenne que Poutine est fou. Mais le problème est ailleurs. Lui ne durera pas, et ça sera fini. Mais qu'adviendra-t-il des millions de gens qui auront soutenu [sa] folie. Et la mort des enfants des autres, et la mort de nos enfants. La Russie n'aura plus jamais sa place d'avant dans le monde. Ni nos enfants. Tous nos souvenirs récents beaux et nobles, tout cela disparaîtra à jamais. Plus de médailles olympiques, plus de Pouchkine, de Tolstoï, de bals, de suprématistes. Finie la belle et mystérieuse âme russe. Plus de victoire dans la Grande Guerre contre les fascistes. Tout cela deviendra saleté et mensonge. Les vainqueurs ne défileront plus sur la Place Rouge le 9 mai. La Russie ne survivvra pas longtermps derrière le nouveau rideau de fer, c'est sûr. Et quand il [ce rideau] tombera à nouveau, le monde nous regardera en silence. Pour toujours. Cela sera [notre] honte éternelle.

Faisant revivre la tradition des Orthodoxes orientaux du Dimanche du Pardon [anglais], l'activiste de Moscou Roman Udot a déposé une petite icône de la Mère de Dieu [anglais] devant l'ambassade d'Ukraine à Moscou et a écrit [russe] :

Я никогда не просил прощения у целой страны. Вкусной, веселой, бесшабашной страны. Близкой и уютной. Я не знаю правильного ритуала. Есть ли он? И хотя мои отношения с концепцией бога неоднозначны, я все-таки решил использовать этот древний символ нашего родства, общности культуры и истории.

Оставлю у ограды украинского посольства. Попрошу прощения. И пусть потом суеверные полицейские – а все бандиты суеверны – ломают голову как это выбросить.

Боже, храни Украину.

Je n'ai jamais demandé pardon au pays entier. Un pays délicieux, joyeux, imprudent. Proche et confortable. Je ne connais pas le rituel exact. Y en a-t-il un ? Et bien que ma relation avec le concept de dieu soit ambivalente, j'ai malgré tout résolu d'utiliser ce symbole antique de notre parenté, de notre culture et de notre histoire partagées.

Je laisserai [l'icône] à la clôture de l'ambassade d'Ukraine. Et demanderai pardon. Que les policiers superstitieux – tous les bandits sont superstitieux – se cassent la tête pour s'en débarrasser.

Dieu, protège l'Ukraine.

Inutile de dire que beaucoup d'Ukrainiens ont été stupéfaits de la décision du gouvernement russe d'envoyer les troupes en Ukraine.

Un utilisateur de Facebook à Kharkiv, Yevguen Bessonov, a écrit [russe] :

Мы не убили ни одного россиянина, не взяли ни пяди их земли, не ввели войска на их территорию, не захватили их ресурсы. Мы просто на неделю стали свободной страной. И этого хватило, чтобы Россия объявила нам войну ЕДИНОГЛАСНЫМ решением СФ и при тотальной поддержке населения!!! За что они нас так ненавидят? За свободу? За инакомыслие? За что мы удостоены такой лютой и всенародной ненависти, что война оправдана в глазах россиян? 1 марта 2014 года – …..?

Nous n'avons pas tué un seul Russe, n'avons pas pris un pouce de leur terre, n'avons pas envoyé de troupes sur leur territoire, ne nous sommes pas emparés de leurs ressources. Nous sommes justes devenus un pays indépendant pour une semaine [depuis le renversement du Président Ianoukovitch soutenu par les Russes [anglais]]. Et cela a suffi à la Russie pour nous déclarer la guerre par une résolution UNANIME du Conseil de la Fédération et avec le soutien total de la population !!! Pourquoi nous haïssent-ils tant ? Pour notre liberté ? Pour notre non-conformisme ? Pourquoi sommes-nous dignes d'une haine si féroce et nationale qu'elle justifie la guerre aux yeux des Russes ? 1er mars 2014 – …?

Entre-temps, les médias russes justifiaient l'envoi de troupes en Ukraine [anglais] par la nécessité de défendre les Russes de souche et les russophones dans le pays. De nombreux Ukrainiens russophones ont souligné l'absence de motifs à une telle “défense” et ont même adressé une péition à Poutine [anglais] pour qu'il stoppe l'intervention militaire en Ukraine.

Un Russe habitant Kiev, Mitya Gerasimov, a publié [russe] ceci sur sa page Facebook :

Я гражданин РФ, русский еврей, пять лет живу в Украине. У меня ни разу не возникло здесь проблем ни с моим русским языком, ни с моей еврейской музыкой. Ни во Львове, ни в Киеве, ни на Майдане. Никаких «фашистов-бендеровцев», нацистов и антисемитов я не видал в глаза, это миф. Путин при широкой поддержке населения России ввел войска в Украину, и это никакая не защита от экстремистов. Это война против мирной независимой страны. Позор России. Беда.

