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Lugansk News Today : la bataille pour le référencement Google d'un homme seul contre Russia Today

Catégories: Europe Centrale et de l'Est, Ukraine, Cyber-activisme, Gouvernance, Guerre/Conflit, Liberté d'expression, Média et journalisme, Médias citoyens, Politique, Réfugiés, RuNet Echo
Avatar of Lugansk News Today depicts a pro-Ukrainian activist.

L'avatar de Lugansk News Today montre une militante pro-Ukraine.

Cet article fait partie d'une étude exhaustive par RuNet Echo [1] de la blogosphère russophone en Ukraine OrientaleDécouvrez la totalité des interviews sur la page Eastern Ukraine Unfiltered [2] [L'Ukraine Orientale sans filtre, en anglais ; des articles existent en français].

Un blogueur anonyme a couvert les événements en Ukraine orientale sur le site web en anglais Lugansk News Today et offre ainsi une alternative aux médias anglophones de la Russie tout en sensibilisant les internautes à ce qui se passe dans sa ville.

La langue prédominante du blogging en Ukraine orientale et en Crimée est le russe, ce qui d'une certaine façon reflète les préférences locales de la ‘vie réelle’ : les deux régions sont massivement russophones. Et cela traduit une tendance ukrainienne générale : le russe est la langue dominante de la presse écrite [3] (60 % des journaux et 83 % des magazines) comme de l'Internet.

Un article [4] d'un site web pro-russe, Ukraina.ru, a relevé que selon Google Analytics, le russe est la langue de prédilection pour les recherches sur Google dans toute l'Ukraine. Même dans la région de Lviv Region, considérée comme la plus ukrainophone du pays, moins de 30 % des requêtes Google étaient en ukrainien, et seulement 1,6 % dans celle de Donetsk. La conclusion est évidente : pour qu'on trouve et lise votre blog, il faut sans doute le rédiger en russe, une langue qui pour de nombreuses raisons historiques est largement plus comprise à travers le monde que l'ukrainien.

Le blogueur anonyme de Lugansk News Today [5] contredit cette tendance en utilisant une langue encore plus “internationale” : son site est en anglais. La page Facebook [6] du site compte plus de 1.000 “j'aime”, et son compte Twitter [7], dont les entrées sont en russe et en anglais, a 13.000 abonnés. Ses premiers tweets datent du 3 mai 2014, peu après que l'un de ses amis a été enlevé et torturé par des miliciens rebelles.

On April 6 pro-Russian terrorists captured the building of Security Service of Ukraine (SBU) in Lugansk. They captured the building full of weapons enough for a small army. Three weeks later they got out of there and took the building of Lugansk Regional Council. That was on April 29. After that, the control on Lugansk was lost and those “rebels” were out in the streets with weapons. Ukrainian reporters had to get out as they were the target… One of my friends Alexey Bida (the leader of Lugansk Maidan) was taken by them and spent a couple of days in the basement of SBU building just because they recognized him in the street, he has been tortured there, [I'm] not sure how he managed to get out, but a couple of days after he could walk, he evacuated from of Lugansk.

Le 6 avril des terroristes se sont emparés du bâtiment du Service de Sécurité d'Ukraine (SBU) à Lougansk. Ils ont pris le bâtiment contenant de quoi équiper une petite armée. Trois semaines plus tard ils en sont sortis et ont pris les locaux du Conseil régional de Lougansk. C'était le 29 avril. Après quoi le contrôle de Lougansk a été perdu et ces “rebelles” étaient en armes dans les rues. Les journalistes ukrainiens ont dû s'en aller car ils étaient des cibles… Un de mes amis, Alexeï Bida (le leader du Maïdan de Lougansk), a été embarqué par eux, il a passé deux jours dans le sous-sol de la SBU simplement parce qu'ils l'ont reconnu dans la rue, il y a été torturé, [je] ne sais pas comment il a réussi à en sortir, mais quelques jours après être sur pied, il est parti de Lougansk.

Lugansk News Today a démarré un blog en anglais fin août, autant pour informer en Occident sur les événements dans la ville que pour éjecter Russia Today (l'agence d'information en anglais du gouvernement russe) de la première page de Google.

Etonnamment, le site web a rencontré un certain succès, preuve de ce qu'on peut réaliser en mêlant détermination et une bonne optimisation de moteur de recherche.

I don't have any background in journalism. This project is run only by me. Everybody was complaining about Russian propaganda on TV and in the Internet. I saw what they do at “Russia Today” [RT.com]. Russian propaganda is part of the war and it is much more dangerous than people may think. I noticed that my Twitter account got very high [search results] for “Lugansk news”, but I wanted Russia Today to be out of the 1st page of results on Google. So at the end of August, after my Twitter already had few thousand followers I started to write articles at Lugansk News Today [5] and Facebook [6]. All three… get on the 1st page of results. It means I get 3 out of 10, that's about 30%. If all that three are in top 5, it means I almost have monopoly on the information regarding news from Lugansk. This is my battle against Russian propaganda. Maybe it's not much, but this is a good example how one person can beat big industry.

