5 choses à savoir sur le nouveau Premier ministre indien Narendra Modi

Narendra Modi expressing his happiness to voters and the media. Photo by Aviral Mediratta. Copyright Demotix (17/5/2014)

Narendra Modi exprime sa joie devant ses électeurs et les médias. Photo par Aviral Mediratta. Copyright Demotix (17/05/2014)

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Les Indiens ont choisi le parti de Narendra Modi. Le Bharatiya Janata Party (BJP) [en français] a enregistré une victoire historique écrasante, détrônant le Congrès national indien et marquant le retour d’une majorité monopartite.

Modi sera bientôt à la barre de la plus grande démocratie et poumon économique du monde. Il s’est attiré les foudres de nombreuses personnes, dont celles de l’écrivain Salman Rushdie [en français] ainsi que du professeur à l’université d’Harvard Homi Bhabha [en français], entre autres, qui se sont liguées pour publier une déclaration contre sa candidature.

Mais qui est ce leader charismatique, quoique polémique ? Quelles idées défend-t-il ? Plusieurs éléments de sa carrière méritent d’être passés en revue, et pas que des mauvais points.

1. Un personnage controversé en raison de son implication supposée dans les émeutes au Gujarat de 2002

Modi était ministre en chef de l’État du Gujarat lorsque les émeutes ont éclaté [en français] dans la ville de Godhra à la suite de l’incendie d’un train transportant des hindous en provenance d’Ayodhya, cité sacrée du nord de l’Inde. Dans les conflits violents entre hindous et musulmans engendrés par l’incident, 900 à 2000 personnes ont été tuées, de confession musulmane pour la majeure partie.

Modi, nationaliste hindou, aurait exprimé sa satisfaction à l’issue des sombres événements de 2002. Son seul regret, selon le New York Times : ne pas être parvenu à mieux gérer les médias d’information.

Bien qu’il ait été reconnu non coupable par les tribunaux indiens, certains persistent à croire qu’il aurait permis aux émeutes de Gujarat de faire rage. L’officier de police le plus haut placé du service des renseignements du Gujarat prétend que Modi aurait dit aux fonctionnaires que la communauté musulmane avait besoin d’une bonne leçon.

2. Sa politique pourrait avoir une influence positive sur l’économie

La victoire de Modi devrait renforcer le commerce avec les États-Unis et relancer l’économie indienne. Au terme d’une enquête réalisée auprès de 68.500 électeurs avant et après les élections, un groupe de chercheurs provenant de l’université de Pennsylvanie, de la Fondation Carnegie pour la paix internationale et de la Lok Foundation indienne a dressé un bilan révélant que 57 % des sondés avaient qualifié les problèmes économiques comme étant « de la plus grande importance ».

En tant que ministre en chef du Gujarat, Modi a supervisé l’industrialisation rapide de zones autrefois plongées dans la torpeur, un exploit qu’il affirme vouloir reproduire dans d’autres régions de l’Inde. Les réussites successives de Modi dans le Gujarat lui ont permis de peser dans la balance au moment des élections, en faisant valoir le « modèle Gujarat » afin de se distinguer, comme rapporté par le site d’actualités Live Mint.

Si les émeutes de 2002 ont terni sa campagne, son approche économique a contribué à le faire remonter dans l’opinion. Dans une chronique du Financial Times, l’économiste résidant à Singapour Rajeev Malik explique :

Non que l’impair concernant les [émeutes au Gujarat] de 2002 ait été effacé des mémoires ; seulement, l’urgence bien plus actuelle et considérable du bien-être économique a supplanté une ancienne tragédie.

