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‘La haine ne devrait pas habiter les êtres humains’ a écrit en ligne Kenji Goto, le journaliste exécuté

Catégories: Afrique du Nord et Moyen-Orient, Asie de l'Est, Irak, Japon, Syrie, Guerre/Conflit, Média et journalisme, Médias citoyens
Kenji Goto reporting outside Kobani, Syria, in 2014. Screenshot from SnapcastNews' YouTube account. [1]

Kenji Goto en reportage à l'extérieur de Kobané, Syrie, en 2014. Capture d'écran du compte YouTube de SnapcastNews.

Le journaliste indépendant japonais Kenji Goto [2] couvrait les guerres et conflits du Moyen-Orient et d'Afrique avant d'être exécuté en Syrie par le groupe Etat Islamique le 30 janvier 2015.

Avant d'être fait prisonnier et assassiné, Goto racontait, sur son site internet Independent Press, [3] son expérience de journaliste à travers le monde. Il a écrit [4] sur un voyage qu'il a effectué au Sinaï en juillet 2014, un article qui nous éclaire peut-être sur les raisons de son travail de journaliste :

[To be or not to be]
世界各地で、なぜ、こうも衝突が絶えないのだろう?
その一方で、全世界中にに漂うグローバル化の疲れや失望-「私たちには正直わからない」「私たちだけは安全なはず・・・」「自分の家族が一番大事」といったある種開き直った意識。
“What can I do?”

“Etre ou ne pas être…”

Pourquoi y a-t-il tant de conflits dans le monde, pourquoi ne peut-on pas les arrêter? D'un autre côté j'ai une nouvelle approche de la lassitude et des déceptions apportées par la mondialisation.

Par exemple, [quand ils sont confrontés à la dure réalité] beaucoup de gens sont sur la défensive et pensent “qu'il y a tellement de choses que l'on  ne sait pas” ou “que l'on est en sécurité chez nous quand on compare avec le reste du monde…”, ou “que notre famille est ce qu'il y a de plus important à nos yeux.”

Face à de telles situations, la seule question à se poser est: “Moi, que puis-je faire?”

Déjà avant que la Force Terrestre d'Auto-Défense Japonaise ne soit envoyée en Irak pour participer à la reconstruction [5] de ce pays en janvier 2004, Goto écrivait des articles sur son site quand il était en Irak en novembre 2003.

Goto discutait [6] de l'importance de travailler comme journaliste japonais en Irak.

自衛隊を送っているというのに、国民はイラクの実情を知る機会がなくなっていく。材料がなくて、どうやって延長の是非や撤退するか否かの議論を進めていくのか?
イラクは現在進行形だ。「ベルリンの壁崩壊」のような一言で記される史実ではなく、日本の戦後と同じように、戦争-占領-復興(新国家建設)というひとつのサイクルだ。歴史が今生まれていっているのに、それを映像で記録しておきたい、書き記しておきたいと思わないのだろうか。われわれは、過去の記録映像を見て人間の歴史を考察したり、歴史から学んだり、感嘆したり、するのではないか。それが、われわれが後の時代に生きる子どもたちに残してあげられるものではないか。

Après l'envoi de la Force Terrestre d'Auto-Défense Japonaise en Irak par le gouvernement, les Japonais n'ont plus eu la possibilité de savoir ce qu'il se passait ici.

Sans information comment peut-on apprécier si la Force Terrestre d'Auto-Défense Japonaise doit rester en Irak ou rentrer?

L'Irak change mais ce n'est pas aussi simple que la chute du mur de Berlin. Au contraire, l'Irak est entré dans un processus de reconstruction tout en étant occupé.

Quand l'histoire est en train de se faire, comment ne pas prendre des photos et décrire ce qu'il se passe ?

Quand on remonte l'histoire grâce à des photos d'époque, on en apprend beaucoup sur l'histoire et c'est très émouvant, non ? N'est-ce pas cela que l'on veut laisser aux générations futures ?

Dès le début de la guerre civile en Syrie en 2011, Goto a parcouru le pays et a interrogé les habitants de la zone en guerre. Goto écrit sur son site [7] : quel avenir ?

街に残るスンニ派の住民と出会いました。
電気や水道を止められ、わき水をくみ、廃材やまきで火をおこし生活していました。
この男性は、妻や子どもを遠くの街に避難させ、家や家畜を守るために、ひとり街に残ったと言います。
「ヘリコプターがこない時に水をくむ。
畑仕事をしているだけなのに攻撃される。」
子供たちが国外に逃れ、家族がばらばらになってしまったと嘆く夫婦もいました。
「こんな生活、もう限界です。
皆追い出されて、息子たちは国外へ逃げました。」

J'ai rencontré des musulmans sunnites qui vivent dans la ville.

Il n'y a ni eau ni électricité. Pour vivre ici les habitants doivent pomper l'eau dans la nappe phréatique et ils utilisent du bois de récupération pour faire du feu.

Il y a un homme qui reste seul ici pour protéger la maison de sa famille et son bétail. Il a envoyé sa femme et ses enfants se réfugier dans une ville très loin d'ici.

Un autre couple dit que sa famille est brisée parce que ses enfants ont dû fuir à l'étranger.

“Quand il n'y a pas d'hélicoptères du gouvernement, nous pompons l'eau de la nappe phréatique. Ils nous ont attaqués alors que nous tavaillons à la ferme. Nous n'en pouvons plus de cette vie. Il vont tous nous chasser du pays. Nos enfants ont déjà fui à l'étranger.”

