Guinée: Forte chute de la production agricole et menace de famine à cause du virus Ebola

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Dans son rapport daté du 15 février, l'Organisation mondiale de la santé relève que depuis le début de l'épidémie qui sévit en Guinée, en Sierra Leone et au Liberia depuis bientôt 14 mois, il y a eu plus de 23 000 cas confirmés, suspects ou probables  d'infection, qui a provoqué plus de 9 000 décès déclarés (de nombreux cas ne sont pas connus).

Cette épidémie est en train de mettre à genoux l'économie de ces pays. La Banque mondiale estime que les pertes cumulées de croissance dues à l’épidémie se chiffreront en 2015 à 1,6 milliard de dollars pour les trois pays. En 2014, le Libéria et la Sierra-Leone enregistraient une progression du PIB respectivement de 2,2 % et de 4 pour cent contre des prévisions de 5,9 % et de 11,3 % avant la crise. Sur le plan de la bataille contre l'épidémie, la victoire est proche avec une réduction des nouveaux, grâce à l'aide internationale, notamment de l'armée américaine et une politique nationale volontariste, avec la mise en quarantaine de tout le pays en Sierra Leone ou de certaines régions, accompagnée de campagnes d'information et d'éducation des populations.

C'est en Guinée, que la situation est la plus préoccupante. Déjà plus faible que dans les deux autres pays, en 2014, le taux de croissance est tombé à 0,5 %, contre 4,5 % avant l’épidémie, selon la Banque mondiale. Tous les secteurs de l'économie tournent au ralenti. Ce ralentissement de la croissance a augmenté l’insécurité alimentaire et fait peser une menace encore plus forte sur les populations les plus pauvres et vulnérables. En Guinée, ce sont plus de 230 000 personnes qui se retrouvent en situation d’insécurité alimentaire, mais elle avertit que ce nombre pourrait atteindre 470 000 personnes en mars 2015, si rien n’est fait. Toute la production agricole a enregistré des chutes importantes, la production de riz a baissé de 20 %, celle du blé de 25 %, celle de café de moitié et celles de cacao d’un tiers.

Après 14 mois depuis le décès de la première victime, la résistance des populations continue à être forte résultant en des affrontements avec les forces de l’ordre, avec des morts et la destruction de biens. C'est ainsi que dans une note publiée le 12 février, le Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge déplore des violences dont sont victimes des volontaires: 

Depuis juillet 2014, les volontaires de la Croix-Rouge en Guinée ont subi une dizaine d’attaques par mois, qui vont des agressions verbales à des actes de violence physique. L’incident le plus récent est survenu dimanche 8 février à Forécariah, dans l’ouest de la Guinée. Deux volontaires de la Croix-Rouge guinéenne ont été battus alors qu’ils étaient venus dans la ville pour organiser un enterrement digne et sécurisé d’un membre de la communauté.

Plus tot ce mois-ci, l’interpellation d’un imam, accusé d'avoir mené des rites funéraires sur une personne suspectée d'avoir succombé au virus Ebola a provoqué des affrontements. Bandjou Keith présentant les faits sur le site guineeunivers.com, rappelle que:

Ce n’est pas la première fois que les jeunes de yimbaya [un quartier de la banlieue de Conakry] expriment leur réticence face à l’épidémie d’Ebola dans leur quartier. On se rappelle il y a quelques mois, ils ont manifesté contre les autorités gouvernementales et communales de Matoto, les responsables de la coordination de lutte contre Ebola, les Ambassadeurs des Etats-Unis d’Amérique et de la France et les agents de médecins sans frontières (MSF) venus pour procéder à la réunion d’une sensibilisation en vue de la construction d’un centre de traitement Ebola dans ledit quartier. 

