Ces dernières semaines, des militants vietnamiens se sont aperçus qu'il leur était impossible de se connecter à leurs comptes Facebook. Leurs pages avaient été bloquées pour violation des conditions d'utilisation du site alors qu'ils n'avaient apparemment enfreint aucun règlement de Facebook [2].
Selon Angelina Trang Huynh [3], qui n'a temporairement pas pu accéder à son compte ce mois-ci, la coupable est la cyber-armée du gouvernement vietnamien, connue sous le nom de « façonneurs d'opinions » (dư luận viên). Ces façonneurs d'opinion utilisent le système « Signaler un abus » de Facebook [4] pour orchestrer un bombardement de dénonciations [5] qui aurait mené Facebook à bloquer les comptes ciblés.
Avec 25 millions [6] d'utilisateurs vietnamiens, Facebook est le réseau social le plus utilisé du pays. Depuis le décollage de la fréquentation de Facebook en 2009, les autorités n'ont pas réussi à restreindre la croissance explosive du nombre de ses utilisateurs ni à limiter son rôle de plateforme d'expression libre.
Les premières tentatives de blocage de Facebook par les autorités ont échoué et n'ont fait qu'encourager les internautes à apprendre à contourner les blocages et à se perfectionner en méthodes de désobéissance civile [7].
En 2013, Ding Nhat Uy, 30 ans, fut le premier militant arrêté pour ses activités sur Facebook. Il fut reconnu coupable [8] « d'abus des libertés démocratiques » en raison des mises à jour de son statut Facebook, appelant à la libération de son plus jeune frère. Ce dernier avait aussi utilisé les réseaux sociaux pour exprimer son désaccord. L'arrestation de Uy a attiré l'attention générale, sans pour autant modérer l'enthousiasme pour les discussions politiques [9] sur les réseaux sociaux.
Les autorités vietnamiennes semblent avoir abandonné [10] l'idée de bloquer complètement Facebook. L'économie et l'image du pays dépendent de la capacité des autorités à maintenir un semblant d'Internet libre.
Toutefois, avec les « façonneurs d'opinions », il semble que les autorités espèrent étouffer la liberté d'expression [11]. On reproche à cette cyber-armée de créer un climat d'intimidation et de harcèlement, comme le prouve le raz-de-marée de commentaires malsains et vulgaires qu'elle déverse sur les réseaux sociaux.
En signalant à maintes reprises un compte, elles peut facilement déclencher le blocage d'un profil ou d'une page communautaire Facebook publiant des contenu critiques envers le gouvernement de Hanoi, une méthode semblable à une attaque par déni de service (DDoS).
L'utilisateur de Facebook Trinh Huu Long postait une liste de comptes [12] bloqués récemment. Un véritable carnet d'adresses des figures de la communauté militante vietnamienne sur internet.
La police communiste vietnamienne a récemment développé de nouvelles tactiques pour combattre les pages dissidentes sur Facebook : utiliser l'option « signaler un abus » sur Facebook. La police et les « façonneurs d'opinion » créent des milliers de faux signalements dénonçant simultanément différentes pages Facebook de militants, les accusant de répandre des « contenus inappropriés » et des « discours haineux » sur le site.
Pour Angelina Trang Huynh, il faut s'attendre à une contre-attaque des internautes :
Hors ligne, les autorités envoient la police utiliser la force sur des militants pacifiques. En ligne, ils utilisent les « façonneurs d'opinion » pour réduire des internautes au silence. Le gouvernement vietnamien pense-t-il vraiment pouvoir agir ainsi en toute impunité ?