Les autorités et les groupements pro-Pékin ont fait appel à toute une gamme de moyens pour briser le rassemblement pacifique pro-démocratie dans le contre de Hong Kong, allant jusqu'à propager des rumeurs pour semer la méfiance dans les rangs des protestataires.
A l'apogée du mouvement de désobéissance civile, des dizaines de milliers de gens s'étaient rassemblés pour réclamer des élections libres à Hong Kong, mais après une semaine d'occupation des principales artères de la ville, la présence dans chacune des zones de manfestation rétrécit jour après jour. Le moral des organisateurs et des protestataires est sapé par les calomnies.
Le gouvernement de la ville a changé de tactique contre Occupy Central, le nom du sit-in réclamant un authentique sufrage universel : au lieu d'essayer de dissuader les protestataires à l'aide de gaz lacrymogènes, il joue l'enlisement et a retiré les policiers. Hier 3 octobre, les groupes pro-Pékin ont été mobilisés pour défier les manifestants.
Ces derniers jours, les autorités de Hong Kong ont tenu plusieurs conférences de presse pour décrire les effets de l'occupation sur les services médicaux d'urgence. Le chef adjoint des pompiers Joseph Leung Wai-hung a indiqué que le taux de réalisation de leurs normes de performance est tombé de 92,5 % à 60-75 % à cause des rues barrées, le retard le plus grave atteignant 43,5 minutes.
Des sources anonymes internes aux services d'urgence ont pourtant rejeté les chiffres officiels comme étant une “vérité partielle” visant à désinformer le public.
Un agent des services d'urgence a écrit à la plateforme de média citoyen inmediahk.net pour souligner que le taux de performance tombe à chaque fois qu'il y a un incident avec de multiples blessés. Un jour ordinaire, il y a une quarantaine d'interventions d'urgence dans la totalité de l'île de Hong Kong. Mais du fait de l'usage par les policiers de sprays au poivre le 26 septembre, il y a eu plus de 20 interventions d'urgence dans le seul quartier de Central, et le 28 septembre, les pompiers ont dû déployer plus de 30 ambulances pour secourir les blessés par spray au poivre et gaz lacrymogènes. Le taux de performance a inévitablement chuté.
Un pompier a aussi détaillé à inmediahk.net le pourquoi des 43,5 minutes d'attente :
根據消防控制中心的錄音記錄,當天早上0915時,一部救護車從中環消防局出發,但在美國領事館對出上橋時,被一名警務督察阻截,即使是表明是去應付召喚,亦不得放行。其後救護車被指派先去中環等指示,其後再指示步行前往,是救護車主管自己決定乘坐港鐵前往 […]我們政治中立的公務員,尤其負責救火救援的,為什麼要涉及政治?[…] 我們不想繼警察後,另一不受歡迎的部隊。
D'après la bande d'enregistrement du centre de contrôle des services d'incendie, à 9h15 [le 30 septembre], une ambulance a quitté la caserne centrale de pompiers. Quand elle a atteint l'autoroute près de l'ambassade des USA, un inspecteur a stoppé l'ambulance et a refusé de la laisser passer, alors même qu'il s'agissait d'une urgence. La base a ordonné à l'équipage d'aller à Central puis de continuer à pied pour charger le blessé. Mais l'agent a voulu y aller en métro. […] En tant que fonctionnaires, nous devons être politiquement neutres. Pourquoi nous impliquer dans la politique ? […] Je ne veux pas marcher dans les pas de la police et devenir une force de maintien de l'ordre impopulaire.
Le 2 octobre, le Département de l'Alimentation, de l'Environnement et de l'Hygiène a déclaré à la presse que ses employés étaient entravés par les manifestants et ne pouvaient pas ramasser les ordures sur les sites occupés. Une équipe de volontaires ramasseurs d'ordures sur les sites de sit-in a donné sa propre version des faits :
現場實況是,我們集會市民願意開放通道給他們運走垃圾,但食環署人員表示不想進入集會場地運走,堅持直至要由平日的正常行車路線,垃圾車才會駛入。
La vérité est que les manifestants étaient prêts à laisser le véhicule pénétrer les zones occupées pour ramasser les déchets, mais les éboueurs n'ont pas voulu dévier de leur itinéraire habituel et ont refusé d'aller sur les sites.
Outre les pressions exercées par les autorités, rumeurs et calomnies se diffusent sur les médias et par bouche-à-oreille pour décrédibiliser les organisateurs de la protestation et les activistes les plus en vue.