Je suis citoyen de la Fédération de Russie, juif russe, je vis en Ukraine depuis cinq ans. Je n'ai jamais eu le moindre problème ni avec ma langue russe ni avec ma musique juive. Ni à Lviv, ni à Kiev, ni sur Maïdan. Je n'ai vu de mes yeux aucun “fasciste-bandériste“, nazi ou antisémite, c'est un mythe. Poutine, avec le large soutien de la population de la Russie, a envoyé des troupes en Ukraine, et ce n'est pas une protection contre les extrémistes. C'est une guerre contre un pays indépendant. Une infamie pour la Russie.

La critique d'art Ekaterina Stukalova a publié [russe, ukrainien] ceci sur Facebook :

Устройте мне встречу с Путиным, Обамой, Баррозу. Даже не встречу, нет, перекрестный допрос. Я могу рассказать им, как ущемляются мои русскоязычные права в Украине. Я – на три четверти этническая русская, на одну четверть этническая армянка, получившая советский паспорт в 16 лет и украинский в 19. Училась в русской школе, украинский язык в ней преподавался, но настолько спустя рукава, что я его так и не имела возможности нормально выучить. Поступила в Киевский Государственный Художественный Институт в 1990, на втором курсе всех преподавателей лихорадило, что в связи с независимостью их заставят преподавать на украинском, а как они будут это делать, если все книжки на русском? Так никто и не заставил за 20+ лет, более того, студенты-первокурсники с Западной Украины, вынужденные пользоваться русско-украинским словарем в библиотеке при чтении литературы, к третьему курсу переходили на русский. Аналогичная ситуация была везде, где я потом работала.

Мои дети говорят по-русски, старшая учит украинский в школе, но на переменках дети общаются между собой по-русски. Ні, зачекайте. Десь з грудня 2013 вони намагаються і на перервах спілкуватися українською. І я це підтримую. Але дуже хотілося б краще опанувати українську, щоб не робити помилок і знати, як виправляти помилки в зошитах моїх дітей. Може, є якісь курси, де в Україні дорослим російськомовним можна вивчити українську? Ні, не чула. Мене це дуже непокоїть, панове Путін, Обама, Баррозу. Мої україномовні права вочевидь порушені.

Organisez-moi une rencontre avec Poutine, Obama, [le président de la Commission Européenne José Manuel] Barroso. Non, même pas une rencontre, une audition contradictoire. Je peux leur raconter comment sont bafoués mes droits linguistiques russes en Ukraine. Je suis d'origine aux trois quarts russe et un quart arménienne, j'ai reçu le passeport soviétique à 16 ans et ukrainien à 19. J'ai étudié à l'école russe, la langue ukrainienne était enseignée, mais tellement par-dessous la jambe que je n'ai pas eu la possibilité de l'apprendre correctement. En 1990 je suis entrée à l'Institut d'Art d'Etat de Kiev, en deuxième année la fièvre a travaillé tous les professeurs qu'avec l'indépendance ils seraient forcés de faire cours en ukrainien, et comment y arriver si tous les livres sont en russe ? Mais personne ne les y a forcés en + de 20 ans, qui plus est, les étudiants de première année d'Ukraine occidentale [parlant majoritairement l'ukrainien] devaient utiliser un dictionnaire russe-ukrainien à la bibliothèque pour lire les manuels et passaient au russe en troisième année. Même situation partout où j'ai travaillé ensuite.

Mes enfants parlent russe, mon aînée apprend l'ukrainien à l'école mais pendant les récréations les enfants parlent entre eux en russe. [NdT : La suite de la citation est en ukrainien] Non, minute. Depuis décembre 2013 ils ont commencé à essayer de parler ukrainien pendant les récréations aussi. Et je suis pour. Et [j’]aurais aimé mieux savoir l'ukrainien pour ne pas faire de fautes et pouvoir corriger les fautes dans les devoirs de mes enfants. Il y a peut-être des cours d'ukrainien pour les adultes russophones. Mais je n'en connais pas. Ça m'inquiète beaucoup, Messieurs Poutine, Obama, et Barroso. Mes droits à parler ukrainien sont réellement enfreints.

Un Ukrainien de Crimée vivant à Kiev, Vitaliy Dyshlovy, a écrit [russe] :

Я родился и вырос в Крыму. Так как живу в Киеве, последние несколько дней провожу консультации на тему “Что думают крымчане?”. За всех не скажу, но мои родственники по своему окружению судят так: все хотят спокойной жизни и никакой защиты им ни от кого не нужно. В целом впечатление – пассивность: ни позицию Украины, ни присоединение к России активно поддерживать не собираются. Конечно, конфликта не хочет никто. Действия же России невозможно объяснить никак – от войны проиграют все. На голову эти действия не налазят никому – ни мне, ни родителям, ни знакомым в Крыму. Желающим жить в России и махающим триколором в некоторых городах неделимой Украины предлагаю решать вопрос индивидуально – переезжать в Россию и наслаждаться. Слава Украине!

