“Prendre l'avion quand on est musulman” : la galère d'une journaliste arabo-américaine pour entrer en Israël

Noor Wazwaz with First Lady of the United States Michelle Obama (via Facebook).

Noor Wazwaz avec la Première Dame des USA Michelle Obama au dîner des correspondants de la Maison Blanche, avril 2015 (via Facebook).

Les Arabes d'Israël savent que “prendre l'avion quand on est musulman” est synonyme de contrôles de sécurité supplémentaires et de voyage retardé. La journaliste Palestino-Américaine Noor Wazwaz a raconté son arrivée à l'aéroport international Ben-Gourion de Tel-Aviv sur ses comptes de médias sociaux, où elle compte plus de 28.000 abonnés.

Noor Wazwaz, qui s'est donné pour but de devenir “la première présentatrice de journal télévisé en hijab [foulard] à la TV américaine”, a décidé de devenir journaliste pour mieux représenter “[la] voix arabe et musulmane dans les médias occidentaux”.

Elle relate sa galère pour entrer en Israël cette semaine afin de se rende en Palestine, le vol international le plus commode, bien plus rapide que d'atterrir à Amman en Jordanie, et de continuer par la route vers la Cisjordanie sous contrôle israélien. Mme Wazwaz raconte qu'elle a été retenue plus de quatre heures avant d'être interrogée par un agent de sécurité israélien qui a accusé sa famille d'activités terroristes à cause de son origine nationale et ethnique. Elle voyageait avec un passeport américain.

Sur Instagram, Noor Wazwaz fait le récit de son expérience, et conclut que l'humiliation subie à la frontière ne la dissuadera de retourner en Palestine :

We arrived in Tel Aviv, Israel and at passport control, the woman checks our passports and points to a room to the right and says to me, "You know the procedure." For many who've traveled to Israel know this "VIP room" very well. They take your passport. You sit. You wait… And wait…and wait… and wait…and wait. After four hours in this "VIP room"… I get called into my second interrogation. I walked in, smiled and said hello. The interrogator said, "Wipe that smile off your face. Spit out your gum. And you better cooperate with me." I've done these interrogations every time I've traveled here but NOTHING was like this. He asked why I was here… I explained that I was here with two other students and that we are working with journalism students in Ramallah. He shook his head, made smart remarks, yelled at me and didn't believe a word I said. He asked about my family here in Jerusalem and gave him my uncles' names. "Which one of them is a terrorist?" he looked up at me and smirked. I couldn't help but bust out a laugh at how absurd this question was. "You think I'm joking? I'm not joking," he yelled as he slammed the table. I replied, "Well…none of them are." He laughed,"And your cousins? How many are in prison?" I am at loss for words and I wish I could express how I feel right now. The power control, the ego, the mind games, the hate, the humiliation. Disgusting. All this so I, we Palestinians, never come back again. But I'll keep coming back for as long as I live.

A photo posted by Noor F. Wazwaz (@nfwazwaz) on

Arrivés à Tel-Aviv en Israël et au contrôle des passeports, la femme vérifie nos passeports, désigne une pièce à droite et me dit “Vous connaissez la procédure”. En effet ceux qui sont allés en Israël connaissent souvent très bien ce “salon VIP”. Ils vous prennent votre passeport. Vous vous asseyez. Et vous attendez…attendez…attendez…attendez.
Au bout de quatre heures dans ce “salon VIP… on m'appelle pour mon deuxième interrogatoire. J'entre, je souris et dis bonjour.
L'inspecteur me dit d'effacer ce sourire de mon visage, de cracher mon chewing-gum et que je ferais mieux de coopérer avec lui. Je passe par ces interrogatoires chaque fois que je viens ici mais ça n'a JAMAIS été comme celui-ci.
Il m'a demandé pourquoi j'étais là… J'ai expliqué que je venais avec deux autres étudiants et que nous allions travailler avec des étudiants en journalisme à Ramallah. Il a hoché la tête, fait de fines remarques, m'a crié dessus et n'a pas cru un mot de ce que je lui ai dit.
Il a posé des questions sur ma famille ici à Jérusalem, et je lui ai donné le nom de mes oncles. “Lequel d'entre eux est un terroriste ?” il m'a regardé d'en bas avec un sourire en coin.
La question était si absurde qu'un rire m'a échappé. “Vous croyez que je plaisante ? Je ne plaisante pas ” a-t-il crié en tapant du poing sur la table.
J'ai répondu “Heu… aucun.” Il a ri, “Et vos cousins ? Combien sont en prison ?”
Je ne trouve pas les mots pour exprimer ce que je ressens en ce moment même.
Le rapport de force, l'ego, les jeux psychologiques, la haine, l'humiliation. Ecoeurant.
Tout ça fait que moi, nous, Palestiniens ne revenons plus jamais.
Mais je continuerai à revenir tant que je vivrai.

