Les récents sondages réalisés par l'Institut International de Sociologie de Kiev révèlent que la majorité en Ukraine du Sud-Est ne souhaite pas s'intégrer à la Russie. Mais si un référendum a lieu sur la sécession d'avec l'Ukraine, ses résultats pourraient être différents.
La semaine dernière, la république populaire auto-proclamée de Donetsk a utilisé le compte Facebook de son “Gouverneur du peuple” Pavel Goubarev pour annoncer la formation d'une Fédération Novorossiya de Donetsk et autres régions du Donbass en Ukraine orientale. M. Goubarev est détenu par la police ukrainienne depuis un mois. Le post, largement liké et partagé, invitait à voter à un référendum du 11 mai pour la sécession d'avec l'Ukraine et l'unification avec la Russie et la Biélorussie.
La région du Donbass (Donetsk, Louhansk et des parties de Dniepropetrovsk) a toujours connu des tendances séparatistes, déjà avant le tout récent changement de régime à Kiev. Le bassin charbonnier et énergétique est l'une des régions les plus densément peuplées et les plus économiquement développées de l'Ukraine. Beaucoup y ont le sentiment de nourrir le reste de l'Ukraine, encouragés dans cet état d'esprit par les séparatistes.
Jusqu'à présent, les séparatistes sont gagnants. Dans la deuxième semaine d'avril, la mairie de Donetsk a été occupée, et une république indépendante de Louhansk a été instaurée peu après. Pour le moment Dniepropetrovsk est le seul centre régional dont l'administration a réussi à défier les séparatistes. Boris Filatov, qui travaille dans le bureau du gouverneur de Dniepropetrovsk, est suivi par 30.000 personnes sur Facebook, et utilise son compte comme plate-forme de presse. Il s'est rendu récemment dans la partie orientale de la région de Dniepropetrovsk pour y rencontrer des mineurs et l'encadrement. M. Filatov affirme que l'essentiel est de “préserver l'intégrité de [son] pays, sa souveraineté et son indépendance. Peu importe le reste.”
Du fait de l'incapacité des responsables de Donetsk à contrôler les séparatistes, des Ukrainiens s'y tournent vers Dniepropetrovsk en quête de direction. Ironie de l'histoire, les militants pro-Ukraine répandent des tracts à Donetsk exhortant la population à réclamer un référendum pour rejoindre la Région de Dniepropetrovsk.
Selon l’étude citée au début de cet article, plus de 80 % de la population de Dniepropetrovsk est opposée à la sécession d'avec l'Ukraine et à l'unification avec la Russie. Seulement 27.5 % de Donetsk et 30.3 % de Louhansk sont favorables à la sécession. Certains blogueurs ont toutefois relevé que dans l'étude les questions de la sécession d'avec l'Ukraine et de l'intégration à la Russie n'en faisaient qu'une. Et il n'y avait pas de question sur la fédéralisation de l'Ukraine. Elena Balabanova, qui travaille au Centre municipal pour la Jeunesse de Donetsk, voit la population du Donbass divisée en quatre catégories : pro-“Ukraine unifiée,” pro-“Ukraine fédéralisée,” pro-Russie, et pro-indépendance. “A cause de la formulation incorrecte des questions”, dit-elle, “certaines catégories sont absentes de l'étude, comme les “fédéralistes””
Les fédéralistes ukrainiens proposent une république fédérale, avec deux langues d'Etat, le russe et l'ukrainien, une question apparemment essentielle pour de nombreux séparatistes dans la Région du Donbass. Un de ces militants du fédéralisme, Da Dzi, insiste qu'une Ukraine unitaire, telle qu'elle existait ces vingt dernières années, n'est plus possible. Il y a un seul moyen d'éviter de verser le sang et de maintenir une certaine forme d'Ukraine : “La réforme constitutionnelle, la formation d'une Fédération ukrainienne, et la transformation du Sud-Est en république fédérative de Novorossia.”
Un site web biélorusse propose un questionnaire qui paraît réaliser une meilleure distinction entre groupes d'opinion. L'étude est conduite en ligne dans huit régions du Sud-Est ukrainiens. Ses auteurs affirment vérifier chaque adresse IP avant d'autoriser les participants à choisir entre une Ukraine unitaire, la Russie, une république indépendante, et une fédéralisation de l'Ukraine. Le questionnaire attire moins d'habitants de Dniepropetrovsk et des cinq autres régions de la Novorossiya (une dizaine de milliers de votes dans chacune), mais a beaucoup de succès à Donetsk (environ 70.000 votes) et Louhansk (environ 30.000). Il pourrait cependant y avoir un biais de sélection dans ce sondage : la pluralité des votants en ligne a choisi d'intégrer la Russie. La fédéralisation est troisième, loin derrière.