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Coupe du monde : la FIFA peut-elle censurer les revendications dans les stades ?

Catégories: Afrique du Nord et Moyen-Orient, Amérique latine, Belgique, Brésil, Qatar, Droit, Droits humains, Liberté d'expression, Médias citoyens, Politique, Relations internationales, Sport
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A FIFA Banner that says “For the Game. For the World” via Thomas Couto on Flickr – CC License-NC-2.0

Le monde entier le sait : la coupe du monde (de la FIFA) 2014 au Brésil est fort controversée. Il en est de même pour les suivantes. Celle qui devrait avoir lieu au Qatar en 2022 notamment, mais aussi la coupe du monde 2018 en Russie n'a pas que des partisans. Mais rien est noir ou blanc, ni noir et blanc. En ce qui concerne le Qatar, tout un chacun peut citer au moins un argument contre le Qatar comme organisateur. Voici donc un article qui défend la candidature du Qatar [2] pour que chacun puisse se former son opinion. Le président de la fédération de football du Qatar explique ainsi:

Notre candidature l'a emporté non pas parce qu'aucun compte n'a été tenu de ces grandes questions, mais parce que nous avons fourni des réponses convaincantes. Nous avons tiré parti de chaque défi. Nous avons gagné parce que notre dossier de candidature a été considéré comme étant le meilleur.

Mais, à présent, il s'agit du Brésil et de la question : la FIFA peut-elle censurer les revendications dans les stades? Le seul argument qui me vient pour répondre oui est celui que la FIFA ne serait pas une organisation à but social (c'est ce qu'elle a démontré à plus d'une reprise) et qu'elle voudrait se tenir en dehors de tout conflit politique ou social. Mais, d'un autre côté, elle s'engage elle-même contre le racisme.

Alors, pourquoi a-t-elle censuré l'image du jeune Guarani qui a soulevé une banderole avant le match d'ouverture de la coupe du monde ? Ce jeune, Daniel Cohn-Bendit [3]l'a rencontré lors de son voyage à travers le Brésil. Les Guarani, un peuple autochtone brésilien, souffrent de répressions [4]. Et c'est la FIFA qui avait invité elle-même le village guarani à participer à la cérémonie. La FIFA veut donc se montrer tolérante. Elle prétend unifier les populations en faisant monter sur le terrain trois jeunes. Un blanc, un noir et un indigène. Mais seul les spectateurs présents dans le stade ont pu voir la banderole déployée par l'un de ces jeunes. La FIFA veut donc se montrer sociale tout en interdisant à ce peuple de s'exprimer. Elle lutte contre le racisme et pour l'égalité et l'union à travers le football, mais censure cette revendication des Guarani après leur avoir donné une scène. Elle permet que des populations soient délogées, chassées de leur lieu de vie et elle a octroyé l'organisation de la prochaine coupe du monde à un État déjà fort controversé (et selon moi de justesse) lors des derniers JO d'hiver.

La FIFA est donc socialement engagée et restreint en même temps le droit d'expression, voire tolère ou même encourage des comportements antisociaux. Mais pourquoi peut-elle continuer ainsi ? Et bien parce qu'on associe étroitement football et FIFA. Au Brésil, de nombreux manifestants qui dénoncent la “coupe du monde de la FIFA” aiment le football. Ils regardent publiquement les matchs en direct. Moi-même, en ayant appris comment s'est déroulé la préparation de la coupe du monde, je m'étais engagé à ne regarder que les matchs les plus intéressants (éventuellement) et ceux de la Belgique (car lorsque nous participons pour la première fois depuis douze ans, il m'est impossible de ne pas regarder comment évolue notre équipe nationale). Mais, amateur du foot que je suis, je n'ai finalement pas pu m'empêcher de regarder de nombreux matchs. Un boycott de la coupe du monde est donc difficilement imaginable. Ainsi, ni les joueurs qui rêvent de pouvoir disputer une coupe du monde, voire de la remporter dans le meilleur des cas, ni les spectateurs ne boycotteront jamais cette coupe du monde. Et d'ailleurs, les manifestants au Brésil ne sont pas contre la coupe du monde dans leur pays, mais contre les conditions dans lesquelles celle-ci se déroule, contre les mesures imposées par la FIFA et contre les prix qui empêchent la majorité de la population brésilienne d'assister aux matchs dans les stades.

Avec toutes ces idées, j'ai complètement oublié de parler de joueurs comme Afonsinho ou Sócrates. [5] Des joueurs à l'engagement politique. Le lien entre la politique et le football, ou même le sport en général, me paraît très intéressant. Ce qui me semble évident, c'est que, si la FIFA veut vraiment jouer un rôle social, elle doit rester fidèle à cet objectif. Par son comportement actuel, elle perd toute crédibilité. Elle a le pouvoir de faire changer beaucoup, mais elle n'ose pas encore. Ou peut-être est-elle vraiment si corrompue que certains le prétendent et ses membres ont pour seul objectif leur enrichissement personnel ? Si tel était le cas, il serait temps d'agir !