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Mauritanie: Biram Dah Abeid et deux autres militants condamnés à 2 ans de prison

Catégories: Afrique Sub-Saharienne, Mauritanie, Droits humains, Ethnicité et racisme, Gouvernance, Liberté d'expression, Médias citoyens, Politique, Vidéo sur droits humains
Plage a Nouakchott, Mautritanie via wikipedia CC BY 30 [1]

Plage a Nouakchott, Mautritanie via wikipedia CC BY 30

Pendant que l'attention de l'opinion publique internationale et africaine, en particulier, est rivée sur les évènements tragiques qui ont eu lieu au Nord du Nigeria [2] et à Paris [3], le 15 janvier 2015 une triste scène s'est jouée à Rosso [4], une localité au sud de la Mauritanie, à la frontière avec le Sénégal.

En effet, la justice mauritanienne a condamné à deux ans d'emprisonnement les militants pour les droits humains, Biram Dah Abeid [5] et Brahim Ould Bilal Ramdane, respectivement Président et Vice-président d'IRA-Mauritanie ainsi que Djiby Sow, président de Kawtal. Selon un communiqué d'Amnesty International, ils ont été inculpés d’appartenance à une organisation non reconnue et de participation à une réunion non autorisée. Ce même communiqué ajoute [6]:

Le fait de se réunir pacifiquement sans autorisation ne doit jamais conduire à une incarcération. Leur condamnation semble fondée sur des motivations politiques, des membres de l’association étant ciblés en raison de leurs activités pacifiques. Les autorités doivent prendre les mesures qui s’imposent pour les libérer dans l’attente de leur jugement en appel.

 Les 7 autres militants anti-esclavagistes qui avaient été arrêtés avec eux le 11 novembre dernier ont été libérés. Il s'agit de Khattri RAHEL, de Cheikh VALL, Abidine MATALLA, de Samba DIAGANA, de Hassane MAHMOUD et de Mohamed Yacoub.

Le Sénateur mauritanien Youssouf Sylla, à l'annonce du verdict du Tribunal de Rosso a réagi en ces termes, selon le site mauriweb.info [7]:

J'ai assisté du début à la fin à un procès politique. Ce verdict ne sert pas la communauté nationale et son unité. C'est un défi également pour la communauté internationale. Tout le monde sait que ce procès était politique. Nous allons continuer à nous battre pour l'application du droit. Car, c'est un procès vide qui n'a rien à voir avec le droit.

Le président de la délégation du  Forum National pour l’Unité et la Démocratie (FNDU), Samory Ould Beye, qui avait fait le déplacement depuis Nouakchott, la capitale, pour apporter leur soutien aux prisonniers juge que [8], d'après le site lecalame.info:

“cette peine infligée aux  trois personnes  risque d'attiser les tensions dans le pays, au moment où je vous parle, nous sommes confinés dans la cour  et  attendons de sortir. Dehors, les forces de l’ordre ont usé  de  grenades  lacrymogènes  pour dégager la foule rassemblée devant. La tension est donc vive ici”.

Il y avait des raisons de nourrir quelques craintes sur la sévérité du tribunal, après la condamnation à mort de Mohamed Cheikh Ould Mohamed [9], 29 ans,  pour, selon le tribunal, “avoir parlé avec légèreté du prophète Mahomet et enfreint aux ordres divins” dans un article publié sur Internet en janvier 2014.

Le parquet de Rosso avait d'ailleurs requis cinq ans d'emprisonnement. La peine infligée reste toutefois très lourde de l'avis de plusieurs militants. Immédiatement après l'annonce du verdict des cris de protestation se sont élevés dans la salle d'audience et des confrontations se sont vérifiées entre forces de l'ordre et des partisans qui campaient devant le tribunal. Le site essahraa.net fait savoir [10] que: 

