En Egypte, les “Brigades armées Helwan” dynamitent dans une vidéo la violence d'Etat et le “pacifisme” des Frères musulmans

Screenshot of the “The Hilwan Brigades” video.

Capture d'écran de la vidéo des “Brigades Helwan”.

Un an après la sanglante répression contre les manifestants opposés au renversement du premier président égyptien démocratiquement élu Mohamed Morsi, au prix de centaines de morts, un détachement du nom de Brigades Helwan a annoncé dans une vidéo sur Tube prendre les armes pour riposter à la violence.

Sur la vidéo, une douzaine d'hommes cagoulés brandissant des mitraillettes disent renoncer à ce qu'ils appellent le “pacifisme de la Confrérie [des Frères musulmans].” M. Morsi, un cadre dirigeant des Frères musulmans, a été déposé le 3 juillet 2013 par un coup d'Etat militaire mené par le chef des forces armées égyptiennes, Abdel Fattah El Sissi, devenu par la suite lui-même président. 

Ce renvoi a été accueilli par des manifestations des membres et partisans des Frères musulmans. Le régime actuel a qualifié la Confrérie d'organisation terroriste et l'accuse d'attentats contre la police et les gens ordinaires. La confrérie ainsi que l'Alliance nationale pour le soutien à la légitimité — le mouvement politique qui appelle au retour de M. Morsi — ont nié les accusations et assurent ne défendre que les actions pacifiques de protestation. 

Le 14 août 2013, les forces de sécurité égyptienne ont ouvert le feu sur les protestataires qui occupaient la place Rabaa Al Adawiya au Caire pour protester contre le coup d'Etat, et tué plus de 800 personnes. D'autres rassemblements ont été matés dans le sang sur les places Nahda et Ramsis, devant le Club de la Garde Républicaine et à divers autres endroits du pays.

La ville de Helwan au sud du Caire a connu des affrontements entre pro-Morsi et forces de sécurité devant un commissariat de police local juste après le massacre de Rabaa. Le quartier a aussi vu des affrontements lors du premier anniversaire du massacre. Au moins 10 manifestants ont été tués dans les heurts qui ont éclaté à travers le pays lors des anniversaires des massacres des places Rabaa et Ramsis.  

Un des hommes masqués de la vidéo évoque les tueries :

“Il y a eu des massacres à Rabaa et Nahda, au [club] de la Garde Républicaine, et au Mémorial [de l'ancien Président Anouar El Sadate], et nous avons été pacifiques avec le [Ministère] de l'Intérieur et l'armée, et avons dit que ce serait pacifique. Et nous avons payé de notre sang ce que nous avons payé [. . .] jusqu'à ce que nous soyons gavés du pacifisme de la Confrérie. Nous ne sommes pas la Cofrérie et nous avons été gavés par leur pacifisme dans les manifestations et tout ça [. . .] Alors ceci est un avertissement au [Ministère] de l'Intérieur dans la partie sud du Caire. Le Caire Sud, c'est sous notre contrôle. A tous ses arrondissements et commissariats de police : Vous êtes visés pour tout ce que vous nous avez fait.”

La première riposte officielle à la vidéo est venue du Ministère de l'Intérieur, d'après le quotidien étatique Al-Ahram. Le ministère a formé un groupe de travail pour déterminer la localisation du groupe.

La vidéo et le moment choisi, coïncidant avec l'anniversaire des répressions, ont suscité le doute parmi les révolutionnaires et les utilisateurs de réseaux égyptiens. Beaucoup ont conclu que le groupe n'existait pas et que c'est le ministère de l'Intérieur qui a enregistré la vidéo pour en faire un prétexte à de nouvelles répressions violentes contre les opposants et militants anti-gouvernement.

Dans un billet sur Facebook, le militant politique et ex-député Mostafa Alnagar a qualifié la vidéo de “risible” et décrit les termes utilisés comme “n'appartenant ni à des extrémistes, ni à des terroristes, ni même à des pacifistes qui se seraient tournés vers l'action armée.” Il poursuit :

عموما الفترة المقبلة ستكشف لنا حقائق الأمور إذا فكرنا بالمنطق والموضوعية والبحث عن المستفيد !

Les prochains jours révèleront la vérité de cette affaire si nous raisonnons de façon logique et objective et recherchons à qui cela profite !

Son scepticisme à propos de cette vidéo, le blogueur militant Ibrahim Elgarhi, suivi par plus de 290.000 abonnés sur Twitter, l'exprime de façon sarcastique dans un billet de son blog. Il écrit :

متفائل بالتجربة الجديدة بتاعة كتائب حلوان المسلحة اللي اعلنت بيانها الأول على يوتيوب امبارح .. واذا كان ليا تعليق عليها فهو بس يعني لو يسمحولي ان الاسم مش حلو اوي.. يعني انا حسيت انه اسم جزئي كدة ومش شامل لعموم مصر ولا لعموم الأمة الإسلامية.. بس انا متفهم انها مجرد بداية وان شاء الله هتوسع وتكبر بس كنت افضل ان البداية تبقى تحت اسم “داحب” اللي هي الدولة الإسلامية بحلوان وبس

Je suis optimiste sur la nouvelle expérience des Brigades armées de Helwan annoncées dans leur première déclaration sur YouTube hier. Une seule remarque cependant s'ils me permettent. Le nom n'est pas très heureux. C'est-à-dire, j'ai trouvé que le nom est sectoriel et pas représentatif de l'ensemble de I'Egypte ou du monde musulman. J'ai bien saisi que ce n'est qu'un début, et si Dieu le veut, [le groupe] s'étendra et grandira, mais j'aurais souhaité que pour commencer il prenne le nom d'EIHS, ou Etat Islamique de Helwan Seulement.

D'autres ont supposé qu'il s'agissait seulement d'une création du Ministère de l'Intérieur pour disposer d'un bouc émissaire. L'essayiste Wael Kandil, qui a plus de 400.000 abonnés sur Twitter, a écrit :

Celui qui a fait le Black Bloc fait les Brigades Helwan ; le scénariste failli.

Le Black Bloc a été un groupe actif pendant la présidence Morsi. Son activité consistait à interrompre la circulation et les transports publics et attaquer le siège des Frères musulmans et des bâtiments administratifs. Il se tient tranquille depuis la chute de Morsi l'année dernière. Certains en ont déduit qu'ils étaient un instrument du Ministère de l'Intérieur pour perturber le mandat de M. Morsi.

L'Alliance nationale pour le soutien de la légitimité et le rejet du coup d'Etat a publié sur sa page Facebook une déclaration réitérant “son ferme refus de tous appels ou affichages en vue d'armer la révolution, de même que de toutes justifications pour de tels appels ou affichages.” Elle tient les dirigeants actuels “dont les tirs traitreusement indiscriminés ont atteint des gens dans leurs domiciles et magasins, allumant la colère dans un peuple libre”, responsables de “tout dévoiement des principes du mouvement.”

Plus d'un an après le massacre de Rabaa la contestation se poursuit, malgré la dispersion violente et les arrestations massives des opposants. Certains croient qu'une vengeance violente contre le système est inéluctable. Comme l'a tweeté récemment le correspondant du Guardian en Egypte Patrick Kingsley, “la violence engendre la violence.”

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