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Crimée : La fraude russe au bulletin de vote qui n'en était pas une

Catégories: Europe Centrale et de l'Est, Russie, Ukraine, Élections, Guerre/Conflit, Média et journalisme, Médias citoyens, RuNet Echo

 

The Kremlin's ballot scheme in Crimea that probably never happened. Images mixed by author.

La manipulation électorale du Kremlin en Crimée qui n'a sans doute pas eu lieu. Photomontage de l'auteur.

[Liens en russe] En Crimée se tient aujourd'hui dimanche, 16 mars 2014, un référendum qui doit déterminer si la république autonome restera dans le giron ukrainien sous un statut d'autonomie élargie ou si elle demandera son absorption dans la Fédération de Russie. Ces deux dernières semaines, les nouvelles autorités de Kiev fulimnaient contre le scrutin, avec l'argument que le parlement de Crimée n'est pas compétent pour enclencher la sécession sans participation du gouvernement central.

Des internautes russes ont déduit d'images circulant en ligne que des hauts-fonctionnaires sembleraient vouloir exclure également leur propre électorat de la procédure de vote.

[1]

La photo au centre du scandale de falsification des bulletins de vote.

Le 12 mars, le blogueur Rustem Adagamov publiait des photos d'un reportage pour Itar-Tass de Sergueï Fadeïchev sur les préparatifs du référendum à travers la Crimée. Sur une des photos (ci-dessus), un jeune homme déplace ce qui ressemble à une pile de bulletins de vote. A peine ces images publiées par Adagamov, des lecteurs attentifs ont rapidement remarqué [2] que les feuilles de couverture sur les paquets étaient imprimées avec les votes sécessionnistes déjà cochés.

Le site web freejournal.biz s'est emparé du bavardage sur le blog d'Adagamov, et en a fait un article titré “Les bulletins de vote en Crimée déjà complétés dans le bon sens.” Le texte citait également un entrée [3] sur Facebook du député à la Rada ukrainienne Oleksandr Briginets [4], où il reprenait une information de seconde main que des ressortissants russes étaient amenés en bus à Simféropol pour bourrer les urnes en faveur de la sécession. “Maman et beaucoup de gens qui habitent Feodossia [5] [fr] ont vu ces bus !!!” a écrit M. Briginets le 13 mars.

Selon le moteur de recherche de blogs [6] de Yandex, il y a 780 pingbacks distincts du billet de freejournal.biz, autrement dit, des centaines de blogueurs russes, écrivant pour la plupart sur Vkontakte et Twitter, ont partagé cet article, en exprimant généralement leur indignation contre la fraude électorale apparemment planifiée pour ce dimanche.

[7]

Agrandissement des tracts sécessionnistes du référendum de Crimée.

A y regarder de plus près, pourtant, les bulletins de vote falsifiés de la photo sur le blog d'Adagamov pourraient n'être autres que des tracts réalisés par des agitateurs pro-russes. Le jour de la publication des images par Adagamov, le quotidien RBK Daily faisait paraître sa propre photographie—un agrandissement—des mêmes documents (ci-dessus), qu'il identifiait [7] comme des tracts produits par une section locale du Parti des Régions.

Certes, les tracts ont été conçus pour être presque identiques aux véritables bulletins de vote. A deux importantes différences près toutefois. Contrairement au bulletin de vote officiel annoncé [8] au début de la semaine par le président de la consultation de Crimée Mikhaïl Malyshev, les tracts ont été imprimés sur papier blanc. (Les véritables bulletins de vote le sont sur papier jaune.) La dimension des tracts semble également supérieure à celle publiée par M. Malyshev mardi. Et enfin, bien sûr, il y a la marque d'un rouge tonitruant sur les tracts. Si on regarde attentivement l'image de RBK, on verra que la case autour de la marque n'est pas tout à fait fermée. Il y a un tout petit espace blanc, qui rend impossible de même croire que le vote a été effectué après l'impression du bulletin.

Cela veut-il dire pour autant que la Russie n'essaiera pas de voler le référendum dimanche ? Absolument pas. Mais cette photographie particulière et la réaction qu'elle provoque en ligne laisse prévoir que les Russes ne tomberont pas des nues si le vote est arrangé. Ils sont maintenant prêts à croire le pire, même sur des preuves risiblement indirectes.