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Au Brésil, les recycleurs se mobilisent pour atteindre l'objectif zéro déchet dans le pays

Catégories: Amérique latine, Brésil, Environnement, Médias citoyens, Travail
Recycling bins [1]

Poubelles de tri. Photo de l'utilisateur de Flickr Márcio Cabral de Moura. CC BY-NC-ND 2.0

Cet article d'Antonia Bruno a été réalisé par la Global Alliance for Incinerator Alternatives (GAIA) [2] [Alliance mondiale anti-incinérateur] et Other Worlds [3] [Autres mondes],  publié par 350.org [4]organisation qui construit un mouvement mondial pour le climat. Il est publié sur Global Voices dans le cadre d'un accord de partage de contenus.

Les rues de Belo Horizonte étaient pleines de gens en train de chanter, danser, scander des slogans et défiler. Ce n'était ni pour les vacances, les élections ou un match de football. Le slogan était : “Nous ne voulons pas de l'incinération ! Recyclons ! Recyclons !”

C'était le 19 septembre 2014, le jour du lancement de l’Alliance Zéro Déchet [5], à la manière brésilienne. Exubérant, festif et dirigé par des recycleurs. 

Les travailleurs brésiliens du recyclage ont longtemps constitué un puissant moteur pour la protection des communautés et du climat. A présent, ils sont à l'avant-garde d'un mouvement national pour le “zéro déchet”.

L'objectif “zéro déchet” : une juste alternative contre la pollution        

Pour ceux qui en entendent parler pour la première fois, l'objectif “zéro déchets” [6] peut sembler irréaliste. Mais en fait, les alliances zéro déchet se constituent actuellement partout dans le monde et progressent à grands pas dans la construction d'un nouveau type d'économie [7] meilleure pour les gens et la planète. L'objectif zéro déchet englobe toute la durée de vie de nos objets, en commençant par la réduction des phases extractives, une élaboration des produits plus responsable puis en fin de cycle, par la réutilisation des matériaux, leur recyclage ou leur mise en compost. 

La pratique courante de brûler et de mettre les déchets à la décharge contribue en grande partie au changement climatique. A valeur égale, brûler les déchets est même pire [8] pour le climat que la pratique polluante de brûler du charbon. Cela relâche également des toxines cancérigènes et d'autres polluants de l'air. Les avantages potentiels pour le climat et la qualité de l'air sont énormes.  

Mais le meilleur atout du zéro déchet réside davantage dans la réduction de la pollution et des gaz à effet de serre.

Tandis que l'incinération et la mise en décharge violent régulièrement les principes de justice environnementale [9], le zéro déchet a un grand potentiel pour améliorer la vie des gens, lesquels ressentent l'incidence considérable d'une économie basée sur l’ “exploitation, l'incinération et la mise au rebut”. 

C'est particulièrement vrai lorsque les systèmes zéro déchet sont élaborés en incluant les droits des travailleurs au coeur de leur processus, comme c'est le cas au Brésil, où les recycleurs sont à l'avant-garde de l'alliance zéro déchet. Dans le pays, où les travailleurs collaborent étroitement avec les ONG telles que Instituto Polis [10], l'alliance travail-écologie est fondamentale.

Comment les travailleurs du Brésil se sont-ils donc impliqués dans l'alliance “zéro déchet” ? Ils ont d'abord commencé par s'organiser.  

Un mouvement national de recycleurs

Les recycleurs font le travail de collecte et de tri des matériaux recyclables à partir des flux de déchets. C'est souvent un travail dangereux et peu rémunéré. Cependant au Brésil – et dans d'autres pays d'Amérique latine, y compris le Chili [11] et la Colombie [12]— les recycleurs ont fait de grands progrès vers l'obtention d'un meilleur salaire et de meilleures conditions de travail.

Depuis sa création en 1999, le Mouvement National des Travailleurs du Recyclage [13] (MNCR), basé au Brésil, a remporté des grandes victoires pour le secteur. Au début de cette année, une des membres dirigeantes du MNCR, Maria Monica da Silva, a été récompensée par le Centre international des femmes pour son travail [14] “qui a créé des améliorations significatives au niveau de la situation et de la reconnaissance” des recycleurs de São Paulo. “La grande majorité de ces recycleurs sont des femmes, et ensemble, elles apportent une grande contribution à l'environnement, cependant la valeur de leur travail est trop souvent non reconnue”, selon le centre. 

Ce qui est particulièrement inspirant dans les syndicats de recycleurs au Brésil, c'est leur aspiration à la justice qui va au delà de leurs propres conditions de travail. Les recycleurs considèrent que leur travail est en première ligne pour résoudre les crises d'ordre climatique, la pollution de l'air et des déchets qui ont un impact sur leurs familles, les communautés et le monde entier. La première ligne qui définit la mission du MNCR est de “contribuer à la construction de sociétés justes et durables à travers l'organisation sociale et productive des recycleurs et de leurs familles.” Leur mission inclut également “l'amélioration de la qualité de vie des gens et des générations futures.” 

Le MNCR a commencé à construire son influence de la même manière que d'autres groupes : en stoppant l'incinération.  

‘Une force avec laquelle il faut compter’  

Lorsque l'usine d'incinération Usina Verde a été transférée à Sao Paolo en 2002, on s'attendait de manière générale que leur proposition d'incinérateur soit acceptée rapidement et facilement. Au lieu de cela, la compagnie a été évincée [15] par une coalition de recycleurs, d'ONG, d'activistes et de membres de communautés. 

Magdalena Donoso, coordinatrice de la Global Alliance for Incinerator Alternatives (GAIA) [Alliance mondiale anti-incinérateur] pour l'Amérique latine, a expliqué : “Les recycleurs au Brésil constituent une force avec laquelle il faut compter. Chaque fois qu'il y a un vote, une audition publique, une réunion, etc., les recycleurs déplacent plus de monde que l'usine de recyclage.”

Avec la mouvance des mouvements anti-incinérateurs partout dans le monde, on posait toujours la même question au Brésil : si l'on ne veut pas d'incinérateur, alors par quoi on les remplace? Pour les recycleurs de ce pays, la question était inscrite dans leur fiche de poste. 

La transition depuis la lutte contre les incinérateurs vers l'objectif zéro déchets au Brésil s'est faite naturellement. Beth Grimberg de l’Instituto Pólis [10] a déclaré : “Les alliances zéro déchet se formaient partout dans le monde. Nous ne pouvions manquer l'opportunité de travailler là-dessus. Nous disposions d'une solide solidarité internationale et de décennies d'expérience en matière d'organisation. Le 19 septembre, avec l'aide de cent participants présents physiquement ou en ligne, nous avons lancé l'Alliance brésilienne zéro déchets.”

Alex Cardoso, un recycleur de troisième génération et membre du MNCR, a indiqué : “Il est important que les recycleurs soient les principaux organisateurs pour le zéro déchet au Brésil. Nous sommes ceux qui rendent cet objectif possible tous les jours dans la rue. Notre savoir est crucial. Nous sommes les principaux acteurs dans ces discussions et des défenseurs de la planète.”

Voilà : l'objectif zéro déchets, c'est un air de qualité, des bons emplois et de la justice. Pas étonnant que la fanfare ait joué de la musique et que la foule ait chanté à Belo Horizonte, au Brésil.