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Fin de la prise d'otages de Sydney, marques de solidarité avec les musulmans

Catégories: Australie, Dernière Heure, Médias citoyens, Politique

Devant le Café Chocolat Lindt Martin Place – Sydney, pendant la prise d'otages. Photo Demotix/Richard Milnes [1]

La prise d'otages qui a duré 16 heures au Café Lindt, sur Martin Place au coeur du District Financier (CBD) de Sydney, a pris fin avec l'assaut des commandos qui ont tué le forcené solitaire Man Haron Monis, mais les informations sur le siège continuent à montrer le meilleur et le pire des médias généraux et sociaux en Australie.

Parmi les milliers de tweets, les heures de transmission en direct et les centaines de pages web, des faits cités se sont avérés inexacts ou trompeurs, avec de dangereuses connotations islamophobes dans certains traitements de l'information.

Au début, l'homme armé avait forcé les otages à brandir à la vitrine du café un drapeau noir avec des inscriptions en arabe. De nombreux reportages ont eu un angle qui a alarmé des utilisateurs de médias sociaux de Sydney, et ceux-ci ont rejoint une campagne sous le mot-dièse #IllRideWithYou.  [2](‘Je vais voyager avec vous’). Il s'agit de témoigner sa solidarité avec les musulmans de Sydney qui craindraient d'emprunter les transports publics après le siège du café. Le mot-dièse a été employé des centaines de milliers de fois  [3]et est devenu viral dans le monde entier. 

Une information bâclée

Le grand quotidien Sydney Morning Herald a titré  [4]“Le siège de lundi dans le CBD a vu circuler bon nombre de mythes dans les médias sociaux et la presse”.

Keith Fitzgerald, un spécialiste de négociation de crise, a vu la une d'une édition spéciale de journal, et a demandé aux journalistes d'Australie de dénoncer le Daily Telegraph : 

Les vrais journalistes pourraient-ils svp condamner le Daily Telegraph (Australie) ? Ça n'aide en rien.

Le présentateur de la radio 2GB Ray Hadley a également créé plusieurs rumeurs en direct et sur les ondes pendant son émission quotidienne. Selon le Sydney Morning Herald, la désinformation dans ses propos pourrait être source de discrimination raciale. Le compte Twitter parodique ‘The Daily Rupert‘ écrit :

Tout ce que cette une de tabloïd Murdoch réussit à faire, est de terroriser encore plus les familles des otages du #siègedeSydney

Des titres comme celui-ci publié sur Twitter par un reporter d'ABC News pouvaient provoquer une panique injustifiée :

[Pourquoi le hashtag #SydneySiege [8] ? Il existe quelques endroits dans le monde qui sont véritablement en état de siège. Sydney n'en fait pas partie.]
Un ‘journaliste’ d'ABCNews24 [télévision] a réellement dit “ville en état de siège”. Ça sonne mieux que ‘café en état de siège’ SMH

#IllRideWithYou

Chris Graham, créateur du blog New Matilda a écrit ses dix prédictions [14] pour les suites de la prise d'otage. La première est la “possible montée de la violence dirigée contre les musulmans, et en particulier les musulmanes.” 

Sur Twitter, une blogueuse de 33 ans, Tessa Kum, a lancé le mot-dièse ‪#illridewithyou [15]‪ (‘Je vais voyager avec vous’) en solidarité avec les musulmanes qui pourraient se sentir mal à l'aise en empruntant les transports publics en Australie après le traitement à connotations racistes de la prise d'otages de Sydney. 

[Faites savoir aux Australiens musulmans que vous veillez sur eux, tweetez #JeVaisVoyagerAvecVous et votre itinéraire]
Mon essai raté d'image pour faire passer le message

Ce mouvement de solidarité a démarré quand un journaliste a tweeté [19] une capture d'écran d'une note sur Facebook par une enseignante et danseuse de Sydney prénommée Rachael, racontant un fait vécu dans le métro de Sydney au début de la crise de prise d'otages :

[…Et la femme (probablement) musulmane assise à côté de moi dans le train enlève silencieusement son hidjab… Je lui ai couru après dans la station. Je lui ai dit : Remettez-le, je vais marcher avec vous. Elle s'est mise à pleurer, et m'a serrée dans ses bras pendant au moins une minute, puis est repartie seule.]
Voilà ce que font les honnêtes gens.

