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Un ancien parlementaire égyptien propose un plan de réconciliation nationale, mal accueilli

Catégories: Afrique du Nord et Moyen-Orient, Egypte, Médias citoyens, Politique
Supporters of Egypt's ousted President Mohammed Morsi pray outside Rabaah al-Adawiya mosque. [1]

Le 20 juillet 2013, les partisans du président egyptien renversé Mohammed Morsi prient devant la mosquée Rabaah al-Adawiya dans Nasr City au Caire, où des contestataires ont installé un camp et tenu des meetings quotidiens. Une répression brutale du rassemblement, dans le mois qui a suivi, a provoqué la mort de plusieurs centaines de personnes. Photo Volpi Francesca. Copyright Demotix.

[Sauf mention contraire tous les liens contenus dans cet article renvoient à des pages en anglais]

Quelques jours après sa sortie de prison, l'ancien parlementaire et partisan des Frères Musulmans Mohamed ElOmda a présenté une initiative visant à résoudre le conflit politique que connait actuellement l'Egypte.

ElOmda a annoncé cette initiative en sept points pour apporter une solution à la crise politique qui dure maintenant depuis un an et s'est aggravée quand le premier président démocratiquement élu, Mohamed Morsi, a été évincé du pouvoir par le président actuel, et ancien ministre de la Défense, Abdelfattah El Sisi.

Le plan d'ElOmda appelle d'un côté le gouvernement à légaliser les Frères Musulmans et à lever l’interdiction des activités du mouvement – et de l'autre, les Frères Musulmans et leurs soutiens à accepter le mandat de Sisi en tant que mandat de transition. Ce plan inclut également des modifications de la controversée loi sur les élections législatives [2], une annulation ou un amendement de la loi très discutée sur les manifestations [3], et que justice soit faite pour ceux tués depuis le début de la révolution en 2011.

Les Frères Musulmans, mouvement politique islamiste, avaient remporté deux élections, présidentielles et législatives, organisées suite à la chute du président Hosni Moubarak pendant la révolution du 25 janvier 2011. Les Frères ont ensuite été classés dans la catégorie des mouvements terroristes [4] par le régime actuel, mis en place après que Morsi ait été déposé. Malgré les accusations, le mouvement nie [5] avoir pris part à quelque acte de violence ou de terrorisme que ce soit.

Par ailleurs, deux lois ratifiées sous le mandat du président par intérim Adly Mansour, ont provoqué une controverse même au sein des groupes qui ont soutenu l'éviction de Morsi [6]: la loi sur les manifestations et la loi sur les élections législatives. Parmi les points contestés de la loi sur les manifestations, un article qui rend obligatoire la communication, par les organisateurs de toute manifestation, des informations suivantes à la police [3]:

1. Le lieu de la réunion publique ou l'itinéraire de la marche ou de la manifestation.

2. Les horaires de début et de fin de la réunion publique, de la marche ou de la manifestation.

3. Le sujet de la réunion publique, de la marche ou de la manifestation, son but, ses demandes et les slogans utilisés par ses participants.

4.Les noms des individus ou groupes organisant la réunion publique, la marche ou la manifestation, leur description, leur domiciliation et leurs coordonnées.

La loi prévoit également que les organisateurs notifient à la police la tenue de leur manifestation au moins trois jours à l'avance, et elle prévoit des amendes d'entre 10 000 et 30 000 livres égyptiennes (soit entre 1 400 et 4 200 dollars).

Les détracteurs de la loi en vigueur sur l'organisation et la régulation des élections législatives estiment quant à eux que cette loi “va recréer le même environnement politique qui avait permis au parti désormais dissous de Hosni Moubarak, le Parti National Démocratique, de contrôler seul le pouvoir” [6]

ElOmda avait été arrêté l’année dernière [7] avec plusieurs autres partisans de l'ex-president Morsi suite à la violente dispersion du sit-in de Rabaa par les forces de sécurité, dispersion qui avait fait des centaines de morts [8]. ElOmda a été relâché il y a quelques semaines. [9]

Sa proposition de réforme a été accueillie avec scepticisme et par de nombreuses critiques de la part des deux camps actuellement opposés.

L'ex-parlementaire et opposant aux Frères Musulmans Mohamed Abou Hamed, un soutien du régime actuel, a tweeté:

Les apparitions de Mohamed ElOmda dans les médias et ses propositions représentent une insulte au peuple et au sang versé par les martyrs, il promeut le terrorisme et la trahison et doit immédiatement arrêter.

Mazhar Shaheen, un prêcheur musulman et opposant déclaré aux Frères Musulmans, a partagé sur Twitter une vidéo en expliquant:

Je crois que le bon endroit pour ces initiatives est la poubelle.

Les opposants au régime actuel ont également rejeté la proposition d'ElOmda.

L'avocat égyptien Montaser Elayat, connu pour avoir défendu dans plusieurs affaires des mouvements islamistes, en Egypte et ailleurs, a répondu à la proposition d'ElOmda par un communiqué de presse [13] félicitant ce dernier pour sa libération avant de poursuivre :

أن المبادرات الاعلامية تمثل دخان في الهواء لا تعبر عن طرف من الأطراف المتصارعة داخل معسكرين رئيسيين بل وحيدين نظام جبري ومعارضوه

Ces initiatives de “salut public” ne sont que de la fumée et ne représentent aucune des parties en présence, des deux camps isolés: un régime tyrannique et son opposition.

L’écrivain, historien, et activiste Mohamed Elgawady a lui tweeté:

L'initiative d'ElOmda en un mot: absurde. En deux mots: temps perdu. En trois mots: écrire pour rien. En quatre: mortelle pour son auteur.

Le Dr. Mohamed AsSagheer, ancien parlementaire et conseiller de l'ancien ministre des Oeuvres religieuses, a souligné la nature apparemment contradictoire de l'offre d'ElOmda:

L'initiative de Mohamed ElOmda
Article premier: Sisi reste président pour quatre ans
Article final: exécution de ceux qui ont tué et brûlé les manifestants, c'est-à-dire; selon les organisations des droits de l'homme, de Sisi!

La journaliste et rédactrice en chef du magazine féminin arabo-américain Nonelneswa Magazine, Ayat Oraby, également une opposante au régime actuel, a écrit sur sa page [16] Facebook:

Je rejette [l'initiative d'ElOmda] sans discussion possible!

Avant de poursuivre:

“Personnellement, je lui pardonne et ne l'attaquerai jamais, parce que personne ne peut comprendre l'ampleur des pressions qu'il a pu endurer.”

Pour l'instant, ni les Frères Musulmans ni l'Alliance Anti-Coup d’état – une coalition de mouvements islamistes opposes au départ forcé de Morsi – n'ont réagi officiellement à l'initiative ElOmda. Aucun officiel du gouvernement n'a fait de remarque non plus. ElOmda a affirmé qu'il allait présenter sa proposition au gouvernement et à la présidence [17] ainsi qu'aux différents partis d'opposition et islamistes.