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Une procureur anti-terrorisme assassinée en Ouganda

Catégories: Afrique Sub-Saharienne, Ouganda, Guerre/Conflit, Médias citoyens, Politique
Joan Kagezi. YouTube screen capture. [1]

Mme Joan Kagezi. Capture d'écran sur YouTube

Les Ougandais ont été plongés dans un état de choc le soir du 30 mars 2015 lorsque la Procureur Joan Kagezi a été abattue à Kiwatule, une banlieue de la ville de Kampala, rentrant du bureau au volant de sa voiture avec ses enfants. Mme Kagezi menait une enquête contre les auteurs des doubles attentats d'al-Shabab [2], en juillet 2010 lors de la Coupe du Monde de football, tuant 74 personnes et en en blessant 70 autres. Mme Kagezi devait interroger un témoin sur la façon dont les explosifs ont été assemblés et transportés à Kampala.

L'information s'est répandue d'abord sur les réseaux sociaux, sous le hashtag #KiwatuleShooting [3]. Raymond Qatahar, un journaliste d'investigation, a donné l'information sur Twitter puis confirmé l'identité de la personne tuée :

Les infos reçues sont que la femme tuée était procureur dans l'affaire des suspects de terrorisme qui devait reprendre demain à la Haute cour.

DERNIERE MINUTE : Un témoin oculaire raconte qu'il y a eu une fusillade à Najjera Kiwatule. Une femme dans une voiture a été abattue à bout portant

Un témoin oculaire raconte: “Deux hommes sur un boda boda [moto-taxi] sont arrivés à la hauteur de sa voiture et un d'entre eux a tiré sur elle plus de quatre fois à bout portant”

Les citoyens inquiets ont immédiatement commencé à exiger des réponses des autorités :

Pourquoi une haute personnalité du rang de procureur se déplaçait sans aucune protection est également troublant

La grande question au gouvernement : Avons-nous même un semblant de programme de protection des témoins en Ouganda?

Qwenga, un blogueur ougandais, a souligné ce qu'il considère comme une faille dans l'infrastructure de la sécurité nationale du pays :

Le problème est que les services de sécurité ougandais pensent que les alertes terroristes concernent uniquement des explosions de bombes.

Angelo Izama, écrivain et blogueur ougandais, a écrit::

Mon analyse était que si la confiance publique était retirée aux institutions d'arbitrage de conflit, la justice entrerait au marché noir

 

Lorsque les règles de protection varient selon le statut social, l'impunité va augmenter

Benjamin Rukwengye, un autre utilisateur de Twitter, craint qu'on en fasse trop pour les personnalités de haut rang, tandis qu'un plus grand nombre de décès passent inaperçus par l'opinion publique :

Les pauvres meurent par dizaines, comme ça. Nous les utilisons comme des statistiques et ne posons pas les questions difficiles. Réflexions peut-être? 2/2

Sur Facebook, Nicholas Opio, un avocat ougandais qui a travaillé avec Mme Kagezi est affligé [18]:

J'ai travaillé avec elle dans les affaires de Kwoyelo. J'ai parcouru le monde avec elle pour des réunions. Repose en paix Joan. Cet acte lâche et criminel n'a pas de place dans notre société. Ces lâches doivent être recherchés, arrêtés et ils doivent être tenus responsables et doivent faire face aux rigueurs de la loi.

Richard Anguria Omongole craint que les enquêtes [19] de police ne puissent produire de résultats:

Terrible, terrible, ce acte de lâcheté. Mon inquiétude, comme pour de nombreux cas précédents, est que la police ne trouvera rien et commencera à chercher des querelles familiales. C'est ce qui nous met tous en danger. RIP Joan

Le maire de Kampala, Erias Lukwago, qui a été démis de ses fonctions, a exprimé [20] sa tristesse:

Suis très attristé par la nouvelle de l'assassinat horrible de ma collègue juriste, JOAN Kagezi, procureur principal de l'Etat. Mon coeur va aux enfants traumatisés, qui étaient sur les lieux de ce crime odieux à Kiwatule. Que son âme repose dans la paix éternelle

Entre-temps, le chef de la police ougandaise, le Général Kale Kayihura a publié une déclaration [21] sur Facebook:

Ce soir, lundi 30 mars 2015, la procureure Joan Kagezi, chef de la section antiterrorisme et crimes de guerre près la haute Cour ougandaise, a été abattue à 19h15, près de sa résidence à Kiwatule, une banlieue de la ville lorsqu'elle rentrait à la maison avec ses enfants.

Elle s'était arrêtée à son étal de fruits habituel au bord de la route, lorsque les criminels sur une moto de type boxer, de couleur rouge, se sont arrêtés à côté du véhicule stationné et lui ont tiré deux fois dans le cou et l'épaule, par la fenêtre du côté du conducteur. Elle conduisait le véhicule elle-même.

Le directeur du CIID, l'inspecteur général adjoint de la police Grace Akullo qui, par hasard conduisait à une certaine distance derrière elle, a été le premier policier à arriver sur la scène.

Elle a coordonné l'évacuation de la défunte à l'hôpital Mulago, où la victime a été déclarée morte à l'arrivée. Ses trois enfants qui étaient avec elle sont sortis indemnes.

Mme Joan Kagezi était en charge de la Division des crimes internationaux tels que le terrorisme, les crimes de guerre et la traite des personnes.

Au moment de sa mort tragique, elle était le procureur principal dans l'affaire des personnes soupçonnées dans l'attentat terroriste de 2010, maintenant devant la Haute Cour.

Elle travaillait aussi avec la police dans la poursuite des suspects dans la récente vague de meurtres, de vols et de terrorisme dans la région de Busoga et Kampala. Sa mort est une grande perte pour le pays.