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La situation dans le camp de réfugiés de Yarmouk a atteint un niveau catastrophique

Catégories: Afrique du Nord et Moyen-Orient, Syrie, Action humanitaire, Dernière Heure, Guerre/Conflit, Médias citoyens, Réfugiés
Residents of Yarmouk Refugee Camp in Damascus, Syria. Photo: UNRWA/Walla Masoud

Des habitants du camp de réfugiés de Yarmouk, à Damas, en Syrie. Photo: UNRWA/Walla Masoud [1]

La situation dans le camp de réfugiés palestiniens de Yarmouk, à Damas en Syrie, a atteint un niveau catastrophique, d'après [2] [anglais, comme les liens suivants] l'Organisation des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine auProche-Orient (UNRWA). Il est encore difficile de savoir exactement ce qui se passe à l'intérieur du camp, mais des comptes-rendus d'activistes locaux [3] suggèrent qu'une grande partie du camp a été envahie par les groupes Etat Islamique et Front al-Nosra, un groupe affilié à Al Qaida, qui combattent à la fois les Palestiniens et les milices syriennes dans le camp.

Pour rendre les choses encore pires, le gouvernement syrien bombarde le camp depuis dimanche [5 avril], d'après ce qu'ont rapporté l'activiste local Hatem al-Dimashqi et l’Observatoire syrien des droits de l'homme [4], organisme basé à Londres qui suit le conflit syrien via un réseau d'activistes locaux.

Dans une déclaration officielle [5], Pierre Krähenbühl, Commissaire général de l'UNRWA, a affirmé que la situation à Yarmouk était “plus désespérée qu'elle ne l'a jamais été”, ajoutant qu'il était désormais “tout simplement trop dangereux d'aller à Yarmouk”. Ils sont pour le moment 18.000 civils piégés à Yarmouk, dont 3.500 enfants, à vivre dans des conditions dramatiques. “Pour l'instant, ce qui occupe l'esprit des gens de Yarmouk, c'est simplement de survivre”, a-t-il ajouté. Tweetant de Jordanie, Krähenbühl exorte la communauté internationale à agir immédiatement, pour sauver les civils de Yarmouk.

C'est le moment de se mobiliser au niveau international pour sauver les Palestiniens et les civils syriens de Yarmouk. Il faut appeler les leaders mondiaux à agir avant qu'il ne soit trop tard. #SaveYarmouk [6] [SauverYarmouk]

Le carnage à Yarmouk est épouvantable. La crédibilité de la solidarité internationale est en test. Les politiciens, chefs religieux et autres leaders mondiaux doivent agir pour #SaveYarmouk [6]  [SauverYarmouk]

S'adressant à la chaine d'information allemande Deutsche Welle [9], Christopher Gunness [10], porte-parole de l'UNRWA, a souligné que la situation était déjà catastrophique avant l'escalade de ces dernières semaines, décrivant Yarmouk comme “un endroit où des femmes sont mortes en donnant naissance à leur enfant à cause du manque de soins médicaux, et où il a été rapporté que des enfants sont morts de malnutrition. Donc les choses étaient déjà dramatiques. En septembre dernier, la principale source d'eau dans le camp avait été détruite. Les gens sont donc extrêmement dépendants des fournitures de l'UNRWA. Les choses étaient absolument inhumaines. Franchement, Yarmouk était une descente aux enfers. Et avec le début de ces combats sanglants, les choses se sont dramatiquement empirées.”

L'inaccessibilité actuelle de Yarmouk a déjà des conséquences terribles pour les civils piégés là-bas, mais il est désormais impossible d'estimer correctement les dégâts. Selon l'habitant de Yarmouk Hakim Said, qui a parlé à “Syria Direct” [11] [lien supprimé] le mois dernier, avant la prise de contrôle par le groupe Etat Islamique, l'aide envoyée par l'UNRWA est loin d'être suffisante pour subvenir aux besoins des civils, qui sont déjà extrêmement dépendants de l'UNRWA pour survivre – 95 % de la population palestinienne en Syrie est totalement dépendante de l'UNRWA [12]. “Nous ne sommes pas satisfaits car nous ne savons pas quand nous pourrons avoir d'autres colis d'aide”, a-t-il déclaré. “Nous allons finir ceux que nous venons de recevoir en une semaine. La quantité de pain n'est pas suffisante pour tenir plus de deux jours.”

Funeral of two killed by shelling inside of Yarmouk refugee camp in Syria, April 2015. (Photo: Jafra Foundation for Youth Development and Relief)

Les funérailles de deux personnes tuées par un bombardement dans le camp de réfugiés de Yarmouk, en Syrie, en avril 2015. (Photo: Jafra Foundation for Youth Development and Relief [13])

Parmi les groupes armés combattant le groupe Etat Islamique et le Front al-Nosra, il y a Jaysh al-Islam [14] et, de manière plus présente, Aknaf Beit al-Maqdis [15]. Un porte-parole de Jaysh al-Islam a déclaré [16] au journal The Guardian que son groupe avait tué 80 combattants du groupe Etat Islamique et qu'ils “pouvaient évidement répéter cet assaut”. En outre, dans une déclaration officielle publiée sur Twitter, Aknaf Beit Al-Maqdis a déclaré être actuellement en train de combattre les groupes Etat Islamique et Front al-Nosra :

Au nom de Dieu, le Plus Gracieux, le Plus Miséricordieux, […] vos frères, Aknaf Beit Al-Maqdis, font face à l'attaque barbare du camp de Yarmouk par les criminels du groupe Etat Islamique, qui sont en coopération avec Front al-Nosra depuis 4 jours. […]  Nous, Aknaf Beit Al-Maqdis, défendons la capitale de la diaspora palestinienne et le sang des nôtres […]

Jaysh Al Islam a aussi relayé cette déclaration, publiée sur son Twitter anglais [14], félicitant Aknaf Beit Al-Maqdis et condamnant le Front al-Nosra pour son alliance avec le groupe Etat Islamique :

Déclaration à propos des événements récents dans le camp de Yarmouk pic.twitter.com/WchHaIVrNf [22]

Sur Mondoweiss [24], la Fondation Jafra pour le secours et le développement de la jeunesse [25] [arabe], une ONG humanitaire basée à Yarmouk, a tenu une chronique entre le 1er et le 4 avril pour raconter les événement récents. En plus des informations relatées ci-dessus, la Fondation Jafra a documenté les meurtres d'activistes de Yarmouk, à la fois par le groupe Etat Islamique et par le régime syrien. Parmi les victimes, figuraient Jamal Khalifeh et Majed Al Omari. Jamal Khalifeh, 27 ans, qui a été tué par un bombardement du régime, était un activiste sur les médias et le co-réalisateur du court métrage ‘Siege [26]‘, qui mettait en lumière la vie sous le siège de Yarmouk. Majed Al Omari était un coordinateur des services de l'équipe de Jafra, il avait 21 ans. Il a été tué le 3 avril par les forces du groupe Etat Islamique, “d'une balle d'un sniper dans la rue près de chez lui”.

Left: Jamal Khalifeh. Right: Majed Al Omari.

Gauche: Jamal Khalifeh. Droite: Majed Al Omari. Photos: Jafra Foundation for Youth Development and Relief [13]

Mohamad Bitari, le porte-parole basé en Espagne du Réseau d'organisations de la société civile palestinienne en Syrie, et lui même né à Yarmouk, a été interviewé par la contributrice de Global Voices Leila Nachawati [27] pour le journal espagnol El Diario [28]. Dans l'interview, il décrit la situation sur place. Voici quelques extraits de ses réponses:

[…] Les combats se déroulent sur plusieurs fronts, contre le groupe Etat Islamique et les forces de Bachar Al-Assad en même temps. C'est très dur, mais ça ne s'arrête pas […] Le camp est occupé depuis deux ans, isolé, avec des gens qui meurent de faim, mais il résiste toujours. Le régime n'a pas réussi à soumettre le camp et il utilise l'entrée du groupe Etat Islamique pour justifier sa destruction totale.

Quand Nachawati lui demande s'il sous-entend que Bachar Al-Assad a joint ses forces à celles de l'Etat Islamique pour “en finir avec Yarmouk”, il répond:

Le jour où le groupe Etat Islamique est entré dans le camp, les avions de Bachar Al-Assad ont lâché entre 15 et 20 bombes-barils pendant des heures, ainsi que des dizaines de roquettes. Ils se sont concentrés sur les zones occupées par des civils, pas sur les zones où le groupe Etat Islamique avançait. C'est facile à vérifier. Le fait que ces deux là [le régime syrien et le groupe Etat Islamique] se soient affrontés officiellement ne veut pas dire qu'ils n'aient pas d'objectifs communs.

Parallèlement, en Palestine, le Hamas [29] [arabe] basé à Gaza ainsi que l’Organisation de Libération de la Palestine [30] (OLP) basée en Cisjordanie ont sévèrement condamné le groupe Etat Islamique et relaient l'appel de l'UNRWA pour une aide internationale. Le Hamas a tenu une conférence à Gaza, suivie par des centaines de personnes, avec l'officiel du Hamas Salah Al-Bardawil s'adressant à eux en disant [31] : “pour la millième fois: qu'on s'en aille du camp de Yarmouk, qu'on laisse notre peuple tranquille, que le massacre, les meurtres, et la privation de nourriture s'arrêtent”. De son côté, Saeb Eraka [32], un responsable Palestinien négociateur de l'OLP, a déclaré [31] que “des enlèvements, des décapitations et des meurtres massifs sont rapportés… venant de Yarmouk, qui est soumis à une campagne brutale de meurtres et d'occupation par le groupe terroriste Daech [mot arabe pour désigner l'Etat Islamique] et ses alliés.”

Enfin, les activistes impliqués dans les luttes en Palestine et/ou en Syrie expriment leur colère sur Twitter. La journaliste indépendante Rania Khalek [33] s'est insurgée contre l'attention tardive accordée à Yarmouk à l'international :

Les médias arabes parlent de ça sans arrêt, ce qui est plutôt bien. Mais les gens sont piégés, affamés et bombardés à Yarmouk depuis maintenant des années.

L'activiste Daniel Wickman [35], basé à Londres, a listé sur son Twitter suivi par 17.000 personnes un grand nombre d'acteurs [internationaux] qu'il accuse d'abuser les Palestiniens depuis des années:

Israël les occupe, Bachar Al-Assad les affame, l'Egypte les bloque, les Etats-Unis sourient et laissent faire, et maintenant le groupe Etat Islamique se joint à la fête. #Yarmouk [36]

Jenan Moussa [38], basée à Dubaï, a de son côté Twitté à ses 88.000 abonnés avec le hashtag #SaveYarmouk [39][SauverYarmouk] :

La tragédie des réfugiés palestiniens à Yarmouk : d'abord le siège, ensuite les bombes, et maintenant le groupe Etat Islamique. Les gens ont besoin d'une issue sécurisée. #SaveYarmouk [6] pic.twitter.com/XtVkanrP35 [40]