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Les Ukrainiennes boycottent le sexe avec les Russes

Catégories: Europe Centrale et de l'Est, Russie, Ukraine, Arts et Culture, Femmes et genre, Histoire, Littérature, Média et journalisme, Médias citoyens, Politique, Relations internationales, RuNet Echo
Ukrainian women's sex boycott. "Don't give it to a Russia" logo and slogan. [1]

La grève du sexe des Ukrainiennes. Logo et slogan “Ne (te) donne pas à un Russe”.

Après le rattachement de la Crimée à l'Ukraine, les pourparlers en vue d'appliquer des sanctions internationales ressemblent de plus en plus à un énième et médiocre épisode de politique européenne. Mais les choses peuvent tout de même changer. Cette semaine en Ukraine a débuté un boycott d'un type inhabituel qui a attiré l'attention des internautes russes. Les femmes ukrainiennes ont lancé une nouvelle campagne baptisée “Ne (te) donne pas à un Russe”, c'est-à-dire l'embargo du sexe contre les hommes russes.  Cette campagne vient compléter le boycott à grande échelle [en ukrainien] [2] des produits russes. Boycott auquel appellent des panneaux publicitaires [en anglais et ukrainien] [3] disposés sur les grandes artères sur tout le territoire ukrainien.

Pour soutenir ce boycott du sexe, une ligne de tee-shirts décorés du logo officiel a déjà été lancée : deux paumes rapprochées en forme de sexe féminin (voir plus haut). Le tee-shirt portera aussi le slogan : “Ne (te) donne pas à un Russe” ainsi que quelques vers [angl.] [4] tirés de “Katerina”, l'oeuvre la plus connue du poète ukrainien Taras Chevtchenko (1838): “Кохайтеся, чорнобриві, та не з москалями” “Belles Ukrainiennes, ayez des amoureux, mais pas de Moscovie” [le poème raconte l'histoire d'une fille du peuple séduite et délaissée par un officier russe].

Le dimanche 23 mars, des internautes russes ont mis en ligne la photo de l'opposante Valéria Novodvorskaïa en tee-shirt appelant au boycott sexuel. V. Novodvorskaïa, connue pour son physique particulier et sa propagande en faveur de la théorie du complot, a la citoyenneté russe, mais beaucoup d'internautes trouvent normal qu'un représentant de l'opposition russe se joigne à ce boycott par solidarité avec la lutte contre le Kremlin que mène l'Ukraine.

Par exemple, le député russe Robert Schleguel a tweeté cette photo, accompagnée du commentaire suivant:

En une seule photo, le boycott du sexe par les Ukrainiennes tué dans l’œuf par Valéria Novodvorskaïa.:)

Comme souvent, il s'agit d'une image photoshopée. Elle provient d'une interview [ru.] [7] de Mme Novodvorskaïa sur les relations russo-israéliennes datant de juin 2013 (d'où le drapeau israélien en arrière-plan). Un petit génie du graphisme en a réalisé une version photo avec tee-shirt appelant à la grève du sexe, laquelle a déclenché une vague de quolibets et de réactions sur la Toile.

Un parfait exemple de ce qu'on peut faire grâce à Photoshop

“Un parfait exemple qu'on peut faire grâce à Photoshop”

A l'heure actuelle, le groupe de “boycott du sexe” sur Facebook [ru.] [8] recense en tout 156 membres [ce nombre était passé à 425 le 25 mars], mais la campagne est vite devenue virale auprès des internautes russes, qui ont largement diffusé la photo de deux jeunes filles revêtues du tee-shirt officiel appelant au boycott (voir ci-dessous). Comme on pouvait s'y attendre, la plupart des réactions à ce boycott consistent en blagues sexistes venant d'internautes de sexe masculin. Le rédacteur en chef du site nationaliste “Spoutnik et Pogrom” Egor Prosvirnine évoque [ru.] [9] sur Facebook cet embargo du sexe et traite ses participantes de prostituées. La majorité des utilisateurs [ru.] [10] de la plateforme LiveJournal comme d'autres sites ont relayé des blagues analogues.

 

 

[11]

Des têtes d'affiche sexy pour promouvoir le boycott du sexe ?

En réalité, les jeunes filles sur la photo sont deux éminentes représentantes de leur profession – et non, ce n'est pas “le plus vieux métier du monde” [ru.]. [12]

Ce sont la rédactrice en chef du site d'information Delo.UA Katerina Venjik [ru.] [13] (à gauche) et Irina Roubiss [ru.] [14] (à droite), la directrice générale du portail économique Ekonomika Communication Hub” [ru.] [15]. Photo prise le 21 mars au cours d'un événement [ru.] [16] organisé par le site Delo.UA, où étaient proclamés les noms des finalistes du concours “Les 100 meilleurs business d'Ukraine”. Irina Roubiss y était invitée et avait posé pour quelques photos en compagnie de K. Venjik. Sur l'une d'elles [11], les filles ont passé le tee-shirt par-dessus leurs vêtements.

La grève du sexe est une idée vieille d'au moins 2425 ans, quand les Grecs anciens avaient représenté dans la comédie d'Aristophane “Lysistrata” [en français] [17] comment les femmes grecques avaient réussi à faire cesser la guerre du Péloponèse : en privant leurs hommes et amants de leurs privilèges sexuels. Une pièce écrite sept ans avant la défaite d'Athènes lors de cette guerre.

On souhaite un meilleur sort à l'Ukraine pour dans sept ans, en 2021.