Amis et abonnés de Noor Wazwaz lui ont répondu sur ses comptes de réseaux sociaux pour exprimer leur soutien et solidarité, et compatissent avec des expériences similaires. Sur Instagram, Arwa Sarsour écrit

Bienvenue au club, on doit tous passer par là jeunes et vieux même question même bureau on ne peut pas aller aux toilettes sans quelqu'un derrière et des heures et des heures d'attente

Sur Facebook, où son billet a enregistré 4.000 j'aime et près de 800 partages au moment d'écrire cet article, son abonné Ahlam Abutineh commente

Je viens de déménager à Ramallah/al Bireh venant de Floride où je suis né et ai passé toute ma vie. J'ai mon passeport palestinien, j'ai donc pu venir par la Jordanie comme je le fais depuis trois ans. Ils vous tracassent, tracassent, vous font attendre, attendre, attendre, jettent vos sacs, vous les font chercher, prendre des bus- un trajet de 30 min pour rentrer finit par durer toute la nuit… Ils ne peuvent pas nous refouler. Il faut que plus de gens continuent à venir même si c'est épuisant.

Ph Sima Ghnaim, également Nord-Américain mais pas détenteur d'un passeport palestinien, évoque un traitement similaire : 

Vous êtes formidable… Ils me font attendre 6 heures chaque fois que je viens en Palestine juste parce que je suis Arabe. Je n'ai pas de passeport palestinien. Je voudrais en avoir un mais même avec un passeport canadien ils me traitent avec les plus grands mépris et haine.

Maria M. Jaber Khalil se demande comment le traitement par la sécurité israélienne de citoyens américains ayant la double nationalité palestinienne peut être légal ou accepté sur le principe par les Etats-Unis, avec cet argument :

Le plus grotesque dans tout ça est que leur système informatique contient toutes vos coordonnées personnelles plus celles de vos familles proche et étendue, les enfants, leurs adresses. Et c'est aussi lié avec les USA, alors pourquoi toutes les questions qu'on pose [c'est de l’]humiliation, car ils peuvent tout faire que vous soyez citoyen américain ou pas. La dernière fois que mon mari est venu on l'a envoyé au bureau VIP il a attendu 6 heures il est aussi citoyen américain, quand vous leur dites que vous allez les signaler à l'Ambassade ils vous rient au nez et vous disent Et alors, l'Amérique ne peut rien faire elle nous appartient. C'est triste mais vrai…. Je suis triste et fâchée contre notre gouvernement. 

Pour ceux qui n'ont jamais connu l'humiliation aux mains de la police des frontières, la description de Shireen Nasser touche au côté humain de l'expérience.

Autant nous essayons de raconter les histoires aux autres, ils ne peuvent jamais vraiment imaginer quelle manipulation mentale c'est jusqu'à ce qu'ils l'aient vécue. C'est une forme de dégradation et d'oppression au-delà de tout ce qu'on a enseigné dans les livres d'histoire.

D'autres commentateurs font allusion au très polémique droit au retour, selon lequel les descendants des réfugiés palestiniens expulsés pendant la guerre de 1948 — appelée Guerre d'indépendance par les Israéliens et Nakba (“Catastrophe”) par les Palestiniens — doivent pouvoir retourner sur leur terre et récupérer leur propriété originelle. 30.000 à 50.000 émigrants palestiniens estimés à l'origine, devenus aujourd'hui 5 millions à travers le monde. Le droit au retour reste une pierre d'achoppement dans les négociations de paix.

En contrepartie,les Juifs israéliens exigent la reconnaissance pour le million de Juifs expulsés des terres arabes à la suite de la création de l'Etat d'Israël, qui, comme les Palestiniens de 1948 ont été forcés d'abandonner leurs propriétés et biens dont la valeur a été absorbée par les Etats successeurs avec une plus-value importante.

L'utilisateur d'Instagram Enasjudeh s'emballe :

… Je supporterais ça un million de fois pour visiter ce beau pays !

Tandis que Rehab Eid, qui se dit New-Yorkaise palestinienne musulmane, proclame :

Arrival in Palestine: Wazwaz captions this photo, "Good Morning, Ramallah" (via Facebook).

Arrivée en Palestine. Wazwaz légende cette photo, “Bonjour depuis Ramallah” (via Facebook).

Ils croient qu'ils vont nous empêcher de revenir, mais nous devenons seulement plus forts!

Reflétant le sentiment commun, Beesan Arouri affirme

Ils peuvent faire ce qu'ils veulent, nous reviendrons toujours.

Quant à NoorWazwaz, vous pouvez suivre son voyage en Palestine par ses fréquentes mises à jour.

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