Le gouvernement hongrois a voulu récemment asséner, à coup de panneaux publicitaires géants dans tout le pays, ces messages aux migrants et candidats-migrants : “Si tu viens en Hongrie, ne prends pas le travail des Hongrois”, “Si tu viens en Hongrie, respecte notre culture” and “Respecte nos lois”.
Une campagne d'affichage s'inscrivant dans le prolongement de la consultation nationale sur l'immigration et le terrorisme, par laquelle le premier ministre Viktor Orban et son parti au pouvoir Fidesz promeuvent aux frais du contribuable l'hostilité aux non-Hongrois.
Dans la mesure où rares sont les migrants qui comprennent la langue hongroise, les critiques font remarquer que ces avertissements s'intègrent plutôt dans une offensive plus générale visant à exciter les peurs et gagner le soutien des citoyens à des lois et mesures anti-immigration déjà prêtes.
Les Hongrois qui refusent les positions populistes du gouvernement ne sont pas restés les bras croisés. Panneaux dégradés, arrachés, repeints, c'est pour les militants à qui arrivera le premier. Une initiative de crowdfunding à l'immense succès a levé plus de 100.000 dollars (90.700 euros) en quelques jours pour monter une contre-campagne d'affichage, en anglais cette fois. Et les médias sociaux grouillent de parodies aussi drôles que poignantes des panneaux. Nos meilleurs choix :
‘Quels emplois ?’
‘Pâté’
‘Connasse !’
‘Si tu viens au pays des chauves-souris…’
‘La Hongrie a besoin de culture’
…'Dans son propre pays, en vain, le fuyard cherchait sa patrie’
‘Bienvenue !’
‘Aidez ET !’
‘C'est cool’
‘Venez en Hongrie, nous, nous travaillons à Londres !’
Quelques maîtres es-Photoshop sont aussi passés à l'action, et ont créé de nouveaux textes pour les affiches originelles de la campagne gouvernementale. Voici une sélection des plus inspirés.
‘Je suis allée au Chili, ai pris leurs emplois…’
La diaspora hongroise, qui “prend” le travail d'autres pays n'a pas voulu être en reste :
L'Union Européenne et la communauté internationale ont déploré les mesures de plus en plus droitières en Hongrie. Le Parti Populaire Européen (PPE), conservateur centriste, est le premier parti politique au Parlement Européen, et inclut le Fidesz. Le 10 juin, le Parlement Européen a adopté une résolution soutenue par le PPE, qui critique l'action du gouvernement hongrois en matière d’immigration. La résolution relève que :
[…] ces récents développements ont conduit à des inquiétudes quant aux principes de l'Etat de droit, à la démocratie et aux droits fondamentaux en Hongrie au cours de l'année passée, qui, additionnées, peuvent représenter un danger systémique émergent pour l'Etat de droit dans ce pays membre […]
La campagne d'affichage du gouvernement a aussi coïncidé avec la Journée mondiale des Réfugiés du 20 juin, destinée à sensibiliser aux épreuves des réfugiés à travers le monde. Pour marquer ce jour, le bureau régional du Haut Commissariat des Nations Unies aux Réfugiés (UNHCR) à Budapest a mis en avant des cas individuels de réfugiés qui se sont intégrés avec succès dans la société hongroise. Des images qui s'inscrivent en faux contre l'attitude alarmiste du pouvoir.
“Le seul problème est que ma famille me manque tellement que c'est parfois douloureux. Mes parents, ma petite soeur, mon frère me manquent” a déclaré à l'opération de l'UNHCR Zeeshant, 19 ans, qui joue dans la peu connue équipe nationale hongroise de cricket. Menacé par les talibans, il a été contraint de fuir le Pakistan et a voyagé pendant neuf mois avant d'arriver en Hongrie dans le conteneur d'un semi-remorque.
Sophie vient du Togo, en Afrique de l'Ouest, et travaille dans un jardin d'enfants public. Elle s'est enfuie pour échapper à la mutilation génitale féminine et voudrait devenir citoyenne hongroise, indique la campagne de l'UNHCR, mais sa candidature a été refusée deux fois. “Je contribue à la Hongrie, car je travaille et paie des impôts. J'apprends aux enfants à être ouverts aux étrangers et aux personnes qui sont différentes”, dit-elle.
Faisant fi de la réprobation internationale et de la fronde de nombreux Hongrois, le gouvernement poursuit son programme anti-immigration. Le 17 juin, il a annoncé son projet de construction d'un mur de quatre mètres de haut sur sa frontière avec la Serbie. Comme d'habitude, des mèmes ont vite surgi pour nous rappeler que :