Je suis né et ai grandi en Crimée. Comme j'habite Kiev, depuis quelques jours je donne une consultation sur le thème “Que pensent les Criméens ?”. Je ne peux pas parler pour eux tous, mais mes proches et leur entourage jugent ainsi : tous veulent une vie calme et n'ont besoin de la protection de personne. L'impression générale est la passivité : ils ne veulent soutenir activement ni la position de l'Ukraine ni l'union avec la Russie. Evidemment personne ne veut du conflit. Aucun n'arrive à expliquer les actes de la Russie – s'il y a la guerre tout le monde perdra. Ces actes sont incompréhensibles à tous – moi, mes parents et connaissances en Crimée. A ceux qui souhaitent vivre en Russie et agitent le drapeau tricolore [russe] dans quelques villes de l'Ukraine indivisible, je leur propose d'agir individuellement – en déménageant en Russie et qu'ils s'en donnent à coeur joie. Vive l'Ukraine !

Un Russe de Tcherkassy, Dmitri Zorin, a lancé un appel [russe] aux deux pays :

Я живу в Украине 14 лет.
Я убежал сюда из России.
Я объехал всю Украину с востока до запада и с севера до юга.
Я официально заявляю, что за время моего пребывания Я ни разу не встретил ни малейшего неуважения ко мне.
[…]
Я безмерно благодарен Украине за то, что Я и моя семья – Граждане Украины.
Украинцы! Что бы ни случилось, Я с ВАМИ!!
Я не побегу.
Я бился в беспомощности с 2009 года. Я не верил в Майдан. Я верил в украинцев.
Борьба за свободу сплотила нас. Я благодарен ВАМ за это!
Я знаю, что МЫ УЖЕ СВОБОДНЫ!
Даже, когда понимаем беспомощность нашей армии перед захватчиком.
[…]
Россияне!
Я знаю, что вы не объявляли войну Украине.
Я знаю, что большинство из вас не обдурить инфой из ящика. И нет смысла говорить, что есть правда. Вы её и сами берете из ленты.
Я официально заявляю, что никого из своих друзей не считаю врагом.
Я знаю, что вам не легко. Вы чувствуете себя достаточно сыто и разрозненно, чтобы предпринимать резкие движения. Я понимаю это.
Я официально заявляю, что если вам вдруг понадобится уйти в Украину, Я приму вас. Я буду помогать вам. Я не назову за это цены и никогда не предъявлю.
Я знаю, что жить в страхе долго не получится. Одно кончается. Или жизнь или страх.
Я официально заявляю, что когда у вас исчезнет страх, Я подскажу и помогу морально. Когда бы это ни произошло.

Je vis en Ukraine depuis 14 ans.
Je me suis sauvé de Russie ici.
J'ai parcouru toute l'Ukraine d'est en ouest et du nord au sud. Je déclare officiellement que je n'ai jamais rencontré le plus petit manque de respect.
[…]
Je serai éternellement reconnaissant à l'Ukraine que ma famille et moi sommes citoyens ukrainiens.
Ukrainiens ! Quoi qu'il arrive je suis avec VOUS !!
Je ne fuirai pas.
Je me sens impuissant depuis 2009. Je n'avais pas foi en [Euro]Maïdan. J'avais foi dans les Ukrainiens.
Le combat pour la liberté nous a unis. De cela, je VOUS remercie !
Je sais que NOUS SOMMES DÉJÀ LIBRES !
Même quand nous comprenons la faiblesse de notre armée devant l'agresseur.
[…]
Russes !
Je sais que vous n'avez pas déclaré la guerre à l'Ukraine.
Je sais que la majorité d'entre vous ne se laisse pas duper par les infos de la télé. Et aucune raison de vous dire ce qui est la vérité. Vous la trouvez vous-même.
Je déclare officiellement que je ne considère aucun de mes amis comme un ennemi.
Je sais que ce n'est pas facile pour vous. Vous vous sentez trop rassasiés et isolés pour entreprendre des actions brusques. Je comprends cela.
Je déclare officiellement que si vous avez besoin soudain de venir en Ukraine je vous accueillerai. Je vous aiderai. Je n'y mettrai pas un prix et n'en réclamerai jamais.
Je sais que vivre dans la peur ne va pas longtemps. Quelque chose cède. Ou la vie, ou la peur.
Je déclare officiellement que lorsque votre peur diparaîtra, je vous conseillerai et vous aiderai moralement. A tout moment.

Le 2 mars, des citoyens des deux pays [anglais] ont tenu des manifestations contre l'intervention militaire russe en Ukraine.

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