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Des cinéastes inuit parlent de leurs traditions dans le petit hameau canadien d'Arviat

Catégories: Canada, Médias citoyens, Peuples indigènes, Rising Voices
The shore of Arviat. Photo by Paul Aningat (CC BY-NC-ND 2.0) [1]

Le rivage d'Arviat. Photo de Paul Aningat (CC BY-NC-ND 2.0)

[Sauf indication contraire, les liens dirigent vers des pages en anglais]

Pensez seulement à ce que la prochaine génération va pouvoir faire…”

Ces sages paroles nous sont transmises par Mark Kalluak [2], inuit âgé, maintenant décédé, en s'émerveillant des possibilités données aux jeunes d'Arviat par les technologies numériques. Arviat se situe sur la côte ouest de la baie d'Hudson, sur le territoire de Nunavut [3] [fr] au Canada. Kalluak a passé une bonne partie de sa vie à transmettre les connaissances inuit traditionnelles aux générations futures en créant des programmes éducatifs.

Kalluak a aussi fait l'objet d'un court métrage du réalisateur Eric Anoee, Jr, habitant de longue date d'Arviat et l'un des fondateurs de l’ Arviat Film Society [4]. Le collectif s'est approprié la technologie de la vidéo numérique pour créer des films documentaires sur la langue et la culture inuit, l'illustration même de ce que Kulluak a toujours défendu avant son  décès.

Sur cette vidéo [5] dont le titre est “Tunngavik & Uqaujjiji”, Kalluak nous fait part de ses réflexions sur le fait d'être un chef et un conseiller pour sa communauté et nous explique son rôle à l'aide d'outils inuit, le ulu [6] [fr] et le couteau à neige. [7]

Depuis 2010, la Film Society fait appel aux jeunes qui habitent la communauté Inuit [8] [fr] d’Arviat [9]. Grâce à une formation et un tutorat en vidéo, la Film Society espère faire émerger une nouvelle génération de vidéastes en insistant  sur les opportunités d'avancement professionnel. La plupart des sujets traités par les vidéastes sont en lien direct avec la vie traditionnelle et les coutumes, et sont un moyen de faire partager leur culture à un public local et global.

La Film Society s'est aussi récemment rapprochée de Isuma TV afin de créer une station de télévision locale [10] qui participe à la diffusion de ses oeuvres.

Rising Voices a récemment interrogé Anoee pour savoir pourquoi il avait choisi de faire des vidéos sur sa communauté et ce qu'il en attendait.

Rising Voices (RV): Qu'est-ce qui vous a incité à faire des vidéos ?

Eric Anoee, Jr. (EA): il y a de bons metteurs en scène au Nunavut, comme Zacharias Kunuk qui m'a aidé à comprendre que les inuits peuvent être de bons metteurs en scène et que l'on peut faire des films en langue inuit. Les producteurs de la Société Audiovisuelle Inuit, et Peter Tapatai par exemple, m'ont donné confiance en moi, quand j'étais plus jeune, et m'ont encouragé à faire des films d'un côté ou de l'autre de la caméra.

Mon frère m'a aussi montré un caméscope qu'il avait, quand j'étais jeune, et m'a initié aux différentes étapes de la fabrication d'un film, de la préparation d'une prise de vue à la révision des rushes, jusqu'à la projection de son travail à la famille.

Les plus âgés sont ceux qui m'ont le plus apporté car ils m'ont encouragé à poursuivre mon travail en me disant que ce travail est important. Ils m'ont dit qu'ils ne seraient pas toujours là et que leurs connaissances se perdront si l'on n'en parle pas et si on ne les partage pas dans des films. Les aînés m'ont donné la volonté de continuer à faire des films.

RV: quelles ont été les difficultés à surmonter pour faire des vidéos ?

EA: le plus difficile a été d'être bon techniquement pour faire passer mes idées dans le tournage. Il faut dire aussi qu'il n'y a pas beaucoup de cinéastes passionnés dans le nord qui partagent mon intérêt, mais c'est en train de changer grâce à la jeunesse locale qui commence à s'y intéresser. De plus, gagner sa vie en tant que cinéaste est très difficile pour quelqu'un qui débute, qui n'est pas très connu et qui n'a pas beaucoup d'expérience et de relations dans le milieu de l'audiovisuel.

RV: qu'est-ce qui vous a apporté le plus en faisant des vidéos?

EA: l'un des aspects les plus valorisants est de partager son travail avec d'autres au sein de la communauté. Inciter les jeunes à faire des films et voir le résultat de leur travail est aussi un aspect valorisant, particulièrement pour quelqu'un d'engagé dans ce domaine. Dans mon travail quotidien j'ai aussi la chance d'aider à la production de matériel pédagogique pour le cinéma et mes contributions sont utilisées dans les écoles de Nunavut. Un autre point positif c'est qu'en étant cinéaste on a la chance d'apprendre continuellement et de s'améliorer et on prend conscience de l'importance de son travail.

La vidéo [11] suivante produite par Anoe analyse le travail d'une équipe de sauveteurs. Dans ce passage, Anoee interroge Daniel Alareak qui parle des outils qu'ils utilisent pour leur travail.

RV: quel message espérez-vous transmettre grâce à vos vidéos?

EA: ils sont nombreux. Parmi eux, l'importance d'être fier de son identité et de sa culture. J'espère aussi que le cinéma peut être une façon de mettre en avant et de faire prendre conscience de notre culture et de notre langue qui sont en train de s'éteindre face aux agressions externes des médias et de la TV modernes.

RV: Quel conseil donneriez-vous aux futurs réalisateurs de vidéos ?

EA: Un conseil que je peux donner aux apprentis réalisateurs de vidéo c'est de faire des films aussi souvent que possible, de ne pas manquer une occasion de filmer, pour progresser et s'affirmer comme cinéastes. La vidéo est une sorte de loisir, une éducation et une façon de présenter ses récits aux autres. Il n'est pas grave de se tromper et c'est souvent la meilleure façon d'apprendre. Soyez persévérant et parlez-en autour de vous, montrez votre travail et soyez attentifs aux remarques, bonnes ou mauvaises. Utilisez internet pour vous faire aider et apprendre en ligne; il y a énormément de sites qui peuvent vous intéresser et vous donner des idées pour faire de bons films et toujours apprendre et s'améliorer. Internet est aussi la meilleure façon de diffuser son travail.