Suite aux révélations de Snowden sur les activités de surveillance d'internet par la NSA, les internautes du monde entier sont plus sensibilisés à la possibilité et la menace de la surveillance par des agences tierces de leurs activités sur le web. L'utilisation d'internet en Afrique croit de manière exponentielle mais le nombre d'utilisateurs est-il déjà suffisamment important pour être sujet à une surveillance de masse par ses dirigeants ?
Etat des lieux sur la censure et la surveillance d'internet en Afrique
Contrairement au reste du continent, l'Afrique du Nord a toujours été sous surveillance stricte par ses gouvernements. Le primtemps arabe a révélé le rôle que peut jouer internet dans la mobilisation civile et l'étendu de la censure pratiquée par ses gouvernements. L'état policier de Ben Ali n'est plus mais son système de surveillance des réseaux numériques a survécu a sa chute, comme l'explique Marie Goupy, chercheuse, dans Monde Afrique:
Sous Ben Ali, dont les velléités de main-mise sur l’internet associent l’intérêt d’un chef d’Etat policier, et la joyeuse minutie du geek, le système de surveillance est intégralement sous son propre contrôle. [..] Tel est le luxe permis par les nouvelles technologies de surveillance de masse : avec de bons outils, quelques ingénieurs « politiquement neutres » et une cinquantaine de cyberpoliciers bien formés, on peut épier et intervenir dans les communications d’un pays entier. Ce sont les entreprises Blue Coat System et NetApp, auxquelles il faut très probablement ajouter McAfee (Smartfilter), qui ont vendu les technologies de filtrage d’internet et [..] Nokia Siemens Networks, ETI A/S (Danemark), Ultimaco (Grande-Bretagne), Trovicor (Allemagne) et Bull (France). Le nouveau directeur, Moez Chakchouk, qui s’est construit une image de pourfendeur de la censure, ne défend guère un autre discours en réaffirmant avec l’inébranlable conviction du technophile la neutralité intrinsèque des technologies qu’il faudrait seulement protéger contre les abus. Il en tire d’ailleurs lui-même les conséquences, en affirmant qu’« il n’existe pas d’utilité de poursuivre les entreprises [qui ont vendu les technologies de surveillance en Tunisie] : elles ne sont pas responsables de l’usage de ces technologies ».
En Afrique subsaharienne, la problèmatique est différente. Cependant il se pourrait que la région doive faire face à cette surveillance assez vite. Dans le livre “Les Enjeux Éthiques D'Internet en Afrique de L'Ouest: Vers Un Modèle Éthique”, Patrick Brunet, Oumarou Tiemtoré et Marie-Claude Vettraino-Soulard note qu’en Côte D'Ivoire, les internautes sont conscients du problème :
Les ivoiriens interrogés sont plus sensibles au fait qu'Internet pourrait être utilisés par le pouvoir à des fins de surveillance. Internet correspond assez à l'organisation de la société africaine : fondée sur une structure en réseau. [..] Mais internet pourrait aussi brouiller les pistes car c'est le champion de la décentralisation et de l’éphémère. Le pouvoir rencontrera de vrais difficultés si il veut se servir d'internet pour surveiller son peuple.
Saskia Hottuin reporter sur RNW met en avant la responsabilité des pays occidentaux sur la surveillance des entreprises qui commercialisent les outils de surveillance d'internet:
Mais les gouvernements trouvent toujours des moyens pour censurer ou bloquer des sites Internet. Selon Arjan Al Fassed, député au Parlement néerlandais pour les Verts de gauche, il est possible que les Pays-Bas contribuent, avec leurs logiciels, à bloquer des sites en Afrique : la technologie s'accélère et les régimes utilisent de nouveaux moyens technologiques pour censurer l'Internet. Plusieurs entreprises aux Pays-Bas et en Europe vendent de la technologie qui peut servir à censurer l’Internet [..] Ces ressources technologiques ont été créées comme des logiciels de sécurité, par exemple pour prévenir la pornographie enfantine. Maintenant que l’on sait que ces logiciels peuvent servir à d'autres fins, Al Fassed a demandé au ministre néerlandais des Finances de faire preuve de vigilance, ce à quoi le ministre a réagi rapidement. Il a interrogé les entreprises concernées et les a invitées à faire attention à quels pays elles vendent leur technologie.
Vitraulle Mboungou, blogueuse pour Afrique Expansion, explique l'impact économique que la surveillance et la censure d'internet peut avoir pour le continent :
Les autorités égyptiennes ont coupé quasi-instantanément l’accès au réseau en faisant pression sur les fournisseurs d’accès Internet (FAI) qui, en bloquant deux protocoles d’échanges d’informations vitales, ont en quelques heures seulement isolé les Égyptiens du reste du monde sur la Toile. Cette mesure n’a pas importuné que les manifestants mais également les nombreuses entreprises nationales et étrangères déjà victimes de ces contestations populaires [..] Les interruptions incessantes de connexions ou les importants ralentissements du débit ou tout simplement le refus d’accès, autant de troubles qui selon elles, portent gravement préjudices à leurs activités (économiques).
Une solution technologique contre la surveillance du numérique est pourtant possible. Jari Arkko, président de l'IETF (Internet Engineering Task Force), explique:
Tout d'abord, l'IETF souhaite qu'un jour, le chiffrage d'internet tout entier soit opérationnel. “Aujourd'hui, le chiffrage n'existe que pour certains services tels que la banque”, a expliqué Jari Arkko, en faisant allusion aux normes élaborées par l'IETF, notamment SSL – le petit cadenas qui apparaît dans le coin supérieur gauche de votre navigateur pour sécuriser les achats en ligne. “Si nous travaillons dur, nous pouvons sécuriser [Internet dans son ensemble] par défaut.” À cet effet, l'IETF pourrait rendre le cryptage obligatoire pour HTTP 2.0, une nouvelle version du protocole Internet de base.
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