Goto décrit [8] aussi comment les Syriens ont essayé de se protéger:

政府軍は、戦車中心の地上戦から戦闘機による空爆に戦いの方法を大きく転換。兵士たちの姿は街から消え、基地の中から迫撃砲で周辺の町や村を攻撃する。24時間、東西南北で砲撃音や空爆の音が続く。
「一枚ではない」と揶揄される自由シリア軍。町や村あるいは家族や親戚といった小さな単位でグループを構成し、血の結束の強さと信仰心にもとづくまとまりの良さは政府軍とは違った独特の結束強さがある。しかし、彼らの戦いは「進軍する」というものではない。任務は、あくまでも自分の町や村を「守る」ことなのだ。

Les forces gouvernementales ont changé de stratégie, ils sont passés des attaques au sol avec des chars à des frappes aériennes. En conséquence, les soldats qui étaient en ville ont disparu, mais les bases militaires attaquent les villages et les villes alentours au mortier.

On entend partout le bruit des mortiers et des attaques aériennes 24 heures sur 24.

Les gens plaisantent sur l'Armée de Libération Syrienne [9]: “Difficile de traiter avec eux.” Dans les villes et villages, les membres d'une même famille se soutiennent.

Ces petits groupes sont très liés par les liens du sang et leurs croyances sont un avantage face aux forces gouvernementales. Cependant, ils ne se battent pas pour dominer mais pour protéger leur ville ou leur village.

Sur la zone de guerre, Goto a été confronté à la mort de ses amis locaux, et il fait part de [10] sa tristesse:

なぜ、彼らは死ななくてはならなかったのか?希望の光射す未来と無限の才能を持っていたのに。これから好きな女性ができて、結婚して、子どもを産み、家族を持てる十分な機会があったはずなのに。戦いに疲れ果てた人たちは口々に言う。「死んだ者は幸いだ。もう苦しむ必要はなく、安らかに眠れる。生きている方がよっぽど悲惨で苦しい」と。皮肉だが、本音だ。[…]
そして、ハムザ。戦争孤児や貧しい家庭1,000世帯に、毎朝パンを届ける慈善団体を切り盛りする天才肌の若者だった。7月10日、空爆の犠牲になった。
彼らは、いつも笑顔でこちらの頼みを聞いてくれた。一緒にお茶を飲み、甘いお菓子を食べた。感謝のしるしに日本製の時計を、コンデジを、プレゼントした。戦時下では、プレゼントできること自体が嬉しいものだ。
世界各地の紛争地帯で、私の仕事を手伝ってくれた人たちが、もう何人亡くなっただろうか?
でも、私はまだ生きている。生きて自国に戻り、「伝える」仕事に集中することができる。
彼らが死ぬなどと真にイメージしたことは正直なかった。
鮮烈に蘇る(在腦帶中可以清楚回憶起)彼らの優しい笑顔。
ボー然としたところで、「なぜ?」と考えたところで、彼らはもう戻って来ない。
どうか、神様。彼らに安らかなる日々をお与えください。

Pourquoi ont-ils été tués? Ils avaient l'espoir et l'avenir devant eux. Ils auraient eu l'occasion de rencontrer une femme, de se marier, d'avoir des enfants et de fonder une famille.

Ceux qui souffrent de la guerre disent, “Ils ont de la chance ceux qui sont morts, ils ne souffrent plus. Ils reposent en paix maintenant. Vivre est horrible.” C'est ironique, mais c'est vraiment ce qu'ils pensent.

Et puis il y a eu Hamza, un jeune home sympathique et intelligent qui aidait les organisations humanitaires en distribuant du pain à près de 1000 orphelins de guerre et à des familles dans le besoin. Il a été tué par les frappes aériennes le 10 juillet. A chaque fois que je lui demandais de m'aider il avait toujours un large sourire. On buvait du thé et on mangeait des gâteaux ensemble. Pour le remercier je lui avais donné une montre japonaise, un petit appareil photo numérique, et d'autres petits cadeaux. En temps de guerre, c'est bien de pouvoir offrir un cadeau à quelqu'un.

Dans la zone de guerre, combien de personnes qui m'ont aidé ont été tuées?

Mais je suis vivant. Je survis pour retourner dans mon pays et raconter aux gens ce qui se passe ici.

Je n'avais jamais pensé qu'ils pourraient être tués.

Aujourd'hui je me rappelle parfaitement du sourire de Hamza.

Peu importe le temps que je passe à me demander “pourquoi”, ils ne reviendront jamais.

Mon Dieu, faites qu'ils reposent en paix.

Après avoir été témoin de ces nombreuses tristes histoires, Goto écrit dans un tweet [11] en décembre 2010 que la seule chose qu'il puisse faire c'est poursuivre son travail de journaliste:

Il ne faut pas pleurer quand on travaille. Il faut seulement que je rapporte clairement ce que je vois: la bêtise et la laideur des êtres humains, l'injustice, la tristesse, les conditions dangereuses. Mais cependant, la douleur reste la douleur, et elle tourmente mon âme. Si je ne me parle pas, je ne peux pas continuer ce travail.

Après la mort de Goto, l'un de ses tweets [12] a été retwitté près de 40.000 fois en souvenir de son travail au Moyen-Orient et de sa foi dans la paix:

Ferme les yeux. Supporte. Si on se met en colère et si l'on crie, on est condamné. C'est comme une prière. La haine ne devrait pas habiter les êtres humains. Le jugement appartient à Dieu. Voilà ce que m'ont appris mes frères arabes.