L'officier ukrainien qui tweete depuis le front dans le Donbass

Sergei Misyura, an officer in the Ukrainian Army. (image courtesy of Sergei Misyura)

Sergueï Missioura, un officier de l'armée ukrainienne Army. (photo communiquée par Sergueï Missioura)

Cet article fait partie d'un panorama réalisé par RuNet Echo de la blogosphère russophone d'Ukraine orientale. Trouvez d'autres portraits sur la page Eastern Ukraine Unfiltered [en anglais, certains articles traduits en français].

Comme beaucoup des journalistes-citoyens présentés dans cette série, Sergueï Missioura est d'abord venu au blogging et aux médias sociaux par un thème totalement apolitique : les téléphones mobiles. Cela a changé l'an dernier quand le conflit en Ukraine orientale a englouti la blogosphère ukrainienne—et l'existence de Sergueï avec.

Начинал я вести свой твиттер еще в 2010 году, начинал вести блог о смартфонах Nokia в основном. Но и другие гаджеты стороной не обходил, при этом уже в то время я был офицером украинской армии.

J'ai commencé à tenir un compte Twitter en 2010, et [aussi] commencé à tenir un blog essentiellement sur les smartphones Nokia. Sans négliger d'autres gadgets, de plus à l'époque j'étais officier de l'armée ukrainienne.

Missioura, dont le compte Twitter @SPaWN_ua compte plus de 15.000 abonnés, a passé quatre mois avec la 72ème brigade de l'armée ukrainienne à combattre dans l’ ‘opération anti-terroriste’ (AOT) dans la région de Louhansk, et fourni à ses lecteurs un aperçu direct sur le déroulement de la guerre.

Déjà deux jours de combats devant Krasnodon. On ne peut pas y aller en bataillon, il faut une opération conjointe, peut-être de différentes brigades. Ça va être difficile.

Voici le matin. Contre tous les pronostics, la nuit a été ordinaire, tirs constants avec les missiles anti-chars et deux barrages de GRAD. Il y a des pertes…

A la question s'il était difficile d'informer en temps de guerre, Missioura répond que la logistique et autres problèmes ont certainement pesé, mais qu'il estimait nécessaire de fournir de l'information aux Ukrainiens chez eux.

В первые два месяца вообще не тяжело, ведь войска использовались только для несения службы на блок-постах. А дальше, в Луганской области начались боевые действия, обстрелы… Было тяжело, но после выполнения задач, я считал своим долгом писать о происходящем вокруг. Да и многим украинцам интересно мнение офицера именно с полей, который своими глазами видит и чувствует своей шкурой, что же на самом деле происходит в АТО, а не как это показывают по ТВ или пишут на сайтах, в газетах.

Les deux premiers mois ça n'était pas difficile du tout, car nos troupes n'étaient utilisées que pour tenir les postes de contrôle. Puis les activités militaires, les tirs, ont commencé dans l'oblast de Louhansk… C'était difficile, mais après avoir rempli mes tâches, j'estimais de mon devoir d'écrire sur ce qui se passait autour de moi. Et bien sûr, beaucoup d'Ukrainiens préféraient les avis d'un officier sur le terrain qui voit de ses yeux et sent sur sa peau ce qui se passe réellement dans l'OAT, à ce que montre la télé ou écrivent les sites web et les journaux.

A un moment il a même dû se résoudre à dicter les messages par téléphone à sa femme chez lui.

Самый тяжелый период был после поломки моего смартфона, отсутствия интернета и постоянных обстрелов с територии РФ. В таком случае с моего аккаунта писала моя жена @vetochka0505 после телефонного разговора со мной.

La période la plus difficile a été quand mon smartphone a été en panne, en l'absence d'internet et avec une canonnade constante depuis le territoire russe. Dans ce cas mon compte était mis à jour par ma femme, @vetochka0505 après des conversations téléphoniques avec moi.

A l'instar de @ExileUA, qui tweete depuis Sloviansk, Missioura estime que sa mission est d'éclairer un conflit qu'à ses yeux les journalistes russes ne veulent pas et les journalistes ukrainiens ne peuvent pas montrer au monde.

Русские журналисты работают с террористами, и они вообще не придерживаются принципам журналистики. Постоянное искривление реальности и правды это их конек. В то же время украинские журналисты очень вяло и мало освещают действия на Востоке Украины. Тут может быть две причины: очень высокий риск получить ранение или того хуже, а вторая—им просто никто не дает доступ для проведения своей работы. По этому такие аккаунты и моя работа на передовой является ценной. Я могу рассказывать и освещать те действия, где украинские журналисты безсильны.

Les journalistes russes travaillent avec les terroristes, et ne suivent pas du tout les principes du journalisme. La déformation permanente de la réalité et de la vérité est leur marotte. En même temps, les journalistes ukrainiens ne couvrent que peu et mollement les événements dans l'Est de l'Ukraine. Deux raisons possibles à cela : le risque très élevé de prendre une blessure ou pire et deuxièmement—personne ne leur donne l'accès pour faire leur travail. C'est pourquoi les comptes comme le mien et mon travail à l'avant-garde sont précieux. Je peux raconter et couvrir ces événements là où les journalistes ukrainiens sont impuissants.

Missioura dit ne jamais rien écrire qui “soit secret, ou puisse être utilisé contre [lui], [ses] proches ou [ses] hommes.” Mais il reconnaît que l'armée ukrainienne (à la différence, par exemple, de l’armée américaine) n'a pas de réglement sur les sujets que les militaires en service peuvent aborder en ligne, autre que “la loi sur les secrets d'Etat.” La guerre du Donbass est peut-être la première dans laquelle les réseaux sociaux et les blogs des combattants ont joué un rôle aussi important, avec les dénégations de la Russie de toute implication dans le conflit souvent contredites par les comptes de médias sociaux de ses propres soldats. On a souvent dit de la guerre du Vietnam qu'elle était la première guerre ‘télévisée’. Et si la guerre en Ukraine était la première guerre tweetée en direct ? 

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