Notre bulletin de veille Netizen de Global Voices Advocacy donne un aperçu international des défis, victoires et tendances émergentes dans le domaine du droit d'internet et des libertés numériques.
Une vague de nouvelles lois sur la cybercriminalité déferle dans le monde entier ce mois-ci. Les nouvelles lois qu'ont concoctées l'Egypte, le Pakistan et la Tanzanie veulent combattre un grand nombre de délits commis sur Internet. Reste que ce sont autant sinon plus de droits fondamentaux des usagers d'Internet qu'on menace dans le même temps.
Au Pakistan, le projet de loi sur la Prévention des Crimes Electroniques est sur le point d'être débattu à l'Assemblée Nationale. Voté, le texte élargirait de manière très importante la définition du cyber délit. Il incriminerait les critiques politiques et autres formes d'expressions en ligne, il autoriserait également les autorités à bloquer tout système d'information (site internet inclus) en cas d'atteinte “aux intérêt de la religion, de la sécurité ou de la défense du Pakistan, ses relations diplomatiques, l'ordre public, la civilité et les bonnes moeurs”. Cette loi établit en outre des nouveaux critères de collecte des données pour les fournisseurs de services en ligne et donne de nouvelles compétences aux agences gouvernementales pour obtenir et échanger les données des utilisateurs avec d'autres gouvernements, dont les Etats-Unis.
Dans un article consacré aux failles du projet, le journal national Express Tribune considérait le texte comme “menaçant presque tous les acteurs d'Internet plutôt que de les protéger des cybercriminels”. Des ONG dont Human Rights Watch, Article 19, Digital Rights Foundation Pakistant et Bolo Hobi, ont publié un communiqué exprimant leurs inquiétudes quant aux textes en question. Il s'accompagne d'une pétition en ligne, demandant à ce que le législateur sonde l'opinion publique avant de procéder au vote.
Le gouvernement égyptien a ratifié un projet de loi visant à codifier de nombreuses pratiques de surveillance et de “sécurité” numériques devenues routinière sous le gouvernement en place. D'après le site d'info Alaraby, la loi rendrait passible de réclusion à perpétuité le blasphème et les crimes électroniques commis dans le but de troubler l'ordre public, de mettre en danger la sécurité de la société, ou de porter atteinte à l'unité nationale ou la paix social. Le projet est en attente de ratification.
Pendant ce temps en Tanzanie, le Parlement a voté une loi du même genre le 1er Avril, qui rend illégale la publication de d'informations “trompeuses et fausses” et dote la police en prérogatives larges en matière d'enquête et de perquisitions. Le texte incrimine également l'envoi d'informations “sans sollicitation préalable” via moyens électroniques. Les militants assurent que le texte a été élaboré de manière précipitée et regrettent qu'il donne trop de pouvoir discrétionnaire aux autorités.
Des blogueurs syriens ont survécu à une attaque violente en Turquie.
Assad Hanna est militant pour les droits humains et contribue à Global Voices. Ce dernier a été attaqué et poignardé à quatre reprises à l'estomac dans sa maison d'Istanbul le 20 avril dernier. Relatant son accident sur Facebook, il écrit “Je n'accuse personne mais je ne peux pas croire qu'il s'agisse d'une coincidence dès lors que celui qui m'a fait ça a frappé à ma porte, m'a attaqué et n'a rien volé dans ma maison. J'ai déjà fait l'objet de menaces de différents groupes”.
Foi aveugle : la Chine interdit les avatars politiquement incorrects
Les pseudos et images de profils sont la dernière cible des mesures restrictives chinoise en matière informatique. Les nouvelles mesures incriminent l'utilisation d'avatars ou d'identités numériques qui “violent les lois existantes, créent une menace nationale pour la sécurité ou détruisent l'unité ethnique”. Quelques jours avant que la régulation n'entre en vigueur, plus de 60 000 utilisateurs de réseaux sociaux ont vu leur comptes “purgés”. 7000 autres ont suivi le mouvement. Aussi étrange que cela puisse paraitre, les autorités ont pour cible la pratique bien enracinée des utilisateurs de réseaux sociaux d'utiliser leur identité numérique et images de profils pour témoigner de causes politiques. A l'automne dernier par exemple, de nombreux netizens chinois ont changé leur image de profil pour un logo de parapluies, en témoignage de solidarité pour les manifestations pro-démocratie de Hong-Kong. Pour l'heure, il semble que ces parapluies doivent se cacher.