Le collectif de défense des militants abolitionnistes et de Kawtaal N’gam Yellitaaré a interjeté appel du prononcé de condamnation de Biram Dah Abeïd, de Brahim Bilal Ould Ramdane et de Djiby Sow à deux ans de prison. Finalement, le président de la cour n’a retenu que la charge de “désobéissance” pour condamner les têtes de proue de IRA et de Kawtaal n’gam Yellitaaré. Mohamed Mahmoud Ould Teyib  ne s’est pas fait prier pour rendre le verdict dont le prononcé n’a duré que deux minutes dans une salle archicomble et étrangement surprise par la décision. La cour d’appel aura un mois à se prononcer par rapport à la requête de la défense. Réagissant à la sentence, Me Brahim Ould Ebetty a qualifié ce verdict de politique. « Je ne m’attendais pas à ce verdict par rapport au déroulement du procès où l’accusation n’a pu prouver les reproches matériels à l’encontre des prévenus. La décision politique a pris le pas. Il fallait les condamner». Me El Id évoque sa consternation suite au prononcé d’un verdict qui l’a surpris. Le président de SOS Esclaves, Boubacar Ould Messaoud dénonce  un « règlement  de comptes » et fustige «  la sélectivité des condamnations ». Quant à  Mme Leïla Mint Ahmed, l’épouse de Biram, sereine, elle  a accueilli avec philosophie un verdict qui ne l’a guère surprise. Les autres militantes ont fondu en larmes.

Les échauffourées entre les forces de l’ordre et les militants de IRA qui protestaient contre le verdict ont occasionné deux blessés  graves du coté des partisans de Biram. Ils sont actuellement  hospitalisés. Le leader abolitionniste a été blessé à la tête lorsque les forces de l’ordre le reconduisaient en prison. Du coté des forces de l’ordre, deux blessés ont été enregistrés. Enfin les sympathisants de IRA continuent de se masser devant  la prison civile de Rosso bouclée par un impressionnant dispositif sécuritaire.

Les réseaux sociaux se sont aussi saisis de l'affaire en la commentant. Parmi les mauritaniens, c'est sur le site du CRIDEM que le débat est animé [11]. Le lecteur eyssir15 qui semble être plus en faveur de la sentence que de la part des victimes, se déclare surpris [12] que la sentence n'ait pas été plus sévère et donne ses raisons:

Je suis surpris que les gens pensent que c'est une décision politique car depuis le debut on a toutes les évidences de cela; Biram meriterait plus de prison il y a 1 an lors des différents affronts fait a la nation et ses principes, ainsi que le danger a l'ordre public en ces moments la. Maintenant ce dossier de Rosso est non seulement vide mais une aberration a ce stade de la lutte et de crédibilité de la personne de Biram et de l'IRA. Maintenant non seulement il ne mérite plus la prison mais en plus on a généralement envie de le voir comme la victime d'un systeme et une distraction a l'incompetence des autorites a gérer la crise sociale. Biram a ete confirme par Aziz lors de la presidentielle et l'IRA est defacto reconnue aussi; il faut faire avec car “on ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre” cher President Aziz

Diacks est de l'avis [13] que: 


Pour sauver la face, le pouvoir impose un léger verdict qui, de toute façon, ne résistera pas à l'appel. Mobilisons-nous pour exiger la libération immediate et inconditionnelle de ces combattants pour la justice et l'égalité.

mdmdlemine pense [13] que:

ce verdict montre que le dossier est vide. le recours à l'appel ramenera les choses à un non lieu à moins que le Président n'intervienne selon ses promesses pour décrisper les choses. Avec deux ans, non exécutés de peine, le pouvoir aura au moins l'occasion de se laver d'affront

Sur le site seneweb.com, les commentaires sont nombreux, avec des propos souvent racistes. Le meilleur commentaire est celui de Nourdine Dioum [14] du Lycée de boghé [15], qui a écrit

La condamnation de Biram n'est que purement politique , Aziz veut tout simplement l’anéantir car il constitue d'abord un adversaire politique très important qui pourrait lui arracher le pouvoir et secundo la sensibilisation que Biram est entrain faire dans la vallée pour la spoliation des terres de nos ancêtres ne l'arrange guère lui et ses parents maures..

Quant à Less !!! [16], il invite le Président Macky Sall à réagir:

 
Macky Sall, y'a matière à s'indigner plus prés de nous. Même un communiqué serait le bienvenu pour nos amis mauritaniens qui souffrent.

 

Sur Twitter [17] aussi les échanges continuent à affluer, tout comme sur les pages Facebook “Libérez Biram Dah Abeid [18]” et IRA-Mauritanie [19].

 https://www.youtube.com/watch?v=Xd3DG_v9EUk

 Biram Dah Abeid, militant mauritanien contre l'esclavage s'exprime sur France24 après l'attribution du Prix des Droits de l'Homme 2013 décerné par les Nations Unies [20]