Netizen Report : une surveillance abusive au nom de la lutte contre le terrorisme

Cartoon by Duverdier. Posted on Twitter by Jean-Baptiste Daubier.

illustration de Duverdier sur Twitter, postée par Jean-Baptiste Daubier

Le Netizen Report de Global Voices Advocacy offre une veille internationale des défis, des victoires, et des nouvelles tendances en matière de droits de l'Internet à travers le monde.

Les défenseurs français des libertés numériques naviguent actuellement entre inquiétude et perplexité  [fr] en matière de sécurité sur Internet, dans le sillage de l'attentat contre Charlie Hebdo. Depuis janvier, des centaines d'utilisateurs d'Internet ont été sanctionnés pour des commentaires sur les controverses politiques entourant l'attentat. Et le ministère français de l'Intérieur a ordonné aux fournisseurs de services Internet de bloquer cinq sites Web [fr] qui, selon lui, se montraient tolérants envers le terrorisme. Selon l'AFP, parmi les sites bloqués figurent al-Hayat Media Center, qui a été identifié comme média associé à ISIS. Le site Islamic-news.info, a également été bloqué. Aucun de ces blocages n'a été ordonné par un juge. Un fonctionnaire du ministère de l'Intérieur, anonyme, a déclaré qu'il s'attendait à ce que de telles interdictions soient émises contre des “dizaines” de sites supplémentaires, en application des nouvelles règles antiterroristes proposées en novembre et adoptées en février.

 Nils Muiznieks, Commissaire pour les droits de l'homme du Conseil de l'Europe, a critiqué la France [fr] pour ces mesures, en disant que “limiter des droits de l'homme afin de lutter contre le terrorisme est une grave erreur et une mesure inefficace pouvant même aider la cause des terroristes.” [fr]

Le projet de loi présentée actuellement devant les chambres françaises accorderait aux services de renseignement du pays des pouvoirs élargis [fr] de surveillance tant pour les communications téléphoniques que pour Internet. Ce projet de loi permettra aux autorités [fr] d'accéder aux données privées de suspects de terrorisme et d'exiger des entreprises qu'elles permettent aux services de renseignement d'enregistrer des métadonnées.

Le projet de loi prévoit la création d'une instance indépendante pour le superviser ;  il prévoit aussi un recours qui permettrait aux personnes de contester leur surveillance. Il prévoit également de doter la France d'un tribunal administratif de haute instance pour mettre fin à une surveillance. L'association La Quadrature du Net, a déploré [fr] que les mesures de recours aient malheureusement lieu post-facto, au lieu de demander à un juge de statuer avant d'espionner les citoyens ; les autorités vont surveiller les citoyens en masse et ensuite seulement gérer les conséquences, si et quand elles sont contestées.

La Turquie utilise l'exemple français pour justifier sa censure

Le Parlement turc a approuvé un nouvel article [fr] à un projet de loi qui permettrait à la Direction des télécommunications, ou TIB, de supprimer ou de bloquer un contenu en ligne dans les quatre heures d'une décision prise par un ministre – sans l'autorisation du tribunal. La TIB serait alors tenue de soumettre la décision à un juge pour approbation, et si elle n'est pas autorisée dans les 48 heures, le blocage sera automatiquement suspendu. L'article vise les contenus que les autorités estiment “mettre en danger le droit d'un individu à la vie et à la propriété, constituer une menace pour la sécurité nationale ou l'ordre public, inciter à une activité criminelle ou présenter un risque pour la santé publique.” L'article permet également à la TIB d'exiger que les fournisseurs de services Internet soumettent les données personnelles des utilisateurs pour aider la police à localiser des suspects. En réponse aux critiques qui soulignaient que ces mesures violaient les libertés numériques, le ministre turc pour l'UE a déclaré [fr] que le projet de loi était compatible avec les normes de l'Union et il a cité la récente censure de sites en France pour justifier la démarche.