Elle a expliqué [23] que “la femme musulmane […] ne voulait pas montrer de signes de sa religion de peur de représailles déplacées d'autres voyageurs en rapport avec l'incident en cours à Martin Place”.

SirTessa a retweeté le tweet de Michael James et ajouté :

Si vous prenez régulièrement le bus 373 entre Cogee et Martin Place, portez une tenue religieuse et ne vous sentez pas en sécurité seule : je voyagerai avec vous. @-moi pour l'horaire. 

Si on lançait un hashtag ? comme #JeVaisVoyagerAvecVous ?

En une heure le mot-clé était adopté.

Suivant l'exemple de @sirtessa, bus N° 426/425 pour Burwood, si vous portez une tenue religieuse et ne vous sentez pas en sécurité seule : je voyagerai avec vous. Vers les 6h30.

[En un jour empli de peur et de haine est arrivé un simple et merveilleusement poignant message d'amour, après qu'une femme a mis en ligne un fait vécu à Sydney.]
La seule bonne chose sortie des effrayants événements d'aujourd'hui au café Lindt.

Au démarrage de l'opération l'enseignante et danseuse dont le billet Facebook avait donné l'impulsion pour le mot-dièse a tweeté :

1/2 #JeVoyageraiAvecVous a tout emporté. Ce que j'ai fait était un petit geste parce que c'est triste qu'on puisse se sentir indésirable à cause de ses croyances 

2/2 Ce n'est pas moi l'important. Quiconque rejoint #JeVoyageraiAvecVous est une extraordinaire source d'inspiration, qui crée un chemin de paix pour nous tous. Merci #sirtesa

Selfies

La police avait évacué la zone et créé un périmètre de sécurité pour les journalistes, qui s'est aussi rempli de gens désireux de rester à proximité de l'action, comme s'ils étaient au cinéma. Sans égard pour la réalité et le danger, certains ont même pris des selfies pour les poster sur Twitter :

 

Des spectateurs prennent des selfies sur la scène de la prise d'otages de Sydney

Aisha Dow du journal The Age, écrit [35] :  “Des spectateurs rigolards se prennent en “selfies” avec leurs téléphones mobiles dans le périmètre du siège de Sydney alors qu'un nombre encore inconnu d'otages restent prisonniers d'un homme armé”.

Les badauds de retour prennent des selfies à 100 m du café Lindt

Au long de l'après-midi cinq otages ont réussi à s'échapper du café, sans qu'on sache si le forcené les avait relâchés ou s'ils avaient pu fuir.

Images des otages échappés

17 otages étaient retenus, quatre ont été blessés. Outre le forcené, deux otages ont été tués dans les tirs croisés. 

Un forcené solitaire

Le preneur d'otages, un demandeur d'asile iranien de 50 ans, vivait en Australie depuis 1996. Les autorités croient qu'il a agi seul. Il était connu de la police [42] et était passé au tribunal récemment. Il avait été poursuivi à maintes reprises pour attentats à la pudeur et agressions sexuelles. En 2013, il a plaidé coupable pour l'envoi de lettres haineuses aux familles de soldats australiens morts [en Afghanistan]. Il a aussi été impliqué comme complice dans le meurtre de son ex-femme. 

La communauté musulmane de Sydney ne la considère pas comme un des siens. [42] Selon certaines informations, il aurait été mis à l'écart par les responsables chiites, qui ont demandé à la police d'enquêter sur ses prétentions à se dire un “ayatollah”, un dignitaire religieux. Des notes de son blog, aujourd'hui fermé, laissent penser qu'il s'était converti à l'islam sunnite la semaine dernière. Il aurait aussi prétendu  [43]sur son blog être un expert en astrologie, numérologie, méditation et magie noire.