Je n'ai aucune expérience en journalisme. Je suis seul à gérer ce projet. Tout le monde se plaignait de la propagande russe à la télévision et sur Internet. J'ai vu ce qu'ils font à “Russia Today” [RT.com]. La propagande russe fait partie de la guerre et est bien plus dangereuse qu'on ne veut le croire. J'ai constaté que mon compte Twitter avait des [résultats de recherche[ très élevés pour “actualités Lougansk” mais je voulais que Russia Today sorte de la 1ère page de résultats de Google. Aussi fin août, quand mon Twitter a eu plusieurs milliers d'abonnés, j'ai commencé à écrire des articles sur Lugansk News Today [5] et Facebook [6]. Tous trois… atteignent la 1ère page de résultats. Ça veut dire que j'obtiens 3 sur 10, 30 %. Si tous les trois sont dans les 5 premiers, j'ai presque le monopole de l'information sur l'actualité à Lougansk. C'est ça mon combat contre la propagande russe. Ça n'est peut-être pas grand chose, mais c'est un bon exemple de comment un individu peut être plus fort que la grande industrie.

Pour autant, l'auteur de News Today ignore dans quelle mesure son blog est lu dans le monde anglophone, et n'a pas de mots trop durs pour les médias anglophones et l'Occident en général, qui selon lui n'ont commencé à s'intéresser sérieusement au conflit qu'après que le vol MH17 de Malaysia Airlines a été abattu en juillet. Le blogueur en donne pour exemple que l'Occident n'a guère relevé que les forces séparatistes ont tiré sur un avion civil (et l'ont manqué) en juin, un fait sur lequel il a tweeté [8] en russe.

Most of the Western media are afraid to show things as they really are. This is not an internal Ukrainian conflict, this is a Russian-Ukrainian War. People with guns and tanks are not rebels, they are terrorists supported and directed by Russia. Ukraine right now is protecting Europe. Remember Georgia in 2008? Russia invaded another country, the world did nothing about that. In 2014 Russia invaded Ukraine, annexed part of Ukraine, Crimea. Russian troops are fighting in Donetsk and Lugansk. When Ukraine gave up its nuclear weapons, several countries signed the Budapest Memorandum. The USA, Great Britain and Russia were among those countries and they guaranteed to protect the borders of Ukraine.

La plupart des médias occidentaux ont peur de montrer la réalité. Ceci n'est pas un conflit interne à l'Ukraine, c'est une guerre russo-ukrainienne. Les individus avec les fusils et les les chars ne sont pas des rebelles, ce sont des terroristes appuyés et commandés par les Russes. L'Ukraine en ce moment protège l'Europe. Vous vous rappelez la Géorgie en 2008 ? La Russie a envahi un pays voisin, le monde est resté bras croisés. En 2014 la Russie a envahi l'Ukraine, a annexé une partie de l'Ukraine : la Crimée. Des soldats russes combattent à Donetsk et Lougansk. Quand l'Ukraine a renoncé à son armement nucléaire, plusieurs pays ont signé le Mémorandum de Budapest. Les USA, la Grande-Bretagne et la Russie en faisaient partie et se sont engagés à garantir les frontières de l'Ukraine. 

L'homme de Lugansk News Today n'habite plus Lougansk. Comme d’autres [9] citoyens-journalistes [10] présentés dans cette série [2], il a été contraint à partir car il ne se sentait plus en sécurité. Ainsi qu'il l'a déclaré à RuNet Echo, c'est le meurtre d'un ami qui l'a décidé à fuir.

On June 13 I decided to get out of Lugansk… Maidan activist Aleksandr Reshetnyak was kidnapped and tortured and died in the hospital, another guy who I knew very well, Aleksandr Mangush was also kidnapped. People with Kalashnikovs took him from his apartment at night. I got information about that in the morning and was on the train out of the city in two hours. We really had no time to pack, just one backpack and one travel bag.

Le 13 juin j'ai décidé de partir de Lougansk… Le militant de Maïdan Aleksandr Reshetniak a été enlevé et torturé et est mort à l'hôpital, un autre type que je connaissais très bien, Aleksandr Mangoush a lui aussi été enlevé. Des gens armés de kalashnikovs l'ont emmené de son appartement en pleine nuit. Je l'ai su le matin et en deux heures j'étais dans le train hors de la ville. Sans prendre le temps de faire les bagages, juste un sac à dos et un sac de voyage.

Depuis, le blogueur de Lugansk News Today voit plus grand et vient de lancer un site d'information : Ukraine Right Now [11] [L'Ukraine en ce moment]. Il compte couvrir les événements de tout le pays, plus seulement de Lougansk, tout en reconnaissant ne pas être sûr d'y arriver à lui seul. “Il faudrait un programme public en Ukraine pour publier plus d'information en anglais sur ce qui se passe dans le pays”, nous a-t-il confié.