3. Doit faire ses preuves sur les problèmes de la condition féminine

Le rôle de la femme est-il en passe de changer en mieux sous le gouvernement de Modi ? Dans un article pour le Centre hindou pour la politique et la politique publique, Hardeep Dhillon fustige les deux candidats pour leur vision des femmes centrée sur la sécurité, la sûreté et l’éducation. En particulier, Dhillon soutient que Modi perçoit les femmes comme des êtres passifs :

On imagine les femmes comme un groupe uniforme se comportant, pensant et agissant de la même façon, et leurs opinions politiques sont établies avant même qu’elles aient réellement pu émerger dans le paysage politique. Par conséquent, les femmes indiennes sont dépouillées de leur liberté politique, alors que M. Modi se revendique partisan de celle-ci. Il les réduit ainsi à des acteurs politiques passifs, plutôt qu’actifs.

L’auteur a également soulevé des inquiétudes au sujet du contraste entre les fermes condamnations par Modi de la « culture du viol », cette dernière ayant atteint son paroxysme avec l’affaire du viol collectif de New Delhi en 2012, et son silence à propos du traitement des musulmans et des femmes minoritaires au sein de son État. Alors qu’il s’était présenté comme célibataire jusqu’à ce dernier cycle électoral, la rumeur sur sa « femme secrète » amène aussi à s’interroger sur son attitude envers les femmes.

4. Il maintient une posture d’opposition à l’immigration

Au cours de la dernière décennie, un nombre considérable de Bangladeshis ont migré vers l’Inde pour rejoindre leur famille, trouver du travail ou fuir des crises écologiques, entre autres. En réponse à la vague d’immigration, l’Inde a renforcé la sécurité le long de ses frontières avec le Bangladesh et des clôtures en barbelés ont notamment été installées.

Si Modi a carte blanche, il fera reconduire à la frontière tous les Bangladeshis sans-papiers [en français]. Lors de son discours du 28 avril 2014, Modi menace :

Je veux vous prévenir, frères et sœurs prenez-en note, qu’une fois passé le 16 mai, je renverrai ces Bangladeshis de l’autre côté de la frontière avec leurs valises et bagages.

Sur les réseaux sociaux, la réaction suscitée par le discours de Modi a montré que les Indiens l’avait entendu. Le hashtag #deportbangladeshis a été utilisé tant de fois qu’il est devenu un trending topic sur Twitter en Inde pour plusieurs heures.

5. Son ancienne ferveur religieuse pourrait compromettre la laïcité de l’Inde

Dans sa jeunesse, Modi a fait partie du Rashtriya Swayamsevak Sangh (RSS), un mouvement nationaliste hindou conservateur. Aujourd’hui encore, il se revendique comme nationaliste hindou. Mais contrairement à ce qu’il a pu dire dans ses jeunes années aux côtés du RSS, Modi a récemment déclaré qu’il ne croyait pas en la division des électeurs en fonction de leur religion.

Toutefois, pour certains, son élection ne présagerait rien de bon pour l’avancée de la tolérance religieuse. Sunny Hundal écrit dans une tribune pour CNN :

L’Inde connaît actuellement une recrudescence de l’intolérance, attisée par les groupes nationalistes hindous qui ont fait pression pour la censure de livres, intimidé des journalistes et menacé la population pour avoir critiqué ses leaders.

Dans une interview accordée à Scroll.in, le politologue français Christophe Jaffrelot avance :

Le plan A pour Modi est de réussir sur le front économique. Si cela ne marche pas, mettre l’accent sur la vision Hindutva de l’Inde pourrait alors être un plan B important.

Dans The Guardian, l’écrivain indien Pankaj Mishra a dressé une image particulièrement sombre de la situation en déclarant que l’élection de Modi était synonyme d’une « nouvelle phase de turbulences pour le pays », sans doute la plus sombre depuis son indépendance de l’Empire britannique en 1947.

Pour sa part, Modi a maintenu qu’il s’adressait à l’Inde tout entière, sans distinction religieuse :

Mon mantra pour la nation : 1,25 milliard d’Indiens. Hindous, musulmans, chrétiens… Le pays en a assez de toutes ces terminologies. Jeune, pauvre, fermier, village, ville, éducation : voilà quelles seront les nouvelles terminologies.

Seul le temps révélera s’il le pense vraiment.

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