Depuis les manifestations de Gezi, les médias traditionnels turcs ont gagné le sobriquet de “médias pingouins [1]” pour leur relais des messages officiels et leur portrait déformé des contestataires.

Les médias de Turquie décrits comme un pingouin. Shared [2] via un compte Pinterest de Gezi Park.
Quand le premier ministre turc Recep Tayyip Erdoğan s'est déclaré candidat à l'élection présidentielle de 2014, qui aura lieu le 10 août, beaucoup se sont attendus à une deuxième vague de manipulation médiatique. Le début de la course électorale leur a donné raison.
La majorité des médias généraux professionnels en Turquie semble se refuser à publier des articles sur les autres candidats. Les rassemblements en faveur des deux candidats d'opposition Ekmeleddin İhsanoğlu [3] et Selahattin Demirtaş [4], que personne n'imagine menacer Erdoğan, attirent généralement une poignée de journalistes, à comparer avec les hordes qui assistent aux réunions publiques d'Erdoğan ou accompagnent ses visites de travail à travers le pays.
Ce sont les meetings d'Erdoğan qui font les grands titres, guère différents d'un organe de presse à l'autre :
Cover of nine “different” media outlets in Turkey. Emotional, soppy headlines about Erdogan IST rally. MT @UOzkirimli [5]pic.twitter.com/LmDVFM8x6r [6]
— Zeynep Tufekci (@zeynep) August 4, 2014 [7]
La couverture de neuf “différents” organes de presse en Turquie. Titres émotionnels, cucul sur le meeting d'Erdogan à Istanbul. MT
Le biais est encore plus éclatant sur la Télévision d'Etat turque (TRT).
Le tableau ci-dessous montre que TRT et ses chaînes-soeurs consacrent six fois plus de temps à Erdoğan qu'à l'un de ses deux opposants, Selahattin Demirtaş. Demirtaş a réservé ses reproches au responsable de TRT İbrahim Şahin, l'avertissant : “Quand je serai président, je vous mettrai à la porte.” Şahin de répliquer [8]: “Si vous continuer à parler ainsi, je cesserai de vous diffuser.”
Si la réaction de Şahin a provoqué un débat politique sur l'absence d'objectivité dans les médias, le vice-premier ministre Bülent Arınç a volé [9]à son secours : “Bien sûr que TRT va se concentrer sur Erdoğan [au lieu des autres candidats]. Il est le premier ministre. [Et eux,] qui sont-ils ?”

Capture d'écran d'un relevé d'une semaine des chaînes TRT Haber (TRT Info) pour les émissions relatives aux trois candidats à la présidentelle.
Ces dernières années, un nombre croissant de journalistes a accusé Erdoğan et les sympathisants de son parti AKP (de la Justice) de diaboliser les médias indépendants :
PM Erdogan says @TheEconomist [10]‘s Turkey correspondent @amberinzaman [11] is “a militant pretending to be a journalist”. Crowd boos her. #Turkey [12]
— Zeynep Tufekci (@zeynep) August 7, 2014 [13]
Le Premier Ministre Erdogan dit que la correspondante en Turquie de The Economist @amberinzanam est “une militante qui se prétend journaliste”. Tout le monde la hue.
Les critiques d'Erdoğan disent que le premier ministre turc lui-même ignore de plus en plus les invitations à s'exprimer devant les télévisions indépendantes, et préfère rayonner dans le traitement amical et les séances de questions-réponses toutes faites que lui organisent les chaînes alignées sur lui.
Le tweet suivant moque la confortable proximité entre le présentateur du journal télévisé de NTV Oğuz Haksever [14] et M. Erdoğan :
Oğuz AKsever sorusuyla Erdoğan'ın elindeki kitabın TEK işaretli sayfasını buldu. Afedersiniz İnanılmaz… pic.twitter.com/hTrUfawQCM [15]
— zaytung (@zay_tung) August 5, 2014 [16]
Oğuz Haksever a trouvé un signet à la bonne page du livre d'Erdoğan avec sa question.
Dans ce climat médiatique rebutant, des organes satiriques à large audience en ligne comme Zaytung [17] ont élargi leur lectorat. Ici Zaytung tweete :
Seçime 3 adayın girdiğini öğrenen TRT izleyicisi şokta…
— zaytung (@zay_tung) 4 Août 2014 [18]
Les téléspectateurs de TRT ont été choqués de découvrir qu'il y a trois candidats à l'élection.
M. Erdoğan ne trouve pas grâce dans les médias internationaux. Ainsi, le dernier numéro [19] du podcast de la semaine de l'Economist donne la parole à la correspondante du magazine en Turquie Amberin Zaman et à ses inquiétudes sur l'autoritarisme rampant dans le pays. Le journaliste russe Leonid Berchidsky, pendant ce temps, écrit qu'Erdoğan “se poutinise” de plus en plus :
Comme Poutine, Erdogan se méfie des réseaux sociaux, est convaincu que ses opposants sont des traites et invoque les menaces extérieures pour renforcer sa popularité à domicile.