Comment des blogueurs, écrivains et activistes nigérians ont écrit un livre en cinq jours

Writers at work. Photo used with permission.

Blogueurs, écrivains et activistes nigérians à l'oeuvre. Photo de Luis Antonio Delgado, avec sa permission.

Barbara Ruehling, réalisatrice et animatrice de l'atelier Book Sprint, nous parle de son atelier Book Sprint au Nigéria qui a réuni des blogueurs, des écrivains et des activistes nigérians réunis pour écrire un livre en cinq jours.

Ndesanjo Macha (NM): Bonjour Barbara, avant de parler de Book Sprints, pouvez-vous vous présenter?

Barbara Ruehling (BR): Je m'appelle Barbara Ruehling (@antropofilm), je suis anthropologue sociale et réalisatrice, et depuis 2013 je travaille comme animatrice pour Book Sprint.

NM: Qu'est-ce que Book Sprint?

BR: Book Sprint est une méthode pour produire un livre en travail collaboratif en très peu de temps. On réunit un groupe d'experts sur un sujet donné pour écrire un livre en cinq jours maximum. Ensemble, ils développent un concept, écrivent, et produisent un livre sans aucune préparation dans l'écriture. Le groupe est guidé par un animateur qui utilise une méthodologie bien rodée pour les accompagner dans ce processus. Le produit final est un contenu de haute qualité, corrigé et édité, mis en maquette et prêt à être publié sur papier ou sous forme électronique.

NM: Comment êtes-vous devenue membre de ce collectif ?

BR: J'ai suivi une formation d'animatrice Book Sprint avec Adam Hyde qui a développé cette méthode il y a six ans. Au départ, Adam cherchait une méthode amusante et rapide pour produire de la documentation sur des logiciels gratuits à source ouverte. Il a été inondé de demandes, à tel point qu'il ne pouvait plus animer tous les ateliers Book Sprint, du coup, il m'a formée, et plus tard, il a formé d'autres animateurs. Depuis, on a testé la méthode et on a prouvé que la méthode s'applique à d'autres thématiques comme l'histoire de l'art, la sciences, ou la transparence en gouvernance, pour n'en citer que quelques unes. Les genres varient, allant du manuel de logiciel aux guides de gouvernance, de manuels universitaires à des oeuvres de fiction. Notre premier atelier de fiction Book Sprint s'est tenu récemment au Nigéria!

Book Sprints facilitator Barbara Rühling. Photo used with permission.

L'animatrice Book Barbara Rühling. Photo Luis Antonio Delgado, reproduite avec sa permission.

NM: Pouvez-vous nous parler de cette rencontre de huit blogueurs, écrivains et activistes nigérians réunis pour écrire un livre en cinq jours? Qui sont ces écrivains?

BR: Les 8 participants du Book Sprint au Nigéria sont des gens fantastiques, des blogueurs, des écrivains, des satiristes, des commentateurs politiques et des activistes. Ils ont été invité par la fondation Boell Stiftung au Nigéria qui cherchait à mobiliser les jeunes Nigérians pour réfléchir et discuter des prochaines élections nationales de 2015. Au Nigéria, la mode est à la lecture, les blogs et twitter sont en plein boom, et donc un livre semblait être une bonne idée pour toucher les jeunes.

Liste des écrivains:

Rafeeat Aliyu (@cosmicyoruba) – Blogueuse, écrivain fiction et non-fiction, maniaque d'histoire

Elnathan John (@elnathan) – Ecrivain à temps plein.

Yas Niger (@YasNiger) – Blogueur, écrivain.

Pearl Osibu (@Pearlosibu) – Blogueuse, écrivain, designer.

Chioma Agwuegbo (@ChiomaChuka) – Blogueuse, écrivain.

Kalu Aja (@kaluaja) – planificateur financier et coach

Azeenarh Mohammed (@xeenarh) – Illustratrice sonore, passionnée par les problèmes de vie privée, formatrice en sécurité numérique

Fola Lawal (@SheCrownLita) – Editrice

The cover of the book written in Nigeria in 5 days. Image by Barbara Rühling. Used with permission.

La couverture du livre écrit au Nigéria en 5 jours.  Design par Henrik van Leeuwen, avec sa permission.

NM: Comment avez-vous sélectionné les écrivains?

BR: Azeenarh Mohammed (@xeenarh) a choisi le groupe pour cet atelier Book Sprint, d'abord parce que ce sont des écrivains brillants qui ont des idées intéressantes, mais aussi pour garantir un échantillon représentatif au niveau du sexe, de la religion, de l'âge, et des différentes régions. Je pense qu'elle a parfaitement réussi ! En tant qu'animatrice, je donne juste des conseils aux organisateurs sur la méthode pour choisir les participants, sinon je suis neutre par rapport au contenu.

NM: Pourquoi ce choix du Nigéria ?

BR: On a organisé des ateliers Book Sprint dans le monde entier, et je suis vraiment contente de voir que de plus en plus d'ateliers sont organisés en dehors de l'Europe occidentale et de l'Amérique du Nord, dans des pays comme la Colombie, le Burundi, l'Ethiopie et le Nigéria. La fondation Heinrich Boell Stiftung au Nigéria nous a invités pour écrire et publier un livre avant les élections de 2015.

