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Algérie : «Allez voter, ne regardez pas la télé, ne manifestez pas et taisez-vous ! »

Catégories: Afrique du Nord et Moyen-Orient, Algérie, Cyber-activisme, Dernière Heure, Élections, Gouvernance, Liberté d'expression, Médias citoyens, Politique

Un mois avant l’élection présidentielle, prévue le 17 avril prochain [1], les Algériens subissent de nombreuses atteintes aux libertés civiques. Invités à élire leur prochain président de la République parmi six candidats en course, et parmi eux le Président sortant Abdelaziz Bouteflika qui brigue un 4e mandat après 15 ans de règne sur le pays, les Algériens demeurent privés de la liberté de manifester dans les rues.

 Pire encore, la liberté d’expression est aussi menacée à la suite de la fermeture d’une chaine de télévision libre et indépendante, la chaîne Al-Atlas TV [2]. Depuis le mercredi 11 mars dernier, cette chaîne de télévision qui a ouvert ses plateaux aux opposants algériens sans aucune restriction à cesser d’émettre sur satellite suite à des pressions exercées par les autorités algériennes sur le provider jordanien Noorsat [3]. La veille, à savoir le mardi 10 mars, c’est la gendarmerie algérienne qui a perquisitionné arbitrairement les studios et locaux de cette chaîne de télévision afin de saisir toutes les caméras, ordinateurs, DVD et matériel audiovisuel. [4] Officiellement, les autorités avancent le prétexte d’une absence d’une autorisation de diffusion en Algérie pour justifier cette perquisition suivie de saisie. Cependant, Al-Atlas TV, dont le personnel est composé essentiellement de jeunes techniciens et journalistes algériens fraîchement diplômés, travaille en Algérie depuis 2012.

 Dans cette vidéo postée sur YouTube par la chaîne Al-Atlas TV, le directeur de l'information de cette chaîne indépendante lance un appel au secours et réclame l'aide des journalistes algériens et étrangers. “La liberté d'expression est en danger en Algérie. J'appelle les Algériens à se solidariser avec nous pour se battre contre les atteintes répétées à cette liberté dans notre pays”, dit-il.

A aucun moment, ses responsables et journalistes n’ont été inquiétés. Elle dispose également du même statut juridique des autres télévisions privées algériennes qui n’ont guère été empêchées de diffuser leurs programmes. A quoi rime donc cette interdiction imposée à Al-Atlas TV ? Son directeur général, Hichem Bouallouche, a fait savoir à la presse algérienne que les autorités veulent punir sa chaîne parce qu’elle remet en cause le 4e mandat que veut briguer Abdelaziz Bouteflika [5] alors que son état de santé est déplorable et le pays réclame une alternance politique.

En dépit d’un important élan de solidarité pour la chaine Al-Atlas TV, les autorités algériennes ne sont pas revenues sur leurs décisions. Les condamnations de Reporters Sans Frontières [6], La Ligue Algériennes de Défense des Droits de l’Homme [7] ainsi que la forte mobilisation des médias algériens et des cyber-activistes sur les réseaux sociaux, n’ont pas réussi à forcer le régime algérien à cesser cette violation de la liberté d’expression.

D’autres libertés en Algérie sont aussi bafouées en cette période électorale à l’image de la liberté de manifester pacifiquement dans la rue. Garantie par La Constitution algérienne, elle est toujours interdite à Alger, la capitale algérienne. Depuis deux semaines, le mouvement contestataire «Barakat !» [8] tente de rassembler des dizaines de jeunes militants pour dire non à la dictature et non à un autre mandat du Président Bouteflika, un dirigeant vieillissant, malade et dépassé par son temps. Les membres de ce mouvement ont tenté à deux reprises d’organiser une manifestation pacifique à Alger devant la Faculté Centrale d’Alger. Ils ont été à chaque fois réprimés, violemment arrêtés et embarqués aux commissariats.

 Cette photo diffusée largement sur les réseaux sociaux en Algérie montre comment une membre du mouvement citoyen Barakat a été empêchée par les policières de crier des slogans démocratiques. Elle a été violemment embarquée par les forces de l'ordre le jeudi 6 mars dernier à Alger. Photo prise par un photographe de la presse algérienne et partagée sur Envoyés Spéciaux Algériens. [9]

Photo rassemblement

Les vidéos et photos de cette violente répression policière ont fait le tour du monde sur le web. Le patron de la police algérienne, le Général Abdelghani Hamel [10], a tenté de justifier cette répression qui s’est soldée par plus de 260 arrestations musclées. Il a prétexté des ordres politiques parvenus des hauts responsables de l’Etat algérien pour expliquer le comportement violent des policiers algériens.

Dans ce reportage de la chaîne de télévision indépendante Al-Atlas TV, une télévision censurée désormais en Algérie, on voit plusieurs séquences de la répression policière qui s'est abattue sur des manifestants pacifiques le 6 mars dernier à Alger.


 

 Pas de télévisons réellement libres, les autre chaînes privées sont ouvertement partisanes d’un nouveau mandat d’Abdelaziz Bouteflika, une liberté de manifester réprimée et une liberté d’expression menacée. Le tableau que dessine le régime algérien est très peu reluisant. Mais la société civile ne baisse pas les mains et demain, samedi 15 mars, [11] le Mouvement «Barakat !» appelle à manifester encore à travers tout le pays, le plus grand pays d’Afrique géographiquement. Rien n’est donc encore perdu ou jouer d’avance. Et cette élection présidentielle promet de nombreux rebondissements.