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D'après les experts, le changement climatique est à l'origine du recul du lac Baïkal

Catégories: Europe Centrale et de l'Est, Russie, Environnement, Médias citoyens
Cove with Shamans Rock Olkhon Island Lake Baikal, Russia. Photo by Flickr user amanderson2. CC BY 2.0 [1]

Crique avec le Rocher au chamane sur l’île d’Olkhon, lac Baïkal, en Russie. Photo de l'utilisateur Flickr amanderson2. CC BY 2.0

Cet article [2] a été écrit par Mikhail Matveev pour 350.org [3], une organisation œuvrant pour la création d’un mouvement contre le réchauffement climatique mondial. Il est republié sur Global Voices dans le cadre d'un accord de partage de contenus.

Au début de l'année 2015, le ministre russe des Ressources naturelles Sergueï Donskoï a officiellement déclaré [4] le lac Baïkal comme zone d'urgence, à cause d'une baisse catastrophique de son niveau d'eau. Le lac Baïkal est le plus grand lac d'eau douce de la planète et figure sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO. Il fait la fierté de la Russie et est l'une des destinations touristiques les plus prisées.

Le lac Baïkal et la rivière Angara qu'il alimente sont également la source d'eau de nombreuses villes, et la diminution de son niveau pourrait vider leurs réservoirs de stockage. Afin de préserver l'approvisionnement en eau pour les villes, la quantité d'eau qui coule à travers les barrages des centrales hydroélectriques doit être diminuée, ayant pour conséquence une production d'énergie réduite.

Le ministre russe a clairement expliqué la raison de la diminution de la profondeur du lac Baïkal : « le climat ». Mais alors, qu'est-il arrivé au climat ?

D'après les experts, les précipitations dans la région du Baïkal fluctuent en un cycle qui couvre plusieurs décennies. Cependant, la situation actuelle se situe clairement au-delà des marges de la variation normale. À la fin du mois de mars, par exemple, le niveau d'eau du lac est descendu 9 cm plus bas que le niveau critique. Une telle période de pénurie d'eau n'a pas été observée depuis 100 ans. Selon le Ministère des Situations d'urgence, le débit d'eau entrant dans le lac était de seulement 65 % de la norme climatique en été et et en automne 2014.

La diminution de la profondeur du lac Baïkal se déroule dans un contexte de changement climatique dramatique en Russie : selon le Centre météorologique de Russie (Rosgidromet), l'augmentation de la température moyenne est ici 2,5 fois plus rapide qu'elle ne l'est à l'échelle mondiale. Le changement climatique conduit à une forte augmentation du nombre de catastrophes naturelles, notamment des sécheresses.

Increase in dangerous climatic events in Russia, according to Rosgidromet

Augmentation des événements climatiques dangereux en Russie, d'après Rosgidromet

Le deuxième rapport de Rosgidromet prédit ce genre de situations en détail comme l'un des résultats possibles du changement climatique :

En conséquence de l'augmentation de la variabilité interannuelle des eaux de ruissellement, surtout saisonnière, il est possible que certaines années ou certaines saisons connaissent des niveaux d’eau anormalement élevés ou anormalement bas. Le préjudice financier causé par un niveau d’eau bas pourrait être comparé à celui des inondations, car cela complique le travail des réservoirs de stockage, perturbe l'approvisionnement en eau dans les villes et les installations industrielles, diminue la production d'énergie hydroélectrique, met en danger la navigation fluviale et diminue la qualité de l’eau de la rivière.

La baisse du niveau d'eau n’est qu’une partie des problèmes du lac Baïkal. Le plus terrible est peut-être encore dissimulé sous la surface du lac. À l'automne de l'année 2014 les rives du lac ont commencé à se transformer en pâte de plante aquatique odorante.

L'écosystème du lac qui s'est formé grâce à l'eau propre et incroyablement froide (<10° généralement) et est réputé pour ses bosquets d'éponges d'eau douce, créant des récifs qui ressemblent à ceux des Caraïbes.

Mais ces fantastiques éponges sont en train de mourir et leur habitat est submergé par les mêmes plantes aquatiques (leur nom académique est Spirogyra) qui sont rejetées à terre par les tempêtes. Le paysage unique similaire aux récifs cède la place à un sol recouvert de boue caractéristique  d'un étang réchauffé par le soleil plutôt qu’au lac Baïkal tiède et profond.

Les experts ne sont pas d’accord sur les causes de ces problèmes. Des chercheurs de l'Institut de limnologie ont tiré la sonnette d'alarme en raison de la pollution de l'eau et demandent que des mesures urgentes soient prises pour limiter les rejets des eaux usées dans le lac. Dans l'intervalle, la vice-ministre de l’Environnement et ressources naturelles de la région d'Irkoutsk, Nina Abarinova, considère que la cause fondamentale réside dans la faible teneur en eau et la température élevée de l'eau.

L'eau du Baïkal se réchauffe en effet. Selon une étude publiée [5] en 2008 déjà, la température de l'eau de surface du lac Baïkal avait bondi de 1,21 degrés depuis 1946.

Compte tenu de tout cela, chaque facteur est lié à d'autres, et le changement climatique a un rôle de premier plan. Même la pollution de l'eau est indirectement liée au climat : la baisse spectaculaire de l'eau entrante conduit à la création de zones stagnantes où s'accumulent la vase. Ce qui est frappant, c’est que l'ennemi des « récifs » du lac Baïkal est similaire à celui de leurs parents dans les Caraïbes, le Pacifique et l'océan Indien ; le changement climatique et la pollution de l'eau unissent leurs forces pour affaiblir les éponges et les coraux amateurs de stabilité, tout en créant d'excellentes opportunités pour la croissance des plantes aquatiques.

Ce qui se passe dans la région du lac Baïkal est juste un exemple de la preuve massive que le réchauffement climatique n’annonce rien de bon, même pour le froid russe. Il est dommage que la société russe d'aujourd'hui soit à peine prête à reconnaître ces problèmes globaux, même si la réalité frappe à leur porte de plus en plus fort. Il y a peut-être un espoir que l'activisme climatique dans la région permettra de sensibiliser à ce qui est peut-être le problème le plus important du 21ème siècle, d'autant plus qu'il y existe de premiers projets réussis [6].

Mise à jour : Lorsque ce texte était en préparation, une autre catastrophe a frappé la région. De graves incendies en Khakassie et dans la République de Touva (près du lac Baïkal) ont tué [7] plus de 30 personnes et fait des centaines de sans-abri. Le gouverneur de Khakassie a désigné [8] une anomalie climatique « jamais vue auparavant » – un temps chaud et un vent fort – comme étant la principale cause de la catastrophe.