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La guerre laisse les Yéménites bloqués à l'étranger et en errance dans leur pays

Catégories: Afrique du Nord et Moyen-Orient, Yémen, Catastrophe naturelle/attentat, Droits humains, Guerre/Conflit, Médias citoyens, Réfugiés
A Yemeni quotes human rights articles to plead with world organisations to help return stranded Yemenis abroad home. Photograph shared by @NuhaSanhani on Twitter [1]

Un Yéménite plaide les droits de l'homme pour demander aux organisations mondiales d'aider les Yéménites bloqués à l'étranger à rentrer chez eux. Photo sur Twitter de @NuhaSanhani

(Article d'origine publié le 29 avril) Des milliers de Yéménites sont bloqués à l'étranger, dans l'impossibilité de rentrer chez eux, depuis que les forces de la coalition menée par l'Arabie Saoudite ont commencé à bombarder leur pays le 26 mars. 300.000 sont des déplacés internes au Yémen, avec peu ou pas d'assistance.

Les Yéménites qui étaient hors du pays pour traitement médical ou d'autres raisons quand la guerre a éclaté dans leur pays [2], sont empêchés depuis un mois entier de rentrer, par ordre de la coalition militaire. L'embargo aérien, maritime et terrestre imposé au Yémen les a bloqués à l'étranger. Les nouvelles conditions de visa que leur imposent les pays qui les avaient accueillis, l'absence de moyens d'existence, plus les 300.000 personnes, selon les estimations, qui sont des déplacés internes [3], font maintenant des Yéménites des réfugiés tant à l'étranger que dans leur propre pays.

Depuis Sana'a, Ali Almurtada explique :

Beaucoup de Yéménites bloqués dans de nombreux aéroports. Ils ne peuvent pas rentrer chez eux (zone d'exclusion aérienne) et ne peuvent pas entrer dans les pays (problèmes de visa)

Les forces de la coalition arabe écrasent le Yémen de frappes aériennes depuis le 26 mars. Leurs attaques ne se sont pas limitées aux installations militaires ou à leur principale cible, les combattants tribaux houthistes, qui ont pris pris la capitale Sana'a au président Abd-Rabbu Mansour Hadi en janvier.

Les destructions sont également massives dans la cité portuaire d'Aden dans le sud, où les houthistes ont poussé leur avantage, aux côtés des forces loyales à l'ancien président du Yémen Ali Abdullah Saleh.

Saleh a quitté ses fonctions après trois décennies de présidence, dans le sillage des manifestations populaires de 2011, et cédé le pouvoir à Hadi par un accord conclu avec la médiation du Conseil de Coopération du Golfe sous la houlette saoudienne. Ce sont ces mêmes pays qui bombardent en ce moment le Yémen. Saleh contrôle toujours la plupart des unités de l'armée du Yémen, et exerce son influence sur le plus pauvre des pays arabes.

En temps de guerre les gens cherchent habituellement refuge dans les pays voisins. Etrangement, les Yéménites veulent rentrer chez eux. Bassam Hassan tweete :

Des gens cherchent à fuir la patrie et d'autres pleurent pour y retourner malgré l'épreuve

Tandis qu'il y a 10.000 Yéménites en mal de retour selon le directeur des transports aériens du Yémen cité par Alaraby Aljadeed [12], les médias ne parlent pratiquement que de l'évacuation des étrangers vivant au Yémen, organisée par leurs pays, principalement la Chine, la Russie et l'Inde. C'est l’Inde [13] qui s'est démarquée par sa performance en nombre de vols d'évacuation de ses citoyens bloqués au Yémen autant que pour son aide aux ressortissants d'autres pays pour quitter en toute sécurité le pays.

L'Inde a évacué 4.741 Indiens du Yémen – mais aussi 1.947 ressortissants étrangers de 48 pays différents.

Alors que la super-puissance mondiale, les Etats-Unis d'Amérique, pourvoyeuse de soutien logistique et de renseignement pour la guerre au Yémen, a abandonné ses nationaux [16].

Alors que de nombreux autres pays retirent leurs ressortissants du Yémen, les Etats-Unis disent aux Américains de tâcher de tenir bon.

De nombreux militants ont voulu sensibiliser à la détresse des Yéménites bloqués à l'étranger, surtout ceux en Egypte, Jordanie et Inde, qui ne peuvent sortir des aéroports, ou ont besoin de soins médicaux avec un budget limité qui s'épuise, risquent l'expulsion de leur logement, en l'absence de toute aide par les ambassades du Yémen.

S'IL VOUS PLAIT aidez les Yéménites bloqués dans différentes parties du monde.

S'il vous plait aidez les Yéménites bloqués à rentrer chez eux

En Egypte

De nombreux Yémenites bloqués se sont plaints du manque de soutien par leur propre ambassade, qui leur a fermé la porte au nez.

Mazen @MazenAlHebshi parle des Yéménites bloqués sur la BBC en arabe

Des Yéménites bloqués au Caire manifestent devant l'ambassade du Yémen aujourd'hui

France24 a diffusé un reportage sur les Yéménites bloqués au Caire et les difficultés qu'ils affrontent :

Egypte : Yéménites bloqués au Caire

Avec photos et vidéos, les Yéménites bloqués collectent des signatures en vue d'une action en justice contre l'ambassadeur

En Jordanie

Des photos pour les Yéménites piégés à Amman aujourd'hui. Un exemple de leurs souffrances.

