La politique en Thaïlande est de plus en plus chaotique, et un pas de plus est franchi avec la mise en accusation de l'ancienne Premier Ministre par une institution judiciaire nommée par un gouvernement soutenu par les militaires.
L'Assemblée Nationale Législative a voté à bulletin secret la mise en accusation de l'ancienne Premier Ministre Yingluck Shinawatra pour corruption dans un programme de soutien du prix du riz sous sa responsabilité, en faveur des petits fermiers.
Ce programme engageait le gouvernement à acheter le riz aux fermiers à un prix élevé et à le revendre sur le marché global. Les critiques ont considéré que ce programme de subvention du riz était une manoeuvre politicienne populiste qui bénéficiait aux militants qui soutenaient le parti de Yingluck dans le nord du pays.
Yingluck est la première femme Premier Ministre du royaume et elle a gagné les élection en 2011 grâce à une coalition avec le parti Pheu Thai. Cependant, ce sont les militaires qui dirigent maintenant la Thaïlande depuis mai 2014. Les militaires ont rédigé une nouvelle constitution, organisé des instances à la tête du pays et mis en place des réformes électorales et politiques dans le cadre d'un processus de normalisation. L'Assemblée Nationale Législative est l'une des institutions créées par les militaires pour superviser la transition dans le pays.
Cette mise en accusation trahit le désir des militaires d'empêcher le retour de Yingluck en politique:
Total count from the counted secret ballots in @PouYingluck impeachment vote: 190 to 18. #ThaiJunta#Thailand
— Steve Herman (@W7VOA) January 23, 2015
Décompte du vote à bulletin secret pour la mise en accusation de @PouYingluck : 190 pour et 18 contre #ThaiJunta#Thailand
Les forces de sécurité étaient en état d'alerte autour du parlement quand l'assemblée a siégé:
8am in front of parliament heavy military-police to stop YL supporters. Protest ban. RT @ArmUpdate: คุมเข้มห้ามชุมนุม pic.twitter.com/WTa7lUWYvA
— แก้วมาลา Kaewmala (@Thai_Talk) January 22, 2015
8 heures du matin devant le parlement déploiement de la police militaire pour arrêter les partisans de YL. Manifestation interdite.
Yingluck a dénoncé la décision de l'Assemblée Législative, qui lui interdit aussi d'occuper toute fonction officielle pendant 5 ans. Elle doit répondre de diverses accusions criminelles (liées à l'affaire de corruption), ce qui pourrait lui valoir un emprisonnement de 10 ans.
Yingluck a fait une déclaration sur Facebook, après avoir annulé une conférence de presse interdite par les autorités à Bangkok.
RECAP: After being barred from talking to the press by the #ThaiJunta, Yingluck issues statement on Facebook https://t.co/3Dv3g7DPF4 — Saksith Saiyasombut (@Saksith) January 23, 2015
RESUME: après avoir été interdite de parler devant la presse par #ThaiJunta, Yingluck fait une déclaration sur Facebook
NCPO & police at SC Park Hotel. Said they come to ask YL nicely not to hold a presser. “@capital_lism: pic.twitter.com/isiN5Lh2x5 — Ryn C. (@Ryn_writes) January 23, 2015
Le Conseil National pour la Paix et le maintien de l'Ordre et la police sont devant le Park Hotel. Ils disent qu'ils ont demandé gentiment à YL de ne pas tenir de conférence de presse.
On trouve une traduction en anglais de sa déclaration sur le site du parti Pheu Thai:
J'aimerais réaffirmer que je suis innocente. J'aimerais remercier la minorité qui a voté contre ma mise en accusation. J'admire votre détermination à soutenir le principe de justice. Malgré le fait que le processus de ma mise en accusation ait été précipité et que ce processus m'ait dépouillée des droits fondamentaux auxquels tout citoyen thaïlandais peut prétendre, je crois que j'ai fait de mon mieux pour présenter ma défense.
Je soutiens que le programme de soutien du prix du riz sert les agriculteurs et le pays et que ce programme n'a pas provoqué les pertes prétendues. Tous les chiffres avancés sur les pertes du programme ont été manipulés à mon désavantage et avec l'intention cachée d'éliminer un opposant politique. Et le pire c'est que la vie des cultivateurs de riz est devenue un outil politique.
Au sujet des charges retenues par le Procureur Général, l'ancienne Premier Ministre dit aussi:
Il est regrettable que les nombreuses prétendues coïncidences dont j'ai parlé hier se reproduisent aujourd'hui. Juste une heure avant que l'Assemblée Législative Nationale ne vote ma mise en accusation, le Bureau du Procureur Général décide de poursuites pénales à mon encontre pour négligence. Ceci est contradictoire avec les conclusions de l'accusation qui stipulent qu'il n'y avait pas de raison suffisante. Le Bureau du Procureur Général est une institution qui joue depuis longtemps un rôle primordial pour la justice. Ses interventions sur ce problème restent discutables.
Dans sa déclaration, elle dénonce l'absence de démocratie et d'état de droit, en particulier à l'égard des agriculteurs.
Bien que sa mise en accusation ne soit pas surprenante, certains font leur analyse de la situation.
The more illegitimacy & conflict of interest are made apparent, the more awaken the people will be. #Thailand — Pravit Rojanaphruk (@PravitR) January 23, 2015
Plus l'illégitimité et les conflits d'intérêts seront évidents, plus le peuple réagira.
Yingluck's impeachment `more a kind of theater to give legitimacy and a sense of due process’ http://t.co/GGuqxGq9qEpic.twitter.com/LhklkbIMe4 — Tony Jordan (@tonygjordan) January 23, 2015
La mise en accusation de Yingluck ressemble à un cinéma pour légitimer et justifier la procédure
How would U feel if U woke up 1 day, realized U were living in Banana Republic ruled by MilitaryJunta w/o Rule of Law/civil liberties/rights — Kris Koles (@KrisKoles) January 23, 2015
Comment vous sentiriez-vous si vous vous réveilliez un matin et réalisiez que vous vivez dans une république bananière gouvernée par une junte militaire, privée d'état de droit et de libertés individuelles.
#Thailand-is-#Bangkok and Bangkok-is-Thailand – Impeachment At What Cost http://t.co/HTVJu3HdmM
— John Le Fevre (@photo_journ) January 23, 2015
#Thailand est #Bangkok et Bangkok est la Thaïlande – La mise en accusation à quel prix
Des temps difficiles se préparent, et tant que le pays sera sous la loi martiale, sans que la société civile puisse participer à sa gouvernance et à sa gestion, la purge des opposants politiques perdurera.