Une des cibles est le service d'ordre, ou “équipe volontaire”, dont le rôle est de protéger les participants du harcèlement éventuel par les contre-manifestants pro-gouvernement et de vérifier l'absence d'armes sur site. Le 1er octobre, l'équipe volontaire a découvert un grand sac de pierres et de barres de fer au site d'occupation d'Admiralty ; le lendemain, des rumeurs que des employés du Parti communiste chinois avaient infiltré l'équipe ont envahi les médias sociaux et commencé à saper la crédibilité des volontaires :
共產黨已印左10萬套印有「學聯糾察」、「和平佔中糾察」、「民主黨和平佔中糾察」字樣的制服和臂章,前日經落馬洲扺港,估計已有極大批維穩從業員滲到各區佔領點,以「糾察」身份建立維穩秩序嘗試控制運動,甚至有拆除路障事件發生!若在佔領點見有人穿著以上服飾甚至拆除路障,呼籲群眾散去,請提防,必要時立即予以驅趕!
Le Parti Communiste Chinois a imprimé 100.000 uniformes de l'équipe volontaire sous les noms de la Fédération des Syndicats Etudiants, Occupy Central with Love and Peace et Parti Démocrate OCLP. Les uniformes ont passé le point de contrôle de Lok Ma Chau et un grand nombre d'employés de maintien de l'ordre ont infiltré les sites occupés. Sous le nom de l'équipe, ils ont voulu maintenir l'ordre et contrôler le mouvement. Il a été signalé qu'ils ont même enlevé des barrières. Prenez garde à quiconque vêtu de l'uniforme qui essaie de démonter les barrages routiers ou d'ordonner aux manifestants de se disperser. Dégagez-les s'il le faut.
Des membres de l'équipe volontaire ont été pris à partie par les manifestants et ont par conséquent dû ôter leurs uniformes pendant leurs patrouilles.
Des militants de gauche ont aussi été visés. Le 1er octobre, des affiches sont apparues en grand nombre sur les sites occupés, mettant les protestataires en garde contre le “plastique de gauche” (le sens de plastique en chinois est semblable à ordure). Elles citaient trois activistes, Chan King-fai, Bobo Yip et Fred Lam, les accusant de détourner la contestation.
Chan King-fai est le principal organisateur d'un forum public appelé “Démocratie pour l'avenir,” qui tient des séminaires périodiques dans une librairie indépendante. Il a déplacé la semaine dernière les séminaires sur le sit-in pour attirer plus de monde aux manifestations. Bobo Yip est responsable de la coordination du programme de discours publics des centaines d'enseignants universitaires qui soutiennent le boycott des cours. Fred Lam est à l'origine du collectif de traduction HKDemoNow, qui traduit les messages des manifestants à l'intention du monde extérieur.
Les rumeurs et calomnies ont sérieusement mordu dans le moral du mouvement, a écrit un contestataire étudiant sur un forum en ligne :
下晝搬垃圾出去龍匯垃圾站,我地幾個同學諗住搬開少少個鐵馬,即刻有人好惡咁問我地係咪左膠,佢地話「你地係咪左膠,唔好扮哂野搞D鐵馬,你地係咪鬼」,勁嬲呀,執左幾粒鐘已經好攰,我就同佢地講:「我哋想容易d搬d垃圾,我哋做得好辛苦架,你知唔知呀」佢其中一個人話:「講笑咋、唔好咁認真,我哋係花生友」我真係好興,俾人好似當賊咁,我就講多次:「我哋做得好辛苦,你知唔知架?」 […] 依家咁既環境,又橡膠子彈又催淚彈,又俾老豆小,你同我講食花生,你班友仔垃圾又唔執淨係係到食花生,同兇人,有無搞錯。
J'ai voulu porter les ordures au point de collecte de Lung Wui Road. Avec mon camarade de cours, nous devions nous ouvrir un chemin en déplaçant le barrage, quand quelqu'un a bondi et m'a crié dessus en me demandant si j'étais “plastique de gauche”. Ils ont dit : “Vous êtes du plastique de gauche, ne faites pas semblant et ne touchez pas au barrage. Vous êtes un espion ?” J'étais furieux. Nous ramassions les ordures depuis des heures et étions très fatigués. J'ai répondu : “Nous voulons seulement enlever les ordures, vous savez combien nous avons travaillé ” L'un d'eux a dit alors : “On plaisante, ne le prenez pas à la lettre, nous ne sommes que des spectateurs”. J'étais furieux qu'ils m'aient traité comme un voleur et ai répété : Vous savez combien nous avons trimé ?” […] Dans de telles conditions, sous les balles en caoutchouc et les gaz lacrymogènes, nous avons été réprimandés par nos parents. Vous dites que vous n'êtes que des spectateurs ? Vous n'avez rien fait pour nettoyer les ordures, vous êtes restés là à regarder et à menacer les gens. Totalement dément.
De nombreux étudiants ont quitté les sites d'occupation après avoir subi le même genre de harcèlement. Et davantage encore depuis que les anti-Occupy Central accusent les participants au sit-in de perturber l'ordre et même dans certains cas démontent de force les cabanes et barricades. Occupy Central ne lutte plus seulement pour des élections libres et justes à Hong Kong, mais désormais aussi pour sa propre survie face à ces tentatives de démantèlement.