Sidy BAH de VisionGuinee.Info rapporte un incident survenu à Faranah, environ 450 Km de Conakry:

Le virus des rumeurs semble se propager plus vite qu’Ebola. De Conakry à Coyah en passant par Dabola et Faranah, les colporteurs des rumeurs gagnent du terrain. Vendredi, la tension était vive à Faranah où des élèves affolés s’en sont pris au centre de Transit Ebola de la localité

D'après Sidy Bah, ce sont des rumeurs parvenues dans les écoles de la commune urbaine de Faranah faisant état de l'arrivée d’une équipe sanitaire pour vacciner les écoliers qui ont déclenché les violences. Dans son billet, il donne des précisions sur le mécanisme qui a déclenché les troubles:

Le Centre de Transit Ebola, encore non achevé, situé à proximité de la cité Niger a été saccagé par des écoliers survoltés. Une équipe de Médecins sans frontières chargée d’opérationnaliser le Centre a échappé de peu à un lynchage.

Leur véhicule a été incendié par une foule furax. A l’allure où vont les choses la stratégie ‘’zéro Ebola en 60 jours‘’ se dirige tout droit vers l’échec si rien n’est fait pour arrêter les rumeurs.

Ceux ne sont là, malheureusement que quelques exemples des violences qui ont cours dans tout le pays contre les équipes sanitaires. Au cours de la semaine qui s'est terminée le 15 février, l'OMS rapporte que dans 13 préfectures on a signalé au moins un incident de sécurité.

Le Président américain Barack Obama, lors de l'annonce du début du retrait des soldats américains résumait les progrès enregistrés dans la lutte contre le fléau dans les trois pays expliquait que c'était en Guinée que le chemin à parcourir est le plus long. Analysant ce discours dans un billet publié sur guineenews.org, Amadou Tham Camara constatait:

Depuis le début de l’épidémie, la coordination nationale de lutte contre Ebola est éberluée, toujours avec une longueur… de  retard. Les stratégies subrepticement concoctées par Dr Sakoba, pour vaincre le Mal en Six mois, en 90 jours et maintenant en 60 jours, se sont toutes révélées inefficaces, les unes plus que les autres. 

Incapable de rompre les chaînes de contamination, la coordination s’est résolue, en désespoir de cause,  de faire de l’omertà, depuis plusieurs mois, sur les chiffres des sujets “contacts” (les malades potentiels) dans ses communications hebdomadaires. Sans doute, pour ne pas heurter les sensibilités. 

Mais, à ce train, tout porte à croire qu’à l’instar du patient zéro, le dernier patient d’Ebola sera…..un guinéen.

“Zéro Ebola en 60 jours” est un slogan que les chefs d'état des trois pays les plus touchés s'engagent à atteindre à compter du 15 février. Pour le moment, par déficit d'information et de sensibilisation, la situation est loin de s’améliorer en Guinée. 

Outre les conflits avec les forces de sécurité et des violences contre le personnel soignant, on enregistre des cas de contamination dans des zones où aucun cas n'avait été officiellement enregistré au préalable.  Par exemple, le site internationalsos.com relève qu'au cours de la semaine se terminant le 8 février, seulement 18 pour cent des nouveaux cas avaient été enregistrés dans des zones déjà infectées, alors que dans une situation idéale ce chiffre devrait être équivalent à 100 pour cent.

L‘OMS explique les risques que lorsque des personnes meurent à cause du virus dans leur communauté cela signifie que non seulement elles n'ont pas reçu de traitement, mais aussi que d'autres membres de la communauté ont été exposés à contracter le virus. Plus de 30 sépultures dangereuses ont été relevées, et 21 décès sont survenus dans les communautés plutôt que dans les centres de traitement.

C’est la preuve que malgré les discours officiels, la situation est loin d’etre maitrisée. Ce ne sont pas les populations qui sont à blâmer, ce sont plutôt les autorités qui fixent le nombre de jours pour vaincre le virus, mais ne communiquent pas suffisamment ou efficacement sur comment l’éradiquer.

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