Un journaliste macédonien s'exprime à propos de la surveillance

Dans la foulée des révélations sur le gouvernement macédonien, qui surveille des téléphones mobiles de milliers de citoyens, dont de nombreux militants et journalistes, la journaliste d'investigation Meri Jordanovska a décidé de s'exprimer publiquement. Plusieurs journalistes, dont Meri Jordanovska, ont reçu le contenu de ces conversations enregistrées grâce à des fuites de données transmises aux dirigeants politiques de l'opposition. Après avoir examiné son propre fichier, qui contenait des enregistrements de plusieurs conversations privées avec ses sources et ses contacts personnels, Meri Jordanovska a écrit:

Ce dossier était plus que suffisant pour moi pour comprendre ce qui se passe dans mon pays. Je peux clairement voir que quelqu'un savait à l'avance sur quelle enquête je travaillais. C'est assez pour conclure que mes sources d'information étaient en danger. Cela suffisait aux autorités pour être en mesure de réagir préventivement avant que l'article ait été publiée.

 

La Cour suprême indienne dit non à la censure

La Cour suprême de l'Inde a estimé que la Section 66A de la loi sur les technologies de l'information du pays était anticonstitutionnelle [fr], la jugeant “vague dans son intégralité” et comme étant une infraction au “droit de savoir.” La loi autorise la police à arrêter les utilisateurs d'Internet qui ont publié ou envoyé des contenus en ligne jugés “injurieux”, et elle avait été largement critiquée [fr] par les militants qui y voyaiient un outil pour cibler l'opposition politique. Dans un billet de blog pour le Centre for Internet and Society de Bangalore, M. Pranesh Prakash fournit un historique détaillé de la loi et des raisons pour lesquelles elle a été jugée anticonstitutionnelle.

Le site anti-censure chinois GreatFire.org sous attaque

Le site de surveillance de la censure GreatFire.org a été frappé d'une attaque par déni de service  [fr]/ Il a reçu 2,6 milliards de requêtes à l'heure pour ses sites miroirs le jeudi 19 mars. L'attaque a eu lieu peu de temps après que le site ait été présenté dans un article du Wall Street Journal. Le site GreatFire a écrit sur son blog : “Nous sommes attaqués et nous avons besoin d'aide. … Ce genre d'attaques est agressif et est une démonstration de force de la part de la censure. “Comme c'est souvent le cas dans des attaques de cette nature, il est difficile de savoir qui était responsable de l'attaque. GreatFire.org fournit aux utilisateurs en Chine continentale l'accès à de grands sites  y compris le New York Times, la BBC, Google.com, et Deutsche Welle.

Le site de l'organisation Human Rights Watch brièvement bloqué en Egypte

Le site Web de l'ONG Human Rights Watch a été bloqué pour les utilisateurs durant la Conférence sur le développement économique en Egypte, aussi connu comme  Egypt the Future [fr]. Le blocage a été remarqué par la journaliste égyptienne Salma Elmardany et semble avoir été levé après qu'elle ait tweeté à ce sujet pour ses 80 000 followers.

Twitter a expérimenté une nouvelle fonction anti-harcèlement

Twitter a commencé a testé un nouveau “filtre de qualité” pour dépister les tweets qui contiennent un langage menaçant et abusif. La nouvelle fonctionnalité, qui est actuellement disponible pour les “utilisateurs fiables” uniquement, est la dernière tentative de Twitter pour réduire le harcèlement sur sa plate-forme.

Les Principes de Manille sur la responsabilité des intermédiaires

Plusieurs groupes de la société civile, y compris l'Electronic Frontier Foundation, Fundación Karisma Colombie et l'Institut Héliopolis d'Egypte se sont réunis pour lancer les Principes de Manille sur la responsabilité des intermédiaires durant la conférence RightsCon. Les Principes proposent un cadre de bonnes pratiques pour les intermédiaires en ligne tels que les fournisseurs de services Internet, les réseaux sociaux ainsi que les moteurs de recherche, et comprennent des principes tels que l'exigence que l'accès au contenu ne puisse être restreint sans une ordonnance du tribunal, que les demandes de restrictions de contenus soient claires et sans ambiguïté, et que les lois et les politiques de restriction de contenus respectent une procédure régulière.

Ellery Roberts Biddle, Lisa Ferguson, Hae-in Lim, Filip Stojanovski, et Sarah Myers West ont contribué à la rédaction de ce billet.

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