Tout ce qu'il faut savoir sur la répression d'Internet en Russie

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En Russie, le nombre de restrictions imposées sur internet depuis le retour de Vladimir Poutine au Kremlin atteint des sommets. Qu'est-ce qui est proscrit ? Qu'est-ce qui ne l'est pas ? Pour aider les internautes à s'y retrouver dans le cyberespace russe, RuNet Echo a établi une liste chronologique des plus importantes lois de ces deux dernières années concernant l'internet russe. Les lecteurs trouveront des liens vers le texte intégral de chaque loi en russe et des articles de RuNet Echo en français ou anglais décrivant le détail et l'importance de chaque loi.

La loi par laquelle tout a commencé : création de la liste noire du RuNet. 

[Texte intégral en russe. Commentaires de RuNet Echo en français.]

Signée par Poutine le 28 juillet 2012. Cette loi a permis de lancer des mesures de répression contre la liberté de l'internet en Russie. Elle a autorisé la création d'un registre administratif regroupant les sites web au contenu jugé dangereux pour les enfants. Les contenus relatifs à la pornographie enfantine, aux accessoires de consommation de drogues et aux instructions d'automutilation sont considérés illicites. L'agence fédérale de communications de Russie peut ajouter au registre, sans l'aval de la justice, tout site web traitant d'un tel contenu. Les lois suivantes ont permis à la police d'ajouter sur la liste noire d'autres types de sites web en utilisant le système déjà en place.

La « SOPA russe »

[Texte intégral de la loi d’origine en russe. Ebauche de la législation mise à jour. Commentaires de RuNet Echo en français.]

Signée le 2 juillet 2013. Souvent considérée comme la « SOPA russe », cette loi anti-piratage autorise les tribunaux à bloquer les sites web accusés de violation de la propriété intellectuelle. La législation initiale prônait l'application de la loi à toutes sortes de contenus. C'est une version édulcorée qui a finalement atterri sur le bureau de Poutine en juillet 2013. (Le texte de loi final ne concerne que les films piratés.) Cependant, le Parlement russe est prêt à adopter, un peu plus tard dans l'année, un projet de loi qui agrandira son champ d'application à la musique, aux livres numériques et aux logiciels.

Ajouter les actualités à la liste noire

[Texte intégral en russe. Commentaires de RuNet Echo en anglais.]

Signée le 28 décembre 2013. Cette loi confère au Procureur général de Russie le pouvoir extrajudiciaire d'ajouter à la liste noire de RuNet les sites contenant « des appels à la grève, des activités extrémistes, des incitations à la haine raciale et (ou) religieuse, des activités terroristes ou la participation à des manifestations publiques en infraction aux procédures appropriées. » En mars 2014, la police a utilisé cette loi pour bloquer quatre sites majeurs de l'opposition, comprenant trois portails d'information et le blog du plus grand activiste anti-corruption de Russie. Depuis l'adoption de la loi l'année dernière, le Procureur général a mis sur liste noire 191 adresses Web différentes.

La loi qui s'en tire à bon compte : le contrôle des agrégateurs d'actualités

Lors d'un forum public en avril 2014, Poutine a divulgué l'enquête publique sur le statut légal des services d'agrégation d'actualités en ligne comme Yandex News. En mai, un député de la Douma a demandé au Procureur général de Russie de trancher sur le statut de Yandex News, afin de déterminer si l'Etat doit réglementer ce genre de site au même titre que les médias de masse. Début juin, le PDG de Yandex a rejoint Poutine à la tribune d'un forum sur l'entrepreunariat par internet. Les deux hommes ont amicalement échangé sur le potentiel économique du RuNet. Le 1er juillet, les journaux russes ont rapporté la décision du Procureur général de Russie de ne pas considérer les agrégateurs d'actualités comme des médias de masse, réduisant à néant les efforts de la Douma pour imposer de nouvelles régulations à Yandex News et autres sites web similaires.

L'arsenal antiterrorisme ou « la loi sur les blogueurs »

[Texte intégral en russe. Commentaires de RuNet Echo en français.]

Signée le 5 mai 2014. L'arsenal antiterrorisme comprend trois lois distinctes, passées en urgence à la Douma après les attaques terroristes sur la ville de Volgograd en décembre 2013. Deux des lois renforcent la régulation d'internet en mettant en place des restrictions sur les transferts électroniques de fonds (interdisant toute transaction financière avec l'étranger impliquant des acteurs anonymes) ainsi que des exigences considérables sur le contrôle de l'activité des « blogueurs populaires » et la conservation des données sur certains sites web et réseaux en ligne. La « loi sur les blogueurs » prendra effet au 1er août 2014 avec la création d'un nouveau registre visant surtout les médias citoyens avec plus de 3000 personnes d'audience quotidienne. Les blogueurs ajoutés à ce registre seront soumis à une série de nouvelles mesures (contre le language obscène, la diffamation, etc), augmentant leur vulnérabilité face aux sanctions pénales.

Une époque difficile pour les retweets

[Texte intégral en russe. Commentaires de RuNet Echo en anglais.]

Signée le 28 juin 2014. Cette loi autorise le gouvernement à infliger des peines de 5 ans de prison à toute personne rediffusant en ligne des informations extrêmistes. La « loi contre les retweets » codifie une pratique policière déjà existante. Officialiser la ligne d'action pourrait augmenter le nombre des poursuites judiciaires dans le futur.

Un goulag numérique

[Texte intégral en russe. Commentaires de RuNet Echo en anglais.]

Loi adoptée par la Douma le 4 juillet 2014. Cette législation est toujours en attente de l'approbation du Sénat et de la signature de Poutine. En cas d'adoption de la loi, tous les sites web conservant les données d'usagers de nationalité russe devront héberger ces données sur des serveurs situés en Russie. Selon la logique de la législation, les sites web ne seront plus autorisés à conserver les données personnelles des usagers russes en dehors de Russie (le texte de loi actuel reste pourtant vague sur ce point, peut-être à cause des limitations juridiques sur ce que la Russie peut exiger hors de ses frontières). La loi s'applique à toutes sortes de sites web, allant des services de réservation en ligne à Facebook, et concerne n'importe quel site ou service en ligne opérant selon le concept d’ « usagers ».

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