La divulgation du demi-million de câbles dont WikiLeaks a commencé la publication, et qui alimente les discussions dans les médias sociaux du Golfe, offre une vue imprenable sur la politique étrangère de l'Arabie Saoudite.
On y trouve de tout, depuis les problèmes soulevés par la délivrance de visas à des chanteuses jusqu'aux questions de géopolitique régionale et internationale. Plusieurs conclusions peuvent en être tirées.
A. L'Arabie Saoudite peut être pragmatique
Une des dépêches révèle que la soeur d'un dignitaire chiite célèbre a approché l'Arabie Saoudite pour obtenir un don. La fondation caritative Al-Sadr porte le nom de Moussa Al-Sadr, le fondateur du parti chiite libanais Amal, proche affilié du Hezbollah.
Le thème rebattu du conflit Sunnites-Chiites au Moyen-Orient n'a pas fait obstacle à la décision du royaume d'accorder discrètement son soutien financier à cette fondation. Un signe qu'il essaie créer des alliances avec des adversaires idéologiques. La fracture confessionnelle tient plus de la rivalité d'intérêts, contrairement à ce que se plaisent généralement à décrire de nombreux médias.
B. L'élaboration de la politique étrangère est hyper-centralisée
Le volume de câbles adressés à l'ancien Ministre des Affaires étrangères Saud Al-Faiçal est énorme. Qu'il ait été tenu au courant de questions aussi minimes montre qu'il gérait son ministère dans les plus petits détails.
Sur ce câble, Al-Faiçal demande au ministère de l'Information de lui communiquer les noms des scouts sélectionnés pour un programme d'échange avec les Etats-Unis, une tâche habituellement confiée ailleurs au personnel d'exécution :
C. Totalitaire, c'est peu dire
Où s'arrête la surveillance de l'Etat ? Dans les monarchies du Golfe, on n'a pas fini de répondre à cette question. Les câbles montre que l'Etat fourre son nez jusque dans la vie personnelle et familiale. Ce câble raconte comment un ressortissant syrien s'est disputé au téléphone avec sa soeur mariée à un magistrat bahreïni. Conséquence : il a été interrogé par le renseignement saoudien jusqu'à ce qu'il signe un papier disant que la querelle était résolue.
D. La diplomatie du chéquier
L'influence de l'Arabie Saoudite se mesure aux ressources financières qu'elle déploie. Son argent peut servir à payer des partisans, comme pour l'homme politique libanais Samir Geagea, chef des Forces Libanaises (FL), un parti politique chrétien membre de l'Alliance du 14 mars. Dans le câble suivant, Geagea sollicite l'aide financière de l'Arabie Saoudite pour couvrir les frais de sa protection personnelle :
Les câbles montrent aussi que les pétrodollars saoudiens servent à financer les chaînes de télévision qui relaient les opinions de l'Arabie Saoudite et oeuvrent pour ses intérêts, comme la chaîne libanaise MTV. Un câble indique que la chaîne a sollicité 20 millions de dollars US, mais n'en a obtenu que 5, sous la condition de détailler comment elle allait garantir les intérêts du royaume dans son traitement de l'information.
Les fonds saoudiens servent aussi, selon les câbles, à faire pression sur les télévisions diffusant des contenus qui déplaisent au gouvernement saoudien. Exemple, ce câble révèle que l'ambassadeur saoudien au Caire a réprimandé Naguib Sawiris, le milliardaire propriétaire d'ONTV, pour avoir reçu le dissident saoudien Saad Alfaqih. Le câble indique que Sawairis a promis de ne plus recommencer et proposé d'inviter l'ambassadeur saoudien pour réfuter les propos d'Alfaqih.
La réaction du royaume aux révélations est encore plus intéressante. Loin de réfuter leur authenticité, un fonctionnaire du Ministère des Affaires étrangères a fait ce commentaire : “Le document divulgué n'est pas en contradiction avec la politique étrangère publique adoptée par le royaume”
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