Une entreprise indienne remet Facebook à sa place sur fond de neutralité du net
Les entreprises technologiques indiennes se retirent de l'initiative Internet.org de Facebook. Elles considèrent qu'il y a là une menace pour les principes de la neutralité du net dès lors que le service est limité à l'accès de certains sites web. Internet. org s'autoproclame comme un projet qui cherche à réduire la fracture digitale en donnant à ‘la majorité non connectée du monde, le pouvoir de se connecter”. Or, cette connexion dont Facebook parle, n'est pas celle à laquelle on pense. Facebook prend en fait en charge les coûts de connexion, en échange de quoi il s'associe avec des sociétés de télécommunications pour proposer aux utilisateurs un panel limité de sites relatifs à la recherche d'emploi, à la santé, aux actualité et à l'éducation, sans oublier son propre site, Facebook. A la suite de la participation de Mark Zuckerberg au Sommet des Amériques, la célèbre firme doit compter avec des critiques similaires de la part de membres de la société civiles d'Amérique Latine,
Un éléphant pour la surveillance de masse à La Haye
La semaine dernière à la Haye, des représentants du gouvernement, du secteur privé et de la société civile, se sont réunis pour la Conférence Mondiale sur le cyberespace. Malgré un nombre important de conversations consacrées au droit au respect de la vie privée, à la fois dans les stands et lors des conférences, les documents finaux de l'événènement ne contiennent que de maigres références aux implications de la surveillance de masse en termes de droits de l'homme. Pas de surprise pour les défenseurs des droits numériques présents. Plusieurs d'entre eux ont d'ailleurs fait se dresser un éléphant gonflable grandeur nature près du lieu de la conférence – représentation littérale de l'éléphant dans la pièce (en référence à l'expression idiomatique anglaise “Elephant in the room”, un problème sérieux, connus de tous et volontairement omis du débat).
La surveillance de masse demeure #theElephantInTheRoom pour les gouvernements, également au #GCCS2015 pic.twitter.com/LqzuRPmhCN
— Menso Heus (@mensoh) April 15, 2015
On voit Londres, on voit la France. Mais peut-on voir l'algorithme de Google ?
Google continue de collectionner les réprimandes de l'Union Europenne qui lui reproche d'abuser de sa position dominante dans les recherches Internet, tout particulièrement en privilégiant ses propres service dans son Google Shopping Service. Le Sénat français est allé plus loin en votant en faveur d'un projet de loi qui permettrait de forcer le géant américain à révéler les dessous de son algorithme de référencement. Un tournant qui pourrait apporter plus de transparence.
Le site de code collaboratif Github a reçu entre 0 et 249 “Requêtes de Sécurité Nationale” l'an dernier
Dans son premier rapport sur la transparence, GitHub a indiqué avoir reçu 10 assignations au sujet d'informations sur les utilisateurs, touchant 40 comptes. Le site a aussi reçu entre 0 et 249 Requêtes de Sécurité Nationale touchant 0 à 249 comptes. Ces chiffres assez vagues montrent le respect de l’ordonnance de non-publication des courriers de Sécurité du Gouvernement par Github, et indique que le site collaboratif a reçu au moins une requête en ce sens émanant du gouvernement américain ou d'un ordre de la United States Foreign Intelligence Surveillance Court.
Ellery Roberts Biddle, Weiping Li, Hae-in Lim, Sarah Myers West, and Mong Palatino ont contribué à ce rapport.