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En Tunisie, une campagne pour réformer une législation anti-cannabis lourdement répressive

Catégories: Afrique du Nord et Moyen-Orient, Tunisie, Cyber-activisme, Jeunesse, Médias citoyens

Les lois anti-cannabis sont très sévères en Tunisie. A la suite de l’arrestation [1] [anglais] de l'activiste et blogueur Azyz Amami, qui militait pour leur abolition, les appels à amender la législation tunisienne sur la consommation de drogues se sont multipliés.

La loi 52 du 18 mai 1992, qui définit les sanctions pour les infractions liées à la drogue, prévoit de un à cinq ans de prison et une amende allant jusqu'à 3.000 dinars (1.350 €) pour toute personne surprise à “consommer ou posséder pour sa consommation personnelle des plantes et produits stupéfiants, dans des conditions non autorisés par la loi.” Le texte impose une peine de prison allant jusqu'à trois ans et une amende maximale de 5.000 dinars (2.250 €) pour “quiconque fréquente délibérément un lieu affecté et aménagé pour l'usage de stupéfiants.”

Selon les récents chiffres des Nations Unies [2] [anglais], plus de la moitié des 13.000 personnes en détention provisoire, et le tiers des 11.000 prisonniers de Tunisie ont été arrêtés pour toxicomanie, notamment sous cannabis.

Ces chiffres alarmants ont poussé un collectif de militants à créer Al Sajin 52 (‘Prisonnier 52′ en référence à la loi 52 de 1998), une action de la société civile cherchant à amender la tristement célèbre loi 52 et à “sauver les générations futures du pays”. L'argument est que cette ‘loi répressive’ ne fait qu'alimenter la surpopulation carcérale sans empêcher le nombre de fumeurs de cannabis de s'accroître.

Ils ont formulé [3] leurs objectifs comme suit :

· AlSAjin 52 vise l’avortement de la sentence d’emprisonnement à l’encontre des consommateurs de stupéfiants, particulièrement ceux du cannabis (ZATLA) régie par cette loi.
· AlSajin 52 ne cherche en aucun cas à encourager la consommation mais est convaincue que la sentence d’un an ou plus de prison, ne donne pas de motivation pour un sevrage dans grand nombre de cas.
· AlSajin 52 essaye par cette initiative de faire comprendre la réalité de cannabis, dans notre société de consommation, voire de surconsommation.

Mi-mars, Al Sajin 52 a demandé dans une lettre ouverte [4] au Premier Ministre Mehdi Jomaa l'ouverture d'un débat national sur la révision de la législation anti-cannabis de la Tunisie.

'Prisoner 52, Let's Reform Law 52 of 18 May 1992' [5]

Le 12 mai, la police a arrêté un des fondateurs du mouvement, le blogueur et activiste Azyz Amami [1] [anglais], ainsi qu'un de ses amis, sur des accusations alléguées de consommation de cannabis.

L'arrestation a provoqué une multiplication des appels à supprimer les peines de prison pour les fumeurs de cannabis, sous les mots-dièse Twitter #loi52 [6] et #A_BAS_LOI52 [7].

Le médecin Zied Mhirsi a tweeté :

La toxicomanie réclame des soins et un traitement, pas la prison #Libérez Azyz

Linda a critiqué les soi-disants représentants démocrates de l'Assemblée Nationale Constituante, unique législature du pays et actuellement seule institution ayant compétence pour amender ou abroger les lois.

La militante des droits humains Amira Yahyaoui a tweeté :

Les personnalités politiques ont réagi.

La députée à l'Assemblée constituante Karima Souid du parti de centre-gauche Al-Massaar a tweeté le 14 mai :

Zeinb Turki du parti centriste Al-Jomhouri affirme :

Le caricaturiste politique anonyme Z écrit [22] :

Le blogueur et activiste Azyz Amami a été arrêté par la police hier soir pour, semble-t-il, consommation de cannabis. Si ce n'était l'exceptionnelle aura de ce personnage et sa notoriété révolutionnaire, peu de gens se seraient bougés pour dénoncer la violence de son arrestation et dénoncer par la-même la scandaleuse loi 52.

Il met en garde que la campagne pour libérer Amami ne doit pas éclipser la nécessité d'abroger la loi 52 :

Cependant il ne faut surtout pas que la campagne en faveur de Azyz ne nous fasse oublier que la priorité consiste à supprimer la loi 52 et à reformuler les outils juridiques concernant la Zatla. Puis surtout, il ne faudrait pas que le soutien à Azyz soit considéré comme le privilège de ceux qui bénéficient de réseaux sociaux et de relais médiatiques.