Belquis Alsalami, une des rares à avoir eu la chance de quitter le pays dans un vol charter, relate par le menu sur sa page Facebook [59] la désagréable expérience de l'atterrissage à Amman, en Jordanie :

حاولنا نتفاهم مع الموظفة الأردنية. ردت علينا بكل وضوح: أنتم غير

مرغوب فيكم في الاْردن!!
قلنا: ليش؟؟
قالت: أنتم لاجئين..
ردينا عليها وقلنا: ما فيش أحد مننا الموجودين يشتي يدخل الاْردن.. كلنا معنا فيز إلى دول أخرى.. ومعنا تذاكر طيران من الاْردن إلى جهات أخرى (دبي – لندن- اثيوبيا – الهند – نيوزلندا – أمريكا)
هذه كانت الجهات اللي كنا متجهين إليها..
قالوا مافيش نزول من الطيارة خااااااااااااالص

Nous avons essayé de raisonner l'employée jordanienne.
Elle a répondu clairement : on ne veut pas de vous en Jordanie
Nous avons demandé : Pourquoi ?
Elle : Vous êtes des réfugiés..
Nous : Aucun de nous ne veut entrer en Jordanie..Nous avons tous des visas pour d'autres pays..et nous avons des billets de Jordanie vers d'autres destinations (Dubaï, Londres, l'Ethiopie, l'Inde, Nouvelle Zélande, USA)…Voilà les destinations vers lesquelles nous allions..
Ils ont dit paaas question de sortir de cet avion

Hisham Al-Omeisy décrit la suite du calvaire, les passagers retenus dans l'avion pendant sept heures :

Mes cousins, en majorité des femmes et des enfants, n'ont pas été autorisés à quitter l'avion pendant 7 heures à Amman, encerclés par l'armée, puis on leur a donné un laissez-passer

En Inde

[article cité] “Les Yémenites bloqués à Mumbai luttent pour leur espace vital
Alors même que leur pays est englouti dans une violente guerre civile, les centaines de Yéménites bloqués à Mumbai vivent une situation tout aussi éprouvante”

Déplacés internes

Au Yémen, plus de 300.000 personnes ont été forcées à abandonner leurs maisons, et ont fui dans d'autres villes ou dans les villages, pour chercher refuge contre les violences auprès des parents ou connaissances, selon [3] le Bureau des Nations Unies pour la Coordination des affaires humanitaires (OCHA selon son acronyme anglais).

Les chiffres compilés par l'OCHA au 28 avril montrent que le nombre de personnes déplacées par l'escalade du conflit dans les 19 governorats a augmenté de façon significative. Les partenaires humanitaires avaient estimé qu'au moins 150.000 personnes étaient déplacées au 17 avril, mais ce nombre soulevait de gros doutes. Les données disponibles montrent que les gouvernorats ayant le plus grand nombre de ces déplacés sont ceux de Hajjah, Al Dhale’e et Abyan.

Bushra Aldukhainah, coordinatrice humanitaire de Care Yemen, a appris de première main ce que cela signifie d'être un “déplacé interne” (DI). Elle écrit [65] dans le Guardian:

Je n'ai jamais pensé que je saurais ce que c'est que d'être un déplacé interne, mais maintenant je sais. Je travaille à Care, je suis donc celle qui aide les personnes déplacées, mais il y a près de deux semaines, après le début des frappes aériennes au Yémen, ma famille et moi avons ressenti la peur et la souffrance d'avoir à soudain rassembler ses affaires, quitter sa maison et courir pour sauver sa vie.

Réfugiés à Djibouti et au Somaliland

Beaucoup de Yéménites ont cherché refuge dans les pays pauvres voisins qui les ont accueillis. L'Organisation Internationale des Migrations a fait savoir [66] que le total des arrivées provenant du Yémen dans la Corne de l'Afrique, soit Djibouti, le Somaliland et le Puntland, s'est accru de 8.344 personnes cette semaine. Ce qui amène à un total estimé de 10.263 depuis l'escalade de la guerre mi-mars.

Pour sauver sa mère, sa femme et ses enfants, Fairuz a laissé un fils en arrière en fuyant les balles des snipers à Aden.

Fairuz, charpentier de son métier, décrit sa fuite  [67]:

Sauver cinq vies c'est mieux…,” se rappelle-t-il avoir crié à Adeeb depuis la maison d'un voisin où ils étaient en visite quand l'attaque a commencé, le suppliant de courir.

“Je suis inquiet que mon fils est là-bas maintenant et a peur des balles”, dit-il. “Les tirs duraient jour et nuit. Impossible de décrire la force du bruit des bombes et des missiles.

“Nous désirions ardemment retourner, mais nous voyions les bombes et savions que nous ne pouvions pas”

Déception

De nombreux Yéménites ont exprimé leur mécontentement de l'absence d'empathie et de soutien humanitaire pour les réfugiés yéménites à l'étranger, qui n'ont d'autre choix que de rentrer chez eux.

Des pays riches au Nord et à l'Est, pourtant les réfugiés yéménites fuient en Somalie et à Djibouti
[article cité] “La guerre au Yémen met les pays voisins sous pression croissante
L'inquiétude monte que la guerre civile prolongée au Yémen ne laisse des camps de réfugiés bondés à Djibouti, au Somaliland et Puntland incapables de s'en sortir”

Guerre de coalition pour sauver la population yéménite de ses souffrances. Mais elle n'accepte pas les réfugiés qui fuient ni ne leur fournit d'aide humanitaire !

Honte sur le monde qui essaie de “sauver” le Yémen en livrant des armes mais aucun pays n'assouplit les visas ni ne loge à l'étranger les déplacés ou réfugiés