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Le Président d'Azerbaïdjan ne comprend pas Twitter. Et encore moins l'Azerbaïdjan.

Catégories: Asie Centrale et Caucase, Azerbaïdjan, Droits humains, Gouvernance, Guerre/Conflit, Humour, Liberté d'expression, Médias citoyens

aliyev twitter

[Billet d'origine publié en anglais le 30 août. Liens en anglais] Peu importe ce sur quoi le Président d’Azerbaïdjan Ilham Aliyev tweete, ça ne concerne certainement pas son pays.

En Azerbaïdjan, des innocents sont jetés en prison [1] sous de fausses accusations. La corruption est telle que l’Organized Crime and Corruption Reporting project a nommé [2] Aliyev Personne de l’Année en 2012. Le moral de la population est au plus bas et vit dans une peur constante, tandis que le régime actuel truque chaque élection, qu’il remporte inlassablement [3]. Ses relations avec ses voisins ne sont pas non plus au beau fixe : le conflit [4] qui l’oppose à l’Arménie depuis plus de deux décennies n’est pas prêt de se résoudre.

Mais un homme voit l’Azerbaïdjan sous un autre angle. Ilham Aliyev, qui a hérité son statut de chef de l’Etat de son père Heydar Aliyev, ne pense pas seulement que l’Azerbaïdjan va bien, mais également qu’il gagne sur tous les fronts – politique, économique, et surtout militaire. Pour partager ses sentiments, le Président s’est installé sur Twitter, sous le nom @presidentaz [5]. Pour tous ceux qui connaissent la vie en Azerbaïdjan, les déclarations présidentielles sont amèrement ironiques, et parfois tristement amusantes.

Aliyev Putin

“J'ai son mot de passe Twitter. On va rire” Un utilisateur de Twitter imagine ce que le Président russe Vladimir Poutine souffle à l'oreille du Président arménien Serge Sargsyan.

Les personnes en charge du compte Twitter du Président Aliyev semblent avoir une faible connaissance de la plateforme et de son objectif. Les tweets présidentiels se terminent ainsi souvent par (cont) [6] et un lien vers l’application “Twit longer” [7] (qui permet de ne plus être limité par le nombre de caractères), annihilant plus ou moins la raison d’être de Twitter. Dans le reste du monde post-soviétique, les dirigeants autoritaires [8] ont compris [9] que le succès résidait dans la brièveté. Mais les tweets d’Aliyev se lisent davantage comme un long discours [10] régulièrement interrompu par une exaspérante limitation à 140 caractères. Ecrits dans un anglais approximatif, ils semblent en outre se contredire. 

Mais plus problématique encore, ils ne sont qu’un assemblage de contre-vérités.

L’Azerbaïdjan est probablement le pays le plus libre du monde

L’un des sujets favoris d’Aliyev concerne la liberté dont jouirait l’Azerbaïdjan. Abondamment, semble-t-il :

La liberté de réunion est pleinement garantie dans notre pays. La liberté de religion est également pleinement assurée dans notre pays.

L’organisation pour la liberté religieuse Forum 18 réfute [12] ces propos: “ la liberté de religion ou de croyance, et celles relatives aux droits humains tels que la liberté d’expression et de réunion demeurent hautement limitées » en Azerbaïdjan.

Nous fournissons de nombreux efforts en faveur de la démocratie, de l’Etat de droit, et pour garantir les libertés fondamentales.

La répression actuelle [14] en Azerbaïdjan dessine un portrait pourtant bien différent.

Nous défendons la liberté de la presse car il s’agit d’un symbole de la démocratie. Les médias aident (cont)

Les critiques d’Aliyev affirment que la direction du pays veille à ce qu’elle n'apparaisse pas dans les médias. Les soi-disant « liens entre le gouvernement et la société » se présentent sous la forme de spectacles bon marché sur les fréquentations, le mariage, et de reportages marquant peu de respect pour le journalisme.

Reporters Sans Frontières a classé [17] [français] l’Azerbaïdjan à la 160ème place sur 180 pays, lors de son classement mondial 2014.

Nous aimons la paix mais nous sommes toujours prêts pour la guerre. Toujours.

Seule la politique pacifique de l’état azerbaïdjanais est un garant de la stabilité dans la région.

Il est difficile de dire de quelle stabilité parle @presidentaz et ce qu’il entend par « région ». Le conflit avec l’Arménie concernant le Haut-Karabagh couvait bien avant l’indépendance [19], explosant parfois en de sporadiques combats au long de la frontière entre les deux pays.

Début août, @presidentaz attirait [20] l’attention des médias du monde entier en menaçant de redéclencher une guerre avec l’Arménie, après la mort de plusieurs soldats azéris sur le territoire disputé entre les deux pays.

La guerre n’est pas terminée. Nous n’en sommes qu’à la première étape. Mais la seconde devrait bientôt commencer.

Tout comme nous avons battu les Arméniens sur les fronts politique et économique, nous pouvons aussi les vaincre sur le champ de bataille.

Nous restaurerons toutes les villes occupées et détruites. Nous reviendrons sur notre terre, nous vivons et continuerons de vivre avec ce projet en tête.

Nous restaurerons notre souveraineté. Le drapeau d’Azerbaïdjan flottera sur tous les territoires occupés, dont Choucha et Khankandi.

Notre position est basée sur la justice et le droit international. Notre position exemplaire nous a apporté davantage de respect dans la région et le monde

Un modèle mondial

Alors que le pays se développe, @presidentaz estime [10] que « la réputation de l’Azerbaïdjan s’améliore constamment ». En fait, son gouvernement se porte si bien qu’il pourrait être une source d’inspiration pour les autres Etats.

Dans la lutte contre la corruption [26] :

L’Azerbaïdjan a complètement éliminé la corruption et assure la transparence dans la fourniture de (cont)

« Collecter de l’argent » : [29]

S’il n’y avait pas eu de transparence, nous n’aurions pas collecté autant d’argent.

Fournir des logements : [31]

D’ici la fin de l’année, 500 appartements auront été alloués.

Et assurer l’égalité entre tous :  [33]

La répartition équitable de la richesse nationale est l’un des plus grands accomplissements de notre pays. En effet, le (cont)

Enfin, si tout cela semble relever de la fantaisie, @presidentaz rappelle aux lecteurs :

Nos mots ne diffèrent jamais de nos actions.

(à suivre) @presidentaz [5]….