[Sauf mention contraire, tous les liens de ce billet renvoient vers des pages web en espagnol]
Des groupes de citoyens journalistes de l'Etat de Tamaulipas, dans le nord du Mexique, ont dénoncé le kidnapping et l'assassinat de María del Rosario Fuentes Rubio. Bien qu'on ignore l'identité des responsables, des photographies du cadavre de la jeune femme sont apparues sur son flux Twitter.
Son compte @Miut3 a été suspendu un peu plus tard. María del Rosario aurait, paraît-il, demandé pardon pour avoir bravé les narcotrafiquants. Après quoi des photos de son propre meurtre ont été publiées ainsi qu'un message posthume invitant les autres citoyens journalistes à rester discrets sur la violence de Reynosa car “vous n'en tirerez rien.”
Médecin à Reynosa, la jeune femme contribuait bénévolement à Valor por Tamaulipas (Courage pour le Tamaulipas), plateforme de média citoyen qui permet à à ses utilisateurs de dénoncer, tout en gardant l'anonymat, la violence et surtout, les crimes et délits liés au crime organisé et au trafic de drogue. María del Rosario était par ailleurs administratrice de Responsabilidad por Tamaulipas (Responsabilité pour le Tamaulipas), projet similaire et en lien avec le premier. “Valor por Tamaulipas”, dans son dernier post, la dépeint comme “un ange qui sacrifia tout, sa vie, son avenir, sa sécurité et sa tranquillité (…) pour le bien des habitants de l'Etat.”
Ce n'est pas la première fois que sont punies, pour des posts qu'elles ont écrits, des personnes associées à ces réseaux. Depuis sa création en 2012, Valor por Tamaulipas a fait l'objet d'une série de menaces et d'incidents violents qui ont parfois obligé ses administrateurs à suspendre leurs activités.
Valor por Tamaulipas utilise les médias sociaux pour recueillir, via le crowdsourcing, les témoignages d'habitants du Tamaulipas, miné depuis 2006 par la corruption et les conflits liés à la drogue. En février 2013, un cartel anonyme diffusa un tract offrant une récompense de 600 000 pesos mexicains [anglais] (soit environ 44 000 dollars) à qui permettrait de retrouver le ou les administrateurs des comptes sur les médias sociaux de Valor Tamaulipas. Peu après, cette plateforme annonça qu'elle envisageait de cesser ses activités. [anglais] Mais depuis, le réseau s'est reformé : les crimes violents continuent de ravager le Tamaulipas et les citoyens de les dénoncer.
Ce conflit a contraint nombre d'organismes de presse traditionnels à mettre un frein à leurs articles sur la violence des narcotrafiquants. Au Mexique, depuis 2006, selon le Comité pour la protection des journalistes, seize personnes auraient été assassinées, la plupart suite à des reportages sur la corruption et les crimes liés à la drogue. Comme l'a expliqué Dario Ramirez, le directeur général d'Article 19 au Mexique et en Amérique Centrale : “Au Tamaulipas, la violence contre la presse et l'absence de mesures prises par les autorités mexicaines pour protéger la liberté d'expression ont généré des vides informationnels sur des enjeux de sécurité publique. Les médias sociaux sont dès lors devenus d'efficaces outils citoyen pour se tenir informé sur ces actes en toute liberté.”
Tandis que les utilisateurs des médias sociaux et citoyens s'emploient à combler ce silence et à dénoncer ce qu'ils observent sur le terrain, des groupes tels que VxT et des personnes comme María del Rosario Fuentes Rubio sont devenus des cibles privilégiées pour les organisations de la drogue.