NM: Quel est le thème principal du livre?

BR: Le livre est né d'un besoin d'inspirer les jeunes Nigérians pour qu'ils réfléchissent à l'avenir de leur pays avant et au-delà des élections nationales. Au départ, le titre provisoire du livre était “L'avenir tel que nous le voulons” et l'idée de base était de déterminer une vision commune qui englobe la diversité politique, religieuse et ethnique du pays. D'abord, les écrivains ont écrit une critique politique se juxtaposant à des avenirs alternatifs qu'ils ont ensuite transformés en histoires provocatrices. Ces histoires sont centrées autour d'une ville dotée d'un marché qui pourrait représenter n'importe quelle ville dans le pays, et reste donc non nommée. Nameless [Sans nom] est ainsi devenu le titre du livre.

NM: Pouvez-vous expliquer comment fonctionne la méthodologie Book Sprint?

BR: La méthodologie fonctionne grâce à un haut degré de collaboration avec le soutien d'un animateur, et grâce à une plate-forme d'écriture adaptée à ce genre de travail. Quand on parle de haut degré de collaboration, on veut aussi dire qu'un livre réalisé dans un atelier Book Sprint n'a pas d'auteur individuel. Tout le monde est écrivain, rédacteur et contribue de façon égale. Ainsi on s'assure que tout le monde contribue et est inclus, et au final pratiquement tout le monde a travaillé sur chaque partie du livre. C'est un processus intensif, qui crée un haut niveau de motivation et de confiance à l'intérieur du groupe. La tâche de l'animateur est de susciter un tel environnement.

La thématique du livre est décidée par l'organisateur avant le début de l'atelier, mais en dehors de cela, tout est créé par le groupe pendant les cinq jours. L'animateur guide le groupe pour définir un concept et la structure du livre, en écrivant les différentes parties, en révisant, réécrivant et réadaptant la structure. Une équipe à distance composée d'un illustrateur, d'un coordinateur et d'un correcteur travaillent de façon simultanée avec les écrivains, pour qu'une fois le livre terminé à la fin de la cinquième journée, le livre soit illustré, relu et disponible immédiatement.

NM: Quel est le rôle des réseaux sociaux dans ce projet?

BR: Bien sûr, on aime bien utiliser Twitter (@booksprint) et on blogue sur nos aventures, et de plus en plus, on télécharge les voix des participants sur notre chaîne vimeo. Pour écrire le livre, il est absolument indispensable d'être face à face dans le même espace.

NM: Si j'ai bien compris, vous avez réalisé un film sur l'histoire du livre?

BR: L'histoire du Book Sprint au Nigéria était si fascinante qu'on a fait un documentaire de courte durée avec l'artiste visuel Luis Antonio Delgado. Vous pouvez le visionner ici. Cela fait longtemps que je voulais faire un film qui raconte l'histoire de Book Sprint et l'atelier organisé au Nigéria était l'occasion rêvée car il illustre par son contenu l'essence même de la méthode: réunir des voix différentes pour créer une vision commune. A la veille d'élections, cela représente aussi un sujet d'actualité et essentiel.

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NM: Le livre est-il disponible en ligne?

BR: Le livre est doté d'une licence Creative Commons et il est disponible gratuitement en ligne, sur ce site de la fondation Boell. Les écrivains l'ont aussi téléchargé sur smashwords et sur okadabooks.

NM: Comment ont réagi les réseaux sociaux?

BR: Beaucoup de réactions sur Twitter, les Nigérians sont certainement les utilisateurs Twitter les plus actifs sur mon compte, pas de doute! Une des participantes, Chioma Agwuegbo, a blogué sur son expérience chaque jour pendant la durée de l'atelier Book Sprint.

Tous les autres écrivains ont tweeté sur l'atelier, par exemple Elnathan John a écrit ceci un jour après la fin de l'atelier lors de la publication du livre:

Quand 2 000 exemplaires papier ont été distribué au festival Ake Arts&Books la semaine suivante, le grand écrivain Ayo Sogunro (‏@ayosogunro) a applaudi:

Plus tard, un des participants, xeenarh (@xeenarh), a même créé un sondage en ligne sur le livre.

Vous avez tous lu nameless? SVP veuillez répondre à mon sondage en 2  min :) @sagaysagay @ayosogunro @antropofilm @dirtytinker @aeesher https://t.co/mx1pgYcKLf

Dans une recension du livre, la blogueuse Folakemi Odoaje a écrit:

Ce qui est incroyable à propos de Nameless, c'est que cela démontre que les questions sociales, économiques, religieuses et politiques du Nigéria ne sont pas spécifiques d'une région ou d'une tribu – on souffre tous du même sort et donc notre effort collectif est essentiel (…) J'ai bien aimé ce mélange d'écrivains de Nameless, j'ai tout adoré dans ce livre. Pour ceux qui pensent que nos problèmes sont dus à une région en particulier, les écrivains sont aussi divers que l'est notre pays, voir leurs biographies à la fin du livre.

NM: Où a lieu le prochain Book Sprint?

BR: Le prochain se déroulera à la Bibliothèque nationale des sciences en Californie, et on a déjà une série d'autres ateliers prévus pour cette année. J'espère en faire un en Asie, on en a encore jamais fait dans cette région du monde!

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