Le parlement libanais vient de voter la prolongation de son mandat. Encore. Cette fois, les politiques se sont octroyé deux ans et demi de plus dans leurs fauteuils. Les nouvelles élections législatives se trouvent ajournées pour la deuxième fois, ce qui double en pratique le mandat initial confié par les électeurs. Deux députés seulement se sont opposés à l'extension, trente-et-un ont ont purement et simplement boycotté la séance. Quatre vingt-quinze députés ont voté pour la proposition, que d'aucuns disent anticonstitutionnelle [Liens en anglais].
La décision du parlement pourrait avoir des conséquences graves, voire dangereuses, pour le Liban. Comme l’explique Human Rights Watch sur son site web, ajourner les élections contrevient clairement aux obligations internationales en matière de droits humains :
La proposition de loi d'extension, pour le deuxième ajournement depuis l'entrée en fonction de la législature en juin 2009, contreviendrait à l'article 25 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), que le Liban a ratifié en 1972. L'article 25 stipule que tout citoyen doit avoir le droit et la possibilité de voter et d'être élu dans des élections réellement périodiques.
“Il n'y a jamais de moment propice à des élections, en particulier au Liban, mais ce pays a tenu des élections dans des circonstances difficiles par le passé, en 2005 et 2009,” a dit Nadim Houry, directeur adjoint pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord à Human Rights Watch. “L'échec de la classe politique à atteindre un accord sur une nouvelle loi électorale ou à désigner un nouveau président ne justifie pas la suspension du droit de vote des citoyens libanais.”
Angelina Eichhorst, chef de la délégation de l'Union Européenne au Liban, a tweeté :
Asking what cld ve been done differently over past period 2 avoid a parliamentary #extension, a sad day in #Lebanon‘s constitutional history
— Angelina Eichhorst (@aneichhorst) November 5, 2014
On se demande ce qui aurait pu être fait différemment ces derniers temps pour éviter une extension du parlement, triste jour pour l'histoire constitutionnelle du Liban
“Nous n'avons plus que des souvenirs de ce qui était autrefois un droit civique : voter”, a écrit la journaliste Nadine Mazloum dans un billet de blog intitulé “8 choses à faire pour le Parlement“. La liste s'interroge sur “les meilleurs usages du parlement, vu son incompétence totale”, pour suggérer entre autres des “ateliers d'art dramatique” pour les députés qui n'ont pas trouvé la force de démissionner, et la “paléontologie” pour étudier la scène politique libanaise “éteinte”.
La réaction de nombreux Libanais ordinaires au vote de leur parlement a été la colère et l'exaspération. A Beyrouth, des gens ont même coupé la rue menant au bâtiment du parlement, lancé des tomates sur les législateurs et brandi des pancartes clamant “Non à l'extension !”. Nombreux sont ceux qui ont conspué les députés, les traitant de “voleurs”.
Le fabricant de la vodka Stolichnaya a même saisi l'occasion de se promouvoir aux dépens des parlementaires auto-perpétués du Liban en écrivant sur Facebook que même “les gueules de bois ne